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Enfants soldats

La guerre n’est pas un jeu d’enfants (16 janvier 2003)

Ils ont l’âge de jouer aux petits soldats. Ils ont l’âge de l’insouciance et pourtant ils n’ont plus d’enfance car ils sont devenus les petits soldats des grands. Estimés à 300.000 de par le monde, les enfants soldats, parfois à peine âgés de 7 ans, participent à la guerre des adultes, recrutés de force ou volontaires à la recherche d’un avenir meilleur.

L’Afrique est particulièrement touchée par ce phénomène alarmant, mais des enfants sont également engagés dans des conflits qui se déroulent à nos portes.

La problématique des enfants-soldats existe depuis que les hommes s'entre-déchirent. Au 4ème siècle avant Jésus-Christ, les Spartiates prodiguaient déjà une éducation guerrière aux garçons, les transformant en vigoureux guerriers, capables, vers 11-12 ans, de défendre la cité. Plus tard, au 15ème siècle, les petits Aztèques devaient, à 6 ans, apprendre les techniques de combat pour pouvoir, à 12 ans, capturer leur premier prisonnier et prouver ainsi leur maturité. Au Moyen-age, de jeunes gamins étaient engagés comme écuyers et s'occupaient alors du cheval, de l'armure et des armes des combattants.

Dans toutes les grandes guerres, à travers toutes les époques, les enfants ont été utilisés comme espions, guetteurs, messagers ou simplement pour soutenir les troupes dans leur conquête du pouvoir.

Aujourd'hui, “c'est la nature des conflits qui a changé au cours des dix dernières années. Ils ont lieu dans des pays pauvres et il n'existe plus de frontière entre les guerriers et la population”, explique Marc Schmitz, attaché de recherche au Groupe de recherche et d'information sur la paix et la sécurité (GRIP). “Les combattants en culotte courte sont de plus en plus nombreux, davantage impliqués”, confie-t-il dans un ouvrage intitulé “La guerre enfants admis” (1). Hier simples messagers au service des guerriers, ils sont aujourd'hui enfants-commandos suicides, enfants-démineurs, enfants exécuteurs des tâches les plus ingrates. Ils viennent renouveler les troupes des adultes tués ou servent d'esclaves sexuels. Les combats actuels n'ont plus lieu entre des nations différentes, mais au sein d'un même Etat. Et les premières victimes sont les civils. Selon des statistiques, la proportion de victimes civiles était de 5 % durant la Première guerre mondiale, de 48 % durant la Deuxième et elle avoisine aujourd'hui les 90 %.

 

Petits soldats, petites armes

Une autre caractéristique des conflits actuels est la miniaturisation des armes et leur prolifération. “Les armes légères sont facilement utilisables par des petites mains”, raconte Marc Schmitz. L'industrie des armes s'est adaptée aux guerres actuelles en proposant des armes rapides et légères, dont les enfants se servent aisément. Près de 500 millions de ces engins de mort sont éparpillés aux quatre coins de la planète. “En raison du faible coût et de leur disponibilité, les armes légères ont non seulement transformé des conflits locaux en affreuses tueries, mais elles ont aussi amené les enfants-soldats jusqu'au cœur même des conflits modernes”, lit-on dans “La guerre enfants admis”. “Notre plus grand combat est de lutter contre la prolifération des armes légères et le trafic des armes en général”, ajoute Marc Schmitz, convaincu que cela constituerait un premier pas vers la fin du calvaire des enfants-soldats.

 

La guerre comme avenir

L'enrôlement obligatoire constitue le premier type de recrutement des enfants dans les armées régulières ou les troupes d'opposition. Pour un chef de guerre, ils sont facilement malléables et influençables – surtout en s'aidant de drogues –, moins exigeants que les adultes et inconscients de la portée de leurs actes.

Le droit international (2) en vigueur a relevé de 15 à 18 ans l'âge minimum pour le recrutement et la participation directe des enfants à un conflit armé. Or, de nombreux pays font fi de cette législation, falsifiant les papiers d'identité des enfants, comme ce fut le cas en Afghanistan, ou aménageant certaines clauses autorisant un service militaire précoce. Ainsi, les Etats-Unis permettent toujours l'enrôlement dans ses forces armées d'adolescents de moins de 18 ans. La Belgique, qui a ratifié le Protocole facultatif le 6 mai 2002, accepte aussi des mineurs d'âge dans ses écoles militaires. “Ces mineurs ont donc un statut militaire, ce qui en fait des cibles légitimes en cas de conflits” déplore Yves Willemot, coordinateur de la Coalition belge contre l'utilisation d'enfants-soldats et directeur de la communication et des programmes de l'Unicef. “Nous plaidons pour que ce statut disparaisse, car la Belgique, puisqu'elle a ratifié le Protocole facultatif, se trouve en position de faiblesse au point de vue de la diplomatie internationale” fait-il remarquer.

