International
(20 janvier 2011)
Exposition
Dix millions de Belges, et moi et moi et moi…
Sept milliards d’humains sur terre et après?
Chaque
seconde, cinq enfants naissent et seulement deux personnes meurent dans ce
même laps de temps. De 1800 à nos jours, la population mondiale est passée
d’un à sept milliards de personnes. Une explosion qui effraie certains : que
va devenir le monde s’il continue à se peupler aussi vite ? La question,
pourtant, semble mal posée…
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© Reporters |
Un gain de six milliards de personnes sur terre en deux siècles et
demi peut affoler.
Le monde est-il surpeuplé? Ce boum démographique va-t-il continuer
au même rythme que précédemment? Les ressources naturelles
viendront-elles à manquer? Et l’espace pour vivre?“Si,
ces dernières décennies, nous avons assisté à une croissance démographique
impressionnante, nous ne pouvons pas la qualifier d’exponentielle,
précise Bruno Schoumaker,
professeur au Centre de recherche en démographie et sociétés de l’UCL.
Le nombre est peut-être impressionnant mais le taux de croissance diminue et
ce, depuis 1960. C’est pourquoi nous devrions observer une stabilisation de
la population mondiale dans quelques décennies autour des neuf ou dix
milliards de personnes.”
L’allongement de
l’espérance de vie explique, en grande partie, cette augmentation de
population. “On oublie souvent de le souligner, mais la croissance
démographique est synonyme de progrès!”, continue le Professeur. Certes,
elle pose problème dans certaines zones du monde, comme au Bangladesh qui
souffre d’une densité de population massive, d’une baisse du nombre de
terres cultivables, due notamment aux catastrophes climatiques… (lire aussi
l’article en pp.6–7) ou en Afrique subsaharienne, comme au Nigeria, où l’on
s’attend d’ici 2050 à un doublement de population. Mais une croissance
démographique peut néanmoins susciter des avancées. “Il est un peu
réducteur de qualifier uniquement négativement l’augmentation de la
population, explique Bruno Schoumaker. Dans le nord du Burkina Faso,
la croissance démographique a eu pour conséquence un retour à des techniques
agraires anciennes, ce qui a permis d’augmenter les rendements. Cette
croissance n’est qu’un élément parmi d’autres: elle peut amplifier des
problèmes mais n’en est pas nécessairement la cause.” Et cette vision
contredit les théories de Malthus, économiste britannique du XVIIIème
siècle qui qualifiait le boum démographique d’une grande atteinte à la
viabilité du monde.
Contrôle
des naissances:
une solution?
Certains pays,
d’ailleurs, comme l’Inde ou la Chine, ont adopté des politiques
malthusiennes ou de planifications familiales afin de contrer l’explosion du
nombre d’habitants. Si en 1966, Jacques Dutronc chantait “700 millions de
Chinois, et moi, et moi, et moi…”, un peu plus de 50 ans plus tard, la
population chinoise a doublé et atteint 1,35 million de personnes malgré les
mesures coercitives en termes de natalité, imposées par la République
chinoise. Certes, le taux de naissance, quasiment comparable, à l’heure
actuelle, à celui de la Belgique, a baissé mais il a entraîné un
déséquilibre entre les générations et entre les sexes (dû à l’évincement
massif des petites filles en raison de loi de l’enfant unique). En Inde, le
taux de natalité reste élevé et la taille de la population devrait ainsi
dépasser celle de la Chine d’ici peu.
Le
dépeuplement
de certaines régions
Tandis que la densité de
population est élevée sur certains territoires, ailleurs d’autres régions se
dépeuplent. C’est le cas en Europe. En Allemagne par exemple, on observe une
décroissance, tandis qu’en Italie, si le pays continue d’être en croissance
démographique, il l’est uniquement grâce à l’immigration. “Si le solde
migratoire ou la natalité n’augmente pas, à long terme, cela peut conduire à
des diminutions de population très importantes, explique le Professeur
Schoumaker. Les prévisions d’Eurostat annoncent une décroissance
démographique, dans plusieurs pays européens, de l’ordre de 10% d’ici 2050.
Et celle-ci peut susciter autant d’inquiétudes que la croissance: en ce qui
concerne le financement de la sécurité sociale, par exemple ou, aussi, en
termes d’environnement. En Espagne, le Gouvernement s’inquiète de voir des
régions rurales se vider de leurs habitants, accélérant ainsi indirectement
l’érosion des sols.”
Aujourd’hui, plus de la
moitié des habitants du monde réside en ville. Et les mégapoles, villes de
plus de dix millions d’habitants, ne cessent de se développer. En 1975, on
en comptait seulement trois : Tokyo, New York et Mexico. Aujourd’hui, on en
dénombre 25. L’exode rural devrait continuer dans les années à venir. En
2050, 70% de la population mondiale devrait être citadine.
