La Mutualité en fête au Sénégal

Traditionnellement, au Sénégal, la saison sèche est le moment propice aux cérémonies. Fandène, un village, non loin de Dakar était le centre de la journée nationale de la mutualité. Une équipe de la Mutualité chrétienne a eu la chance d’être témoin de cette grande fête qui symbolise l’essor et la dynamique de ce mouvement naissant. Découverte d’une Afrique en marche, celle des populations qui prennent leur avenir en mains, à l’encontre de toutes les théories afro-pessimistes !

Le 13 janvier dernier, le mouvement mutualiste sénégalais s’était donné rendez-vous dans un petit village à 80 km de Dakar, dans la région de Thiès : Fandène. Lieu de rassemblement hautement symbolique, puisque c’est là qu’est née la première mutuelle de santé rurale du Sénégal. La journée de la mutualité célébrait simultanément le douzième anniversaire de cette mutuelle ainsi que le jumelage entre la coordination régionale des Mutuelles de santé de Thiès et la Fédération des Mutualités Chrétiennes de Verviers. C’était une agréable façon de mesurer le chemin parcouru et de rendre hommage aux pionniers et aux bénévoles qui ont lancé ce mouvement.

C’est grâce à la persévérance de son promoteur, l’abbé Raphaël Wade, et à la conscientisation progressive des villageois que la mutuelle de Fandène a vu le jour en 1989. L’hôpital privé de St Jean de Dieu, situé à 7km de là, a également joué un rôle important dans son implantation en accordant aux membres de la mutuelle une remise de 50 % sur les tarifs ordinaires. Dès le démarrage, 98 % des habitants de Fandène se sont inscrits dans la mutuelle, soit 400 membres et 2200 bénéficiaires. Depuis sa création, plus de 3 millions de francs belges collectés par le biais des cotisations ont permis de prendre en charge 1600 malades hospitalisés. Le fonctionnement est entièrement basé sur le bénévolat des responsables. La cotisation est minime (12 FB par mois et par personne) et la couverture (à 100 %) est limitée aux quinze premiers jours d’hospitalisation, précaution rendue nécessaire par la faible taille de cette mutuelle. Actuellement, l’extension de la couverture aux premiers soins (consultations et médicaments) est envisagée, comme dans la plupart des mutuelles de la région.

Au fil des années, l’exemple de Fandène a essaimé dans la région de Thiès : la coordination régionale regroupe déjà quinze mutuelles et devrait bientôt en accueillir cinq autres. Cette éclosion, assez spontanée dans un premier temps, confirme l’importance de disposer d’expériences pilotes réussies