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Coopération

 

Un secteur en crise

L’Afrique de l’ouest file un très mauvais coton

Pour les pays d’Afrique de l’ouest, dont les recettes proviennent en majeure partie de la production de coton, la situation est alarmante (1). Les économies de ces pays sont gravement menacées. Les revenus de plus de 10 millions de personnes sont en jeu.

Les pays d’Afrique de l’ouest comme le Bénin, le Burkina Faso ou le Mali occupent la 5ème place d’exportateur mondial du coton, avec 15% du marché, derrière les États-Unis, la Chine, l’Inde et l’Ouzbékistan.

Le cours mondial du coton est en baisse depuis 1995. A la suite d’une surproduction chronique, engendrée par des politiques de subvention et d’aide massive des pouvoirs publics des pays du Nord envers leurs agricultures, celui-ci s’est totalement effondré depuis le début de l’année dernière. Pour faire face à cette situation, les producteurs de coton d’Afrique de l’Ouest se sont mobilisés et, fait sans précédent, les trois organisations de producteurs du Mali, du Bénin et du Burkina Faso ont lancé, le 21 novembre dernier, un appel international. Pour sauver le coton africain, affirment-ils, il faut revenir à des comportements qui respectent les règles d’un commerce juste et équitable : “ Au moment où il est question de lutter contre la pauvreté, les producteurs de coton de l’Afrique de l’Ouest ont tout de suite compris que ce n’est qu’au prix de leurs efforts qu’ils peuvent venir à bout de cette pauvreté. Ils se sont mis à la tâche, et au moment où ils obtiennent un nouveau record de production, voilà que subitement les cours du coton s’effondrent. Nous en arrivons à nous interroger sur la volonté réelle des pays riches à faire reculer la pauvreté dans les pays pauvres. Les subventions dont bénéficient les agriculteurs de l’Union européenne et des États-Unis leur permettent de mieux résister à ces chutes de prix”.

“Mais ce n’est pas tout”, poursuivent-ils. “Ces subventions ont des effets pervers sur les économies des pays pauvres car elles stimulent artificiellement la production et entraîne une surproduction, et donc la chute des cours sur le marché mondial. En subventionnant leurs producteurs de coton, les USA et l’UE menacent gravement le coton africain, et donc l’avenir de millions de producteurs, et les économies de nombreux pays comme celles du Bénin, du Burkina Faso et du Mali. Aussi, nous demandons solennellement aux USA et à l’UE de supprimer leurs subventions aux producteurs de coton. Nous demandons à tous ceux qui veulent construire un monde plus juste et fraternel de se joindre à nous pour faire pression sur les États-Unis et l’Union européenne pour qu’ils suppriment ces subventions. ”

 

La mondialisation: un poids, deux mesures

En Europe et aux États-Unis, des mécanismes permettent de garantir les prix aux producteurs. Certains de vendre leur production, les agriculteurs continuent d’augmenter leurs productions et inondent le marché mondial déjà saturé, ce qui accélère la chute des cours. En Europe, grâce aux subventions, un producteur de coton espagnol ou grec est sûr de vendre sa récolte au moins 1,06 EUR le kg de coton-graine, c’est-à-dire à la récolte avant tout traitement. Ce même coton-graine n’est actuellement payé que 0,30 EUR aux producteurs africains. Quant aux États-Unis, ils ont dépensé 4,2 milliards de dollars en l’an 2000, soit 6 fois le budget annuel du Burkina Faso, pour soutenir leur production qui représente environ 30 % de toutes les exportations de coton à travers le monde. Pour soutenir leur agriculture, l’ensemble des pays industrialisés dépensent 359 milliards d’euros par an, soit 6 fois plus que toute l’aide mondiale au développement.

Les États africains, quant à eux, se trouvent totalement démunis pour venir en aide à leurs agriculteurs. La chute des cours sur le marché mondial les met en grande difficulté alors qu’ils doivent continuer à faire face à leurs dépenses et engager les campagnes d’achat du coton auprès des producteurs.

 

L’engrenage infernal

Bien sûr, les États africains pourraient recourir à la Banque mondiale et solliciter de nouveaux prêts. Mais c’est s’enfoncer un peu plus dans les dettes. Chaque année, l’Afrique subsaharienne paie en service de la dette quatre fois plus que l’addition des budgets de santé et d’éducation de toute la région (2). Par ailleurs, les prêts de la Banque mondiale sont assortis de nouvelles conditionnalités, notamment le démantèlement des services publics au profit du secteur privé.

Pourtant, depuis de nombreuses années, les choix de développement de la filière du coton, en s’appuyant sur un modèle d’organisation dit “d’intégration”, se sont avérés positifs : une même société nationale assure l’encadrement des paysans-producteurs, la fourniture du crédit, de semences, d’engrais et d’insecticides, la collecte des récoltes, l’égrainage et l’exportation. Cette forme d’organisation a donné de très bons résultats et elle a contribué à soutenir l’organisation du monde paysan (3). Mais, pour les institutions financières internationales (Banque mondiale et Fonds monétaire international), l’existence d’un monopole, fut-il porteur d’une mission de service public, est contraire aux principes du libéralisme économique… D’où les mesures de privatisation partielle et de “libéralisation “ de la filière cotonnière observées dans plusieurs pays. Des recherches montrent pourtant que ces mesures, loin de favoriser les agriculteurs en général et les petits paysans en particulier, les ont affectés gravement (4).

Le démantèlement programmé de la production du coton en Afrique de l’ouest, et la pression sur les prix créée par les politiques agricoles des USA et de l’Union européenne risquent cependant de mettre à néant des années d’effort de développement économique. Les pays de la région seront alors privés de leur principale source de devises. Des millions de familles paysannes seront plongées dans une plus grande précarité. L’Organisation mondiale du commerce (OMC) doit établir sans tarder des règles de prix qui tiennent réellement compte des coûts de production et non des seuls cours du marché. Il lui appartient également de mettre en place des règles équitables pour tous les producteurs : ceux du Nord comme ceux du Sud !

V. VB.

(1) 75 % pour le Bénin, 60 % pour le Burkina, 50 % pour le Mali.

(2) D’après le Comité d’annulation de la dette du tiers-monde (CADTM).

(3) Lire Michel Fichet “ Le coton, moteur du développement ”, dans Le Monde diplomatique, septembre 1998.

(4) Recherches effectuées par la CNUCED, Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement.

 

 

A qui profite la globalisation?

La globalisation ne profite pas au continent noir, estime Aminata Dramane Traoré (1), ancienne ministre de la Culture et du Tourisme du Mali : “ Si on parle de la globalisation de l’économie, c’est-à-dire l’ouverture de nos marchés et de nos sociétés aux biens et aux services produits au Nord, c’est aux Africains de peser leurs chances. Mais, moi, je me demande si ce que nous allons recevoir vaudra ce que nous allons donner. Ce que nous allons gagner vaudra-t-il ce que nous allons perdre ? Je me passerais bien du mot mondialisation parce que le marché, l’Afrique sait ce que c’est. Depuis des siècles, elle a été l’objet de transactions. La sueur de l’homme noir a servi à bâtir l’Occident ; le sang des tirailleurs africains a donné la liberté à bien des peuples européens, et le riche sol africain a enrichi les grandes puissances et continue à nourrir le monde. Alors, qu’on ne vienne pas nous dire que nous ne sommes pas présents sur le marché: nous avons rendu le marché possible. Seulement, ce que nous avons reçu vaut-il ce que nous avons donné ?

(1) Dans la revue Courrier International n° 445, 12 mai 1999.

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