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Boutros Boutros-Ghali, au service de la paix
(3 octobre 2002)

Tiers-mondiste depuis toujours, Boutros Boutros Ghali combat l’indifférence des Etats riches. Secrétaire général de la Francophonie, et ancien Secrétaire général de l’ONU, il porte un regard lucide, fruit d’une longue expérience diplomatique, sur la situation internationale actuelle. Nous avons pu l’interroger à l’occasion de la parution de son dernier ouvrage “Démocratiser la mondialisation”
(1).


É
lu Secrétaire général de la Francophonie au VIIe Sommet de la Francophonie en novembre 1997 à Hanoi, Boutros Boutros-Ghali, diplomate, juriste, universitaire, et auteur de nombreux ouvrages possède une longue expérience des affaires internationales. De 1992 à 1996, il exerce les fonctions de Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies. Durant son mandat il est souvent critiqué par les Américains qui lui reprochent d’être tiers-mondiste. Boutros Boutros Ghali estime que tout secrétaire général se doit de défendre la cause des pays en voie de développement. Dans son livre, “Mes années à la maison de verre”, il écrit que “dans un monde qui compte un nombre restreint d’États nantis et puissants, l’ONU doit se préoccuper de ceux qui sont marginalisés, et ce quelle qu’en soit la raison : origine ethnique, sexe, religion, âge, religion, santé, pauvreté, etc.” Pendant son mandat, plusieurs conflits importants éclatent en Europe et dans le monde. L’effondrement de l’ex-Yougoslavie fait dire à Boutros Boutros Ghali que “le peuple de cette terre infortunée et l’ONU” auront été les victimes de cette guerre. Avec la tragédie Rwandaise, il mesure les limites de l’ONU, présent sur plusieurs conflits, composé de quelque 70.000 hommes, et dans l’impossibilité de résoudre tous les conflits. En Somalie, l’intervention de l’ONU permet de sauver des milliers de vies, mais avec la mort de plusieurs soldats américains, Boutros Boutros Ghali doit subir les foudres de la Maison-Blanche qui le tient pour responsable. Avant cette nomination par l’Assemblée Générale de l’ONU, Boutros Boutros Ghali, Ministre d’Etat aux affaires étrangères dans le gouvernement égyptien à partir d’octobre 1977, participe aux accords historiques de Camp David en 1979 qui scelle la paix entre l’Égypte et l’État hébreu. II conseille le président Sadate sur les risques pour l’Égypte d’être accusée d’avoir signé un traité de paix séparée avec Israël et d’abandonner les Arabes, et fait pression auprès des Américains pour que le retrait israélien du Sinaï soit associé à celui des territoires de Gaza et de Cisjordanie. Il prépare, à la demande de Sadate, le fameux discours qui sera prononcé à la Knesset par le président égyptien. Notre correspondant Benia-latreche Fatah lui a tout d’abord demandé s’il pensait que les menaces de guerre pourraient s’éloigner avec l’acceptation par l’Irak du retour des inspecteurs de l’ONU ?

Boutros Boutros Ghali
- J’espère que les États en faveur du dialogue, de la conciliation saisiront cette chance pour sauver la paix. L’Irak a accepté lundi 16 septembre la participation totale et sans conditions des observateurs de l’ONU sur place. Il faut toujours donner une dernière chance à la paix.BLF - Les attentats du 11 septembre ont-ils changé les relations internationales ?

BBG -
Les pratiques terroristes ont toujours existé. Au moment des attentats de New York, vous aviez des attentats suicides perpétrés par les Tigres tamouls au Sri Lanka, par les Forces armées révolutionnaires en Colombie et dans bien d’autres parties du monde. Que cet attentat ait une dimension internationale effroyable, il n’y a pas de doute. Mais il faut relativiser et ne pas oublier les milliers de personnes qui meurent chaque jour dans l’indifférence la plus totale. C’est un événement important mais qui ne doit pas changer les rapports internationaux.BLF - Dans votre livre, vous comparez Ben Laden à Che Guevara ?

