Coopération
(3 août 2006)
Une fresque
pour la
mutualité à Dakar
Pikine, banlieue dakaroise de plus d’un million d’habitants. A l’entrée du
Complexe culturel Léopold Sédar Senghor, une fresque murale, œuvre de 20
jeunes Belges et Sénégalais, attire l’attention de passants qui y découvrent
le mutualisme. Reportage...
Pikine,
grande banlieue dakaroise de plus d’un million d’habitants, la ville est
débordante d’activités. Ce vendredi 14 juillet, à l’entrée du Complexe
culturel Léopold Sédar Senghor, quelques passants s’attardent devant une
fresque murale réalisée par 20 jeunes Belges et Sénégalais. Sur la fresque,
filles balayant des rues, garçons ramassant des ordures, hommes et femmes
allant à la mutuelle. On y lit pêle-mêle: “Unissons nous dans la paix et
la fraternité, dans le seul but de s’entraider, d’être à l’abri de tout
fléau’’ ou encore “achetons des carnets de santé’’…
Si chacun des
passants a son interprétation de cette fresque murale, presque tous ont
compris les messages de sensibilisation auxquels elle renvoie et qui sont la
solidarité pour la santé. Ce qui est le thème de cette rencontre de jeunes
du Nord et du Sud. “Cette fresque on l’a mûrie ensemble avec le signe de
la solidarité, puis on a fait la maquette ensemble”, affirme Adeline
Godeau, une jeune participante belge. “Cette fresque participe aussi à
l’embellissement de notre mairie…’’, lance Farimata Diawara, animatrice
au Promusaf/Sénégal, le Programme d’appui aux mutuelles de santé en Afrique.
Solidarité, le maître mot de ce projet
de la Mutualité chrétienne et
de Promusaf/Sénégal
Sénégalais,
Flamands et Wallons
se sont rapprochés autour de ce beau projet
C’est le
Promusaf/Sénégal qui a co-organisé, avec la Mutualité chrétienne de
Belgique, le voyage (du 2 au 15 juillet) au Sénégal des dix filles de Manage
et de Roeselare, lauréates, l’année dernière, d’un concours artistique sur
cette institution centenaire. Justement pour le centenaire de l’Alliance
nationale des Mutualités chrétiennes (ANMC), un concours du même genre a été
organisé au Sénégal en avril 2006 par le Promusaf. Les dix lauréats
sénégalais, des garçons et des filles, ont participé à la réalisation de
cette fresque murale. “J’ai dessiné une clé formée à partir des lettres
du mot solidaire’’, dit Mouhamed Ndiaye 18 ans, élève en classe 1ère
dans un lycée privé de Pikine. Mouhamed rappelle qu’il a été premier à ce
concours où il y avait une cinquantaine de candidats. “Moi, mon coup de
pinceau a porté sur des femmes en train de balayer des rues et des hommes
ramassant des ordures’’, renchérit, souriante et satisfaite, Mame Bousso
Sylla, élève de 6ème dans un collège de Pikine.
Echange et découverte
Ce séjour de
découverte et d’échanges entre jeunes du Nord et du Sud, s’est fait dans une
bonne entente entre les deux groupes, alors qu’au départ cela n’était pas
évident, souligne Aminata Sow Sall, coordinatrice nationale du Promusaf.
Ironie du
voyage, ce sont les Sénégalais qui ont rapproché Flamands et Wallons qui ne
se parlaient pas beaucoup au départ. “Les Sénégalais posaient des
questions à l’une ou à l’autre d’entre nous et comme ça on était obligé de
leur répondre et cela a soudé le groupe et a créé des affinités entre
Flamands et Wallons’’, raconte une participante Belge.
Droit à la santé pour tous
Grâce à la
collaboration de l’association sénégalaise Action Jeunesse et Environnement
(AJE), au soutien de la Ministre des Relations extérieures de la Région
wallonne, de Sodexho, ainsi que de l’encadrement d’un peintre de Pikine, ces
artistes en herbe ont pu s’exprimer librement sur cette fresque murale
réalisée en trois jours. “C’est la continuation d’une démarche entamée
depuis deux ans en Belgique pour renforcer le droit à la santé pour tous et
partout’’, souligne Valérie Van Belle, responsable du projet. Elle
rappelle que chaque membre de la Mutualité chrétienne cotise pour la
coopération internationale et que plusieurs sections régionales de Belgique
ont noué un partenariat avec un pays africain. C’est le cas, par exemple,
entre Gand et le Burundi, Liège - Burkina-Faso, Verviers - Sénégal et
Luxembourg - Bénin. L’objectif de ces échanges est de promouvoir l’adhésion
aux mutuelles de santé.