Aux côtés des jeunes conscrits, d'autres rejoignent volontairement un groupe armé, parce qu'ils sont seuls, parce que non scolarisés, parce qu'issus de milieux défavorisés ou bien parce que leurs parents les ont envoyés au front pour pouvoir nourrir le reste de la famille. Ces petits soldats veulent parfois se venger, parfois manger à leur faim, parfois simplement se rendre utiles. Le prestige de l'uniforme les attire aussi, persuadés qu'en le revêtant ils s'affirmeront en tant qu'hommes. Les enfants de l'Intifada en Palestine prennent les armes quant à eux pour la bonne cause. Ils ont chacun leur raison d'aller se battre comme des adultes, la plupart étant simplement en quête d'un avenir. Et le droit international ne joue pas en leur faveur, puisqu'il permet la présence d'adolescents de 16 ans dans l'armée sur base volontaire. “Tous ces gosses n'ont pas d'avenir, alors la guerre constitue pour eux un tremplin, une planche de salut”, regrette Marc Schmitz.

 

Le fléau est principalement africain

A la fin des années 80, un rapport de l'ONU parlait de 200.000 enfants participant à des conflits. Vers le milieu des années 90, ce chiffre a été revu à la hausse pour atteindre les 250.000. Aujourd'hui, plus de 300.000 enfants combattent activement dans plus d'une trentaine de pays. L'utilisation des enfants-soldats n'est donc pas un phénomène confiné à un pays ou à une région. Il a été identifié de l'Amérique du Sud au Cambodge, en passant par l'Europe (notamment au Kosovo où des gamins se sont battus dans les rangs de l'UCK) et l'Afrique, particulièrement touchée par cette problématique. On recense plus de 120.000 gosses sur le front pour la seule Afrique subsaharienne : l'Angola, le Burundi, le Congo- Brazzaville, l'Éthiopie, le Liberia, l'Ouganda, la République démocratique du Congo (RDC), le Rwanda, le Sierra Leone et le Soudan connaissent une situation dramatique. Cependant, les gouvernements en place commencent à se soucier de leur image perçue par la communauté internationale. Ainsi, la RDC a signé, en juin 2000, un décret-loi sur la démobilisation et la réinsertion des enfants-soldats. Moins d'un an après, le gouvernement de Kinshasa annonçait la démobilisation des 2 à 3000 enfants-soldats combattant dans les rangs de l'armée gouvernementale (les chiffres n'ont cependant pas été vérifiés). A la même époque, les rebelles du Rassemblement congolais pour la démocratie adoptaient un plan pour la démobilisation et la réintégration d'environ 2.600 “kadogos” (qui signifie “petits” en swahili). En février 2001, c'était au Soudan que 3.551 enfants déposaient les armes, dans ce pays en guerre depuis plus de 12 ans.

On voit ainsi naître des programmes de démobilisation et de réintégration dans certains pays, dans d’autres des conférences internationales sont organisées pour appeler les dirigeants tant gouvernementaux que ceux de l’opposition à cesser de recruter des enfants pour les combats, comme ce fut le cas en Jordanie en avril 2001. La Belgique contribue à plusieurs projets de ce type, notamment en RDC, au Burundi ou encore en Ouganda. Les programmes, mis en place par l’Unicef en RDC et au Burundi, sont financés par la coopération belge, qui a débloqué cette année entre 800.000 et un million d’euros, selon Yves Willemot. Les autorités belges ont en outre dégagé plus de 800.000 euros pour le Sud-soudan. En octobre dernier, le gouvernement a également décidé de financer la construction d’un internat pour enfants-soldats en Ouganda à hauteur de 750.000 euros.

L'Unicef se charge par ailleurs de programmes de sensibilisation, de l’accueil d’anciens soldats, de leur scolarisation et de leur apporter une aide psychosociale. L’agence onusienne forme encore les parents qui ont accepté de recueillir d’anciens enfants-soldats. “Mais ce sont des programmes lourds à gérer, car 9 sur 10 sont
instaurés dans un environnement de guerre”, reconnaît M. Willemot. Les enfants ont cependant besoin “d’une véritable alternative à la vie qu’ils ont connue. Ils ont besoin d’être encadrés pour pouvoir quitter la guerre”. “On a créé des bombes à retardement avec ces enfants. Ils n’ont pas eu le temps d’aller à l’école, alors ils n’ont que le bout de leur fusil pour se faire respecter”, avance pour sa part Marc Schmitz, avant de conclure “il faut leur faire comprendre qu’en tant qu’enfants, ils ont des droits”.

Marie-Pierre Dubois

(1)”La guerre enfants admis” publié aux éditions Complexe, coéditions GRIP. Etude du GRIP en partenariat avec la Croix-Rouge, Amnesty International et l'UNICEF le 25 mai 2000.

(2) Le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l'enfant, concernant leur implication dans les conflits armés, a été adopté par l'Assemblée générale des Nations Unies le 25 mai 2000.


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