BBG
- Ben Laden est devenu pour les masses musulmanes le héros de la guerre des pauvres. Un peu comme Che Guevara, dans un contexte très différent. Il a frappé l’imagination de la jeunesse qui malheureusement se sent perdue, sans repères, au chômage et humiliée.BLF - Qu’est ce qui nourrit le terrorisme musulman ?

BBG
- Ce serait une erreur d’affirmer que le fondamentalisme est propre à une religion, une secte ou un pays. Le fondamentalisme n’est pas l’apanage de l’Islam. Vous le trouvez chez les chrétiens, les hindous ou les juifs. Il se nourrit de la misère. La mondialisation entraîne aussi un repli identitaire et culturel. Le terrorisme, c’est malheureusement l’arme du pauvre.BLF - Vous avez participé à des accords historiques et vécus des bouleversements mondiaux de près, pensez-vous que la paix progresse durablement?

BBG
- La paix, c’est un processus continuel. Après avoir signé un accord, la prochaine étape doit consister à construire la paix. C’est l’institutionnalisation de la paix, ce que j’appelle le peace building. Cela demande un effort continu. Parce que vous pouvez avoir un “accident” ou une “rechute”. Par exemple, la France et l’Allemagne ont connu trois guerres en 1870, 1914, et 1939. Il a fallu deux grands chefs d’État : Conrad Adenauer et le Général De Gaulle pour qu’on passe à une phase d’institutionnalisation de la paix. L’Europe, depuis 50 ans, ne connaît plus de guerres majeures. J’ai étudié cette période de l’histoire pour essayer de l’appliquer aux relations entre Israël et l’Égypte, en créant par exemple un office de la jeunesse, des centres d’enseignement communs etc.BLF - L’hyperpuissance américaine est-elle une fatalité ?

BBG
- Je pense que la puissance des États-Unis a deux origines. Tout d’abord son avancée technologique, militaire, économique, et même créative. Mais aussi le résultat de l’abdication des autres grands acteurs qui ont accepté son leadership. Lorsque les pays, les acteurs s’impliqueront davantage, nous nous rapprocherons d’un système plus démocratique. La nature a horreur du vide et ce vide est rempli par les Américains. Si la volonté politique existe, les autres pays peuvent jouer un rôle-clé sur le plan international. Dans le passé, la Yougoslavie de Tito, à la tête des non-alignés dans les années 60, fut un acteur important des relations internationales. Un tout petit pays comme Cuba avait envoyé jusqu’à 5000 médecins en Afrique. A l’époque il y avait une intention forte d’être présent sur la scène mondiale. Si la détermination existe, un petit État peut occuper une place importante sur l’échiquier international.BLF - Quelle doit être la place des organisations non-gouvernementales sur les grandes questions internationales?

BBG
- Les ONG sont les nouveaux acteurs essentiels de la vie internationale. Elles ont un rôle indispensable de médiation, de relais des citoyens.Nous sommes entrés, aujourd’hui, dans l’ère d’une société tout à la fois globale et transnationale. Et la mondialisation de l’économie doit aller de pair avec la mondialisation de la démocratie.Il nous faut donc réfléchir à un monde qui prenne en compte, non seulement la volonté des États, mais aussi les aspirations des acteurs économiques, culturels et sociaux.
Propos recueillis
par Benia-latreche Fatah


(1) “Démocratiser la mondialisation”. Un entretien avec Yves Berthelot. Editions du Rocher (12 Euros). Les recettes de cet ouvrage seront entièrement reversées à Sœur Emmanuelle.

 

 

Biblio
F
ondateur de la revue économique Alahram Igtisadi“, dont il fut le rédacteur en chef pendant quinze ans, et de la revue trimestrielle “Al-Seyassa Al-Dawlia“ ou Politique internationale qu’il a dirigée jusqu’en 1991, Boutros Boutros-Ghali a rédigé un premier tome de ses mémoires, “Le chemin de Jérusalem“, paru en 1997 aux éditions Fayard. Cet ouvrage, Prix Méditerranée Étranger 1998, relate, notamment, les négociations qui allaient aboutir aux accords de Camp David entre l’Egypte et Israël. Il a aussi publié en octobre 1999, “Mes années à la Maison de verre“ (Editions Fayard), qui décrit son expérience à la tête des Nations-unies.

 

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