International
(17 mai 2012)
Le micro-business, vecteur
de santé
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© Coopération Internationale |
Guerres,
massacres, pauvreté, corruption… Telle est l’image de la République
démocratique du Congo (RDC) souvent reflétée en Belgique. En remettant son
prix de la Gouvernance d’entreprise en RDC à un vaste réseau congolais de
micro-finance(1), la
Fondation Roi Baudouin injecte un flux d’oxygène – et d’espoir – dans cette
région du monde. Quand épargne, crédit et soins de santé font cause commune…
Au début des années 2000, le Congo, en proie à
de vives tensions, est quasiment coupé en deux : l’Ouest,
contrôlé par Kinshasa, et l’Est, aux mains des rebelles du RCD. Perplexe et
inquiet, Déo Katulanya, un jeune quadragénaire diplômé de l’Ecole de Santé
publique de l’ULB et fondateur de l’Institut supérieur d’informatique et de
gestion de Goma (Nord-Kivu, Est du Pays), constate que ce climat délétère
n’est pas propice à la confiance des exclus dans les banques. Qui irait
confier un centime à une institution financière (pour autant qu’il ait un
peu d’argent!) alors que tout peut survenir dans un pays en pleine
ébullition? D’ailleurs, à cette époque, beaucoup de banques ne peuvent plus
restituer normalement leur argent aux épargnants…
Une idée surgit
dans la tête de Déo Katulanya : pourquoi ne pas créer une banque dont les
clients seraient aussi les propriétaires? On le traite de fou, d’apprenti
sorcier. Avec deux compagnons, Paul Mitsindo et Masumbuko Mufungiz, il
souhaite, en fait, organiser une banque miniature destinée spécifiquement à
ceux qui, pour des raisons liées à la pauvreté ou à l’éloignement
géographique, n’ont accès ni à l’épargne ni au crédit. Grâce à son
opiniâtreté et ses réseaux, il arrive à ses fins : en janvier 2001, la
Mutuelle d’épargne et de crédit (Mecre) de Goma est lancée sur les fonts
baptismaux. Les débuts sont timides. Mais l’éruption du volcan Nyiragongo,
qui anéantit 13% de Goma et ravage à 80% l’économie de cette ville d’un
million d’habitants, s’avère paradoxalement un cadeau du ciel. Alors que
tous les épargnants, fatalistes, s’attendent à voir leurs fonds détruits par
l’éruption, ceux-ci échappent au ravage. Les responsables de la Mecre font
alors circuler le message selon lequel l’épargne peut être retirée
normalement. Or c’est tout le contraire qui se passe! Jouissant soudain d’un
capital de confiance inespéré, la jeune mutuelle voit les fonds affluer de
partout, montant en puissance et démultipliant ses activités partout dans la
région de Goma, puis à Kinshasa et à Bukavu.
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© Coopération Internationale Déo Katulanya, pilier d’un réseau de micro-finance destiné aux commerçants, artisans, etc. |
100.000
coopérateurs
Près de dix ans
plus tard, c’est un véritable réseau, connu sous le nom Mecreco/Coocec
(Coopérative Centrale des Mutuelles d’Epargne et de Crédit du Congo), qui
agit dans le pays: près de 100.000 coopérateurs actifs sont répartis dans
six provinces de RDC, à travers 21 Mecre, dont 16 agréées par la Banque
centrale du Congo. Selon celle-ci (rapport 2010), Mecreco/Coocec est le
deuxième plus grand réseau de micro- finance du pays. Sa raison d’être :
accorder des prêts à faible montant aux petites et moyennes entreprises, aux
groupes de mamans et aux salariés désireux de développer une activité
artisanale ou économique, de se créer un fonds de commerce, etc.
L’enjeu? Améliorer
son ordinaire, bien sûr, et s’extraire progressivement de la pauvreté. Ce
qui, inévitablement, passe par l’accès aux soins de santé. “En RDC,
moins de 10% de la population dispose d’une assurance maladie, rappelle
Déo Katulanya. L’un de nos chantiers les plus importants consiste donc à
assurer la protection sociale de nos employés et de leurs familles, puis de
l’entièreté de nos membres. Une maman qui vend des bananes et dispose d’un
petit fond de commerce sait que son absence temporaire, liée par exemple à
l’état de maladie d’elle-même ou d’un de ses proches, ne ruinera pas pour
autant son commerce.”
Bonne
gouvernance
Autres spécificités
de ces Mecre : l’autogestion, la transparence et la bonne gouvernance.
Comment? Par la traçabilité des opérations financières, la formation du
personnel, la planification, l’évaluation des procédures, le recours aux
audits, etc. “Nous affinons en permanence nos règles de gestion. Si bien
que personne ne pourrait saisir l’argent et s’envoler dans la nature”.
En plein développement, la Mecre/Coocec étend aujourd’hui ses activités de
crédit à des sommes plus importantes et remboursables à plus long terme.
Désormais de plus en plus nombreux à dépendre d’une mutuelle de santé
(celles-ci sont en plein essor en RDC), ses membres bénéficient
indirectement du soutien concret, sous la forme d’expertise et de
financement, de la Mutualité chrétienne.
// PHILIPPE
LAMOTTE
(1) Le prix est remis ce 21 mai à Kinshasa.
L’autre lauréat est Olivier Mushiete, pour la société agro-forestière
Novacel, basée sur l’utilisation de la biomasse dans le cadre des mécanismes
de développement propre prévus par le Protocole de Kyoto (lutte contre le
réchauffement du climat).
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