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Coopération (5 mai 2005)

 

Les mutuelles de santé au Sud-Kivu

A Bukavu, les routes sont défoncées. Les gens marchent d’un pas rapide, parfois pieds nus. La boue rouge-brique colle aux pieds. Les femmes portent des paniers ou des seaux bien remplis sur la tête, des bébés emmaillotés sur le dos. La ville grouille d’enfants et d’écoliers qui se tiennent par la main. Bukavu et ses environs compteraient un million d’habitants, à peu près comme Bruxelles.

 

Depuis quelques années, une petite équipe appuie l’implantation et le développement des mutuelles de santé dans plusieurs quartiers de la ville et dans des zones de santé rurales. L’idée était, par des cotisations solidaires, d’instaurer un système d’assurance santé afin que la population puisse accéder à des soins de qualité. Une cellule d’appui aux mutuelles de santé de quatre personnes a été créée au sein du Bureau diocésain des œuvres médicales (BDOM). Sur le terrain, un ou deux animateurs par mutuelle sensibilisent et informent la population sur ce que sont ces mutuelles et en quoi elles facilitent l’accès aux soins de santé. Depuis 1997, date de création de la mutuelle de l’île d’Idjwi, sept mutuelles ont vu le jour et offrent une protection à environ 12.000 personnes.

 

L’école ou la mutuelle ?

La prévoyance pour les soins de santé n’est pas la seule priorité, loin de là. Depuis treize ans, les enseignants ne sont plus payés. Les parents paient directement les professeurs. Beaucoup de parents n’ayant pas les moyens de cotiser, les enfants en tenue bleue et blanche sont régulièrement renvoyés chez eux. En février, un millier d’enseignants des écoles primaires et secondaires, auxquels des élèves étaient venus emboîter le pas, ont marché pacifiquement dans Bukavu. Sur les calicots, on pouvait lire : “Non à la prise en charge des enseignants par les parents. Oui à un salaire décent, régulier et équitable. Oui au respect des textes légaux. Non à la misère.”

 

La misère au quotidien

Selon les Nations Unies, le seuil de pauvreté serait atteint lorsqu’une personne doit vivre avec moins d’un dollar par jour. D’après une enquête du BDOM, des ménages avec cinq enfants survivent avec beaucoup moins encore : 25 eurocent par jour, et ce trois ou quatre fois par semaine ! Pour ces familles, il n’est pas question d’école et encore moins de cotisation à la mutuelle de santé. Peut-être d’un repas tous les deux jours… Le coût de la vie a doublé, voire triplé en quelques années. L’insécurité et la guerre sévissent dans cette région depuis bientôt dix ans, avec leur lot de déplacements et de traumatismes. L’activité agropastorale a chuté en flèche, les filles sont parties à cause des viols. Elles n’aident plus les mamans aux champs.

 

“Un homme seul ne peut venir à bout d’un léopard”

Patient Lushuguri est l’animateur permanent de la mutuelle de santé de Nyantende, une mutualité rurale implantée à 6 km de la ville. Depuis quatre ans, il multiplie les descentes “sur le terrain” afin de sensibiliser la population. Malgré la guerre et l’insécurité, cette mutuelle progresse et compte aujourd’hui près de trois mille bénéficiaires. En contrepartie d’une cotisation de 2 dollars par an et par personne, les soins hospitaliers sont couverts à 80%.

Lors des séances d’animation dans les écoles, les villages, les paroisses de toutes confessions, Patient explique la solidarité mutualiste par des proverbes comme “l’homme seul ne peut venir à bout d’un léopard”, où le léopard est comparé à la maladie qui, en un clin d’œil, peut appauvrir et endeuiller toute une famille.

Les mutuelles couvrent de grandes étendues territoriales mais disposent de peu des gens formés et motivés pour la sensibilisation des populations. Des noyaux de solidarité mutualiste, les “nosomus”, ont été créés pour renforcer l’action de l’animateur. Ce sont des regroupements des membres des mutuelles de santé dans un quartier, dans un village... Avec l’appui de ces noyaux solidaires, la mutuelle espère résoudre des problèmes majeurs : augmenter les adhésions, garder les membres d’une année à l’autre, contrer la confusion savamment orchestrée par les infirmiers pirates et par certaines sectes autour de la mutuelle, éviter la surconsommation des soins ou les fraudes. Au-delà de ces difficultés quotidiennes, la population reste optimiste et place ses espoirs dans la tenue de prochaines élections, libres et démocratiques.

Valérie Van Belle

 

Les mutualistes des Grands Lacs se rencontrent pour la première fois à Bukavu

Début février 2005, les partenaires mutualistes de Solidarité Mondiale et des Mutualités chrétiennes de la région de l’Afrique des Grands Lacs se sont retrouvés à Bukavu. Congolais, Rwandais et Burundais se sont assis ensemble à la recherche de solutions au mal développement. Un geste politique fort.

L’objectif était d’améliorer les capacités des participants à faire avancer leurs communautés vers le développement des mutuelles de santé. Les échanges ont porté sur les diverses formules de financement mutualiste des soins de santé et sur le développement de méthodologies appropriées, adaptées aux cultures locales, dans la création et dans la gestion des mutuelles de santé.

Le chemin encore à parcourir reste long mais le séminaire en a jalonné quelques étapes qui visent à instaurer des mécanismes de mise en réseau et des rencontres régionales plus régulières entre les trois pays.

