Enjeux internationaux
(15 novembre 2012)
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© Magali Pratte Sur les collines, les stigmates de l’exploitation des minerais |
Congopoly :
faites vos jeux !
L’Est du Congo est
aujourd’hui devenu le Far-West du 21ème siècle, où moult acteurs se livrent
à une bataille sanglante autour des ressources naturelles, qui pourrait à
tout moment déboucher sur une énième guerre. Pendant ce temps, les Congolais
sont relégués au rang de spectateurs.
Alors que la population congolaise croupit dans la pauvreté, les ressources
naturelles dont regorge le pays, font l’objet d’une infâme convoitise.
Multinationales, puissances étatiques, pays voisins et élites locales,
tantôt de connivence, tantôt en concurrence, prennent part à l’orgie. Ainsi,
l’Est du Congo constitue l’échiquier d’un jeu de stratégie, dont la seule
règle est : servez-vous au plus vite et le plus possible ; avec une
condition pour gagner : faire taire la masse! Ainsi, l’Etat congolais,
déliquescent dans la majorité de ses attributions, se maintient néanmoins
dans ses fonctions répressives afin de brider toute velléité de résistances
des populations. De plus, soumise aux contraintes de la pauvreté, la
population est confrontée à une logique de survie, d’urgence quotidienne.
Face à la dégradation du contexte politico-sécuritaire, cette logique est
renforcée ; et apparaissent de nouveaux acteurs : les humanitaires
d’urgence.
Mais le contexte difficile contraint-il à l’abandon de toute
démarche de développement et à l’octroi du monopole aux intervenants
d’urgence ? L’expérience des mutuelles de santé du Sud-Kivu en constitue
l’antithèse par excellence. Créées dans un contexte de guerre, elles sont
devenues un acte de résistance pacifique. Depuis leur création en 1997, plus
d’une guerre les a mises en branle. Elles ont résisté et se sont
multipliées, en répondant à un double objectif : aider la population à
s’accrocher à sa terre et résister aux pressions des agresseurs ; mettre sur
pied un mécanisme endogène et solidaire d’accès à la santé. Aujourd’hui, la
province compte 21 mutuelles de santé pour plus de 100.000 membres, ainsi
acteurs – et non plus spectateurs – de leur développement. Les mutuelles de
santé se maintiennent une fois la stabilité recouvrée, contrairement aux
intervenants d’urgence qui quittent les lieux pour rejoindre d’autres
régions sinistrées.
Si ce véritable “Congopoly” inspire fatalité et
impuissance, d’aucuns avancent néanmoins des pistes exploitables. Aux yeux
de ces acteurs de la coopération, il est grand temps de créer des mécanismes
de transition et de concertation entre les démarches d’urgence et de
développement afin de répondre à un idéal, loin de la réalité actuelle, où
l’humanitaire tend à annihiler les initiatives locales et durables. Il est
crucial également de soutenir la mise en œuvre de stratégies efficaces de
développement et d’émancipation, qui s’appuient sur les capacités locales et
mobilisent les ressources endogènes. C’est dans ce sens que la Mutualité
chrétienne entend porter la voix de ses partenaires en dénonçant la
situation et en poussant les instances belges, européennes et
internationales à prendre des mesures.
// LUC
DUSOULIER ET MAGALI PRATTE
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