Au Sénégal,
pays de 10 millions d’habitants où 54% des gens vivent en dessous du seuil
de pauvreté, les mutuelles de santé sont encore naissantes. Une grande
majorité de la population (70%) n’a pas de couverture sociale et sanitaire,
alors qu’un enfant sur quatre souffre de malnutrition et beaucoup meurent de
paludisme avant cinq ans. En décembre 2004, on comptait 79 mutuelles de
santé, dont la première fut ouverte à Fandène, village situé non loin de la
ville de Thiès à 70 km de Dakar. Aujourd’hui, toutes ces mutuelles sont
prises d’assaut par des organisations communautaires de base tels les
mouvements associatifs de femmes et autres catégories socioprofessionnelles
: ouvriers, pêcheurs, artisans, paysans, etc.
Mais en
Belgique, reconnaissent les filles de Manage et de Roeselare, les mutuelles
même centenaires, ne semblent plus accrocher les gens qui pourtant
continuent de s’acquitter de leur cotisation. Selon elles, ce qui fait
défaut, c’est la solidarité qui s’émousse dans leur pays où existent
pourtant les exclusions économiques et sociales. “Mutuelle ou Poste de
santé, on est un peu perdu dans ces appellations, parce qu’on ignore presque
totalement cela chez nous’’, reconnaît Adeline Godeau. Puis d’ajouter:
“Avec les visites ici, on a mieux compris le rôle des mutuelles’’.
La solidarité au Sénégal
Laissant la
fresque au soleil et aux yeux des passants, jeunes Belges et Sénégalais ont
visité certaines mutuelles. Par exemple, ils se sont rendus à Wakhi Nane, un
quartier underground de Pikine, où un groupement de femmes a créé une
mutuelle qui s’appelle: “Deggo aar sunu Djaboot” (La solidarité pour la
santé familiale, en Ouoloff). A Touba Toul, gros village à 100 km à l’Est de
Dakar, ils ont découvert la marche d’une mutuelle de santé communautaire.
Toutes ces visites leur ont ouvert les yeux pour mesurer combien la
solidarité joue un rôle essentiel dans la société sénégalaise. En témoignent
ces propos de la jeune Belge Annelien. A la cérémonie de départ et devant
les nombreux Pikinois venus leur dire au revoir, Annelien déclare: ‘’J’ai
redécouvert au Sénégal le sens du partage et de l’entraide. Les personnes
prennent ensemble les repas, forment un bloc pour surmonter les difficultés.
Elles agissent ensemble et pas chacune pour soi…” Puis les deux groupes
de jeunes de psalmodier en chœur ces paroles en Ouoloff: “nanu boolo ngir
sunu wergu yaaraam (la solidarité pour la santé)”.
Ce qui semble
faire échos à la pièce de théâtre-action “Laafi Bala’’ (tant qu’on a
la santé en mooré) jouée avec des artistes burkinabé en 2004 et 2005 en
Belgique.
Avec tous ces
jeunes, rendez-vous est pris en décembre prochain en Belgique à l’Alliance
nationale des Mutualités chrétiennes où plus de 3000 personnes sont
attendues. Les fresques belges et sénégalaises y seront exposées.
Madieng
Seck
Agence de
presse
Jade/Syfia
Sénégal (1)
(1)
www.jade.sn. Jade-Sénégal (Journalistes en Afrique
pour le Développement et l’Environnement) est composé d’une dizaine de
journalistes Sénégalais. Ils s’intéressent particulièrement au développement
économique du monde rural africain, à l’alimentation, l’environnement, et à
la santé Communautaire. Par le biais de Syfia International
www.syfia.com ,
leurs articles sont aussi diffusés auprès de 200 journaux d’Europe, du
Québec, d’Afrique et d’Asie.
Témoignages |
“J'ai
redécouvert au Sénégal le sens du partage et de l'entraide. Les repas
se prennent ensemble autour d'un grand plat commun. Si vous tombez en
panne, chacun aux alentours viendra vous aider pour pousser votre
véhicule. Si votre voisin est dans le besoin, les autres familles
essaieront de l'aider. Les personnes forment un bloc pour surmonter
les difficultés, elles agissent ensemble et pas chacune pour soi. En
tant qu'Européen, nous sommes confrontés à notre propre égoïsme, car
les gens ici partagent le peu qu'ils ont.”
Annelien |
“Les
deux mains sur la fresque représentent l'échange que nous avons vécu.
Mais aussi l'échange entre le Nord et le Sud, la Belgique et le
Sénégal. Au Nord, on résiste pour conserver un système social
solidaire, ici on se bat pour mettre en place des mutuelles de santé
qui pourront mener à un système de protection sociale pour tous.”
Mame Bousso |
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