“L’espace ne va pas
manquer: ce n’est pas de cela dont nous avons besoin, mais d’un équilibre!”,
scande le magazine National Geographic dans un spot vidéo qu’il a réalisé
pour expliquer la croissance démographique. Il démontre que sept milliards
de personnes mises côte à côte ne prendraient pas plus d’espace que le
territoire de la ville de Los Angeles. Par contre, il existe un déséquilibre
certain dans la répartition des ressources et des consommations. Seulement
5% de l’ensemble des habitants de la terre consomment 23% des énergies
mondiales et 13% d’entre eux n’ont pas accès à l’eau potable. Ce n’est pas
le nombre d’habitants qui doit effrayer mais plutôt la manière dont la
planète va devoir gérer une nouvelle répartition des richesses.
// Virginie Tiberghien
Exposition
Dix millions de Belges, et moi et moi et moi…
L’exposition “6 milliards d’autres” rassemble les témoignages de
centaines d’habitants de la terre sur des thématiques universelles comme le
bonheur, la peur, le sens de la vie… Et, pour son passage bruxellois, une
partie spéciale est consacrée aux Belges.
Des
centaines de visages accueillent le visiteur à Tour et Taxis à Bruxelles.
Une grande fresque de gens beaux, souriants, accueillants comme le
souligne le concepteur de l’exposition, Yann Arthus-Bertrand. “Etes-vous
heureux”, “Que croyez-vous qu’il y ait après la mort?” ou encore
“Avez-vous déjà eu envie de quitter votre pays?”… Les réponses filmées
sont diverses, parfois drôles, parfois émouvantes. Mais à travers cette
exposition, on constate la richesse que représentent les six milliards
d’habitants du monde. Même éloignés sur des continents différents, ils ont
les mêmes préoccupations liées au bonheur, à la famille… Et si les autres,
c’était nous ?
Six journalistes sont
allés à leur rencontre dans septante-huit pays, caméra et micro à la main.
Ils leur ont posé à tous les quarante mêmes questions. Afghanistan, Mexique,
Nouvelle-Zélande, Kosovo, Tibet, Burkina Faso…, aucun continent n’a été
oublié. Le pêcheur malien, l’ouvrier brésilien, la mère arménienne, le
combattant afghan, le curé allemand, le paysan américain, le commerçant
russe, la geisha japonaise, le balayeur australien… : tous ont quelque chose
d’intéressant à dire sur les choses de la vie. C’est à partir de ces
témoignages qu’on découvre les réalités du monde. Les journalistes sont
aussi allés à la rencontre de personnes qui vivent ou ont vécu de grands
conflits mondiaux. Ainsi l’horreur de la guerre et des génocides est parfois
mise au jour. Comment rester indifférent quand on entend que le rêve
d’enfant d’Aghsam, habitante des territoires palestiniens, était de faire le
tour du monde et qu’aujourd’hui, elle a dû repenser son rêve : elle voudrait
juste se rendre à la plage à Jaffa ou à Naplouse? Des frissons parcourent le
visiteur en entendant le témoignage de Jean-Baptiste, Rwandais, qui a pris
part au génocide.
L’exposition se découvre
dans vingt salles qui donnent à découvrir des centaines de minutes de vidéos
qui prendront aux tripes : les témoins se livrent humblement, face caméra,
en toute intimité. Leur regard triste ou rieur accroche le passant.
Et les
Belges dans tout ça?
Pour sa formule belge,
l’exposition met une touche particulière aux accents du plat pays. Nic
Balthazar, cinéaste flamand (“Ben X”) a intégré le projet de Yann
Arthus-Bertrand en filmant des Belges qui parlent de leur identité, de leur
pays parfois si compliqué vu de l’extérieur… Et le résultat livre une belle
mosaïque diversifiée: en néerlandais, en français et en allemand, avec une
pointe d’accent de chaque région ou du pays d’origine. Des anonymes, mais
pas seulement – on notera l’apparition d’Arno – racontent leur tranche de
vie. Etre Belge, mais au fond, ça veut dire quoi? Quelles sont les relations
entre les habitants du nord et du sud du pays? Et en tant qu’immigré,
comment gérer son arrivée et sa vie dans ce pays? Russes, Tchétchènes,
Vietnamiens, Néerlandais, Marocains, Anglais…, peu importe leur provenance,
ils se sentent tous Belges. L’idée de ce volet
particulier est née au cours d’une conversation entre Nic Balthazar et Yann
Arthus-Bertrand qui, étant Français, l’interrogeait, inquiet de la situation
politique en Belgique. “Il m’a lancé le défi de réaliser un ‘10 millions
de Belges’ à la façon de l’exposition ‘6 milliards d’autres’, explique le
cinéaste. On a fonctionné sur le même canevas: une interview face caméra où
seul l’interviewé parle. Des questions générales sur leur vie étaient
posées; et on en ajoutait sur l’identité belge.”
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© 6
milliards d'autres |
Le résultat est
concluant. Les habitants de la terre se retrouvent côte à côte dans
les sous-sols de Tour et Taxis. Leurs témoignages nous montrent que
les autres ne sont pas tellement “autres”, pas si différents de
nous.
// VT
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L’exposition 6 milliards d’autres se tient
jusqu’au 3 avril à Tour et Taxis, Avenue du Port 86C à 1000 Bruxelles
• Ouverte du lundi au vendredi de 9h à 17h et le
samedi, dimanche, jours fériés et pendant les vacances scolaires
de 10h à 19h •
Prix : 10 EUR •
Infos : 02/549.60.49 •
www.6milliardsdautres.org
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