 

 

Rencontre avec Luc Dusoulier :

“La solidarité, cela ne s’arrête pas!”

“Après le décès d’Ultimar Foucart qui m’avait précédé comme directeur de la Mutualité chrétienne Hainaut Picardie, il fallait que je poursuive le travail qu’il avait commencé avec tant d’enthousiasme. “On vous attend” me disaient nos amis congolais !”

Au retour de Luc Dusoulier, directeur de la Mutualité chrétienne Hainaut Picardie, nous lui avons demandé comment il voyait la présence de la mutualité chrétienne dans le Sud-Kivu.

 

Luc Dusoulier : Premières impressions à Kigali… La chaleur africaine, des rues mal éclairées, des hommes qui se perdent dans la nuit, des voitures qui circulent très vite, la crainte d’écraser quelqu’un… Mais au réveil, à 5 heures du matin, la lumière joue superbement de toutes ses couleurs sur les collines. Je croise des gens au visage fermé qui laissent une impression de tristesse. On dit les Rwandais plus réservés que les Congolais. Mais n’est-ce pas l’effet d’une situation politique et sociale très difficile ? A Bukavu, la saison des pluies a défoncé les rues. Le marché se tient dans la boue. Des centaines de gens marchent le long des routes pour aller on ne sait où. Les klaxons, sans arrêt, signalent un dépassement, avertissent les piétons qu’ils doivent s’écarter. Les échoppes, les habitats sont rudimentaires. Comment vit-on dans ces baraques sans fenêtres et sans portes ? Et quel contraste entre les habits colorés dont se parent les femmes et cet environnement délabré !

 

En Marche : Qui peut se soucier de sa santé dans ces conditions? L’urgence n’est-elle pas d’améliorer le cadre de vie et d’assurer un revenu quotidien…

L. D. : Il est vrai que les mutuelles de santé ne démarreront vraiment que si l’activité économique se consolide et si un appareil sanitaire digne de ce nom se met en place. Mais on peut déjà mesurer la pertinence de l’action de la mutualité : chute de la mortalité à l’hôpital, diminution importante des durées de séjour, disparition des situations de dette et des “ évasions ” (c’est-à-dire des gens qui s’enfuient de l’hôpital pour ne pas avoir à payer). Au vu de ces résultats, les médecins sont devenus les meilleurs propagandistes de la mutualité. Les affiliés, bénéficiant d’une assurance hospitalisation qui couvre leurs frais d’hôpitaux à 80%, sont mieux soignés. Et surtout, ils sont soignés à temps !

Mais beaucoup d’entre eux ne sont jamais hospitalisés. Alors, du fait que les frais ambulatoires ne sont pas remboursés, trop de gens ont le sentiment qu’ils ne reçoivent rien en retour de leur cotisation. Il faudrait arriver à percevoir des cotisations permettant de rembourser des soins ambulatoires pour s’assurer une plus forte adhésion. Mais le système est fragile ! A Bukavu, 10% seulement de la population dispose d’un emploi et de revenus stables. Peu de gens peuvent payer les 2 ou 4 dollars de cotisation annuelle. Pour la plupart des gens, l’essentiel est d’abord de trouver le moyen de manger au moins un repas chaque jour.

Lorsque, à l’île d’Idjwi, le programme de réfection des routes financé par des ONG, a permis d’augmenter l’emploi, le nombre d’affiliés à la mutualité a fortement augmenté. Mais, une fois le programme arrêté, on est retombé de 4.000 à 1.400 affiliés… Il ne faut donc pas s’étonner qu’une des demandes les plus importantes en terme de soutien est d’abord d’encourager une activité économique qui assure des revenus stables.

 

E. M. : La traditionnelle solidarité africaine ne favorise-t-elle pas le développement des mutualités ?

L.D. : Il est vrai que l’entraide africaine existe. Mais elle se limite souvent au cercle familial ou à une communauté villageoise. Elle se manifeste de manière ponctuelle et dans des échanges en nature. Il y a un long travail de formation à mener pour élargir cette solidarité et pour l’organiser financièrement. Mais les Congolais n’ont guère les moyens de conduire cette formation. Tout l’appareil administratif est soutenu par la solidarité internationale. Les cotisations ne couvrent que les soins de santé ! Les mutuelles sont cloisonnées. Il n’ y a pas de solidarité entre elles et pas de financement commun. Pour devenir un mouvement irréversible dans une population de 1 million d’habitants, il faudrait atteindre 150.000 membres, soit 10 fois plus qu’aujourd’hui (15.000 membres) !

Cela dit, malgré les difficultés quotidiennes, la population reste optimiste. Beaucoup travaillent activement à la construction de la société civile. Ainsi, les étudiants, qui sont l’avenir de cette société, sont très engagés dans le développement d’une mutuelle de santé et il est important qu’ils puissent mener à bien leur projet.

 

E. M. : Comment voyez-vous l’avenir de votre programme de coopération dans cette région ?

L. D. : Dans un premier temps, nous pensions entreprendre un partenariat de quelques années. Aujourd’hui, la perspective est de dire que “la solidarité, cela ne s’arrête pas” !

Il est de leur intérêt, comme du nôtre, que le modèle mutuelliste se développe car il se révèle être un outil puissant de développement dans le monde. Notre solidarité ne peut s’exprimer autrement que dans le développement d’un important mouvement social où se rejoignent le développement économique et le progrès social.

 

Propos recueillis

par Christian Van Rompaey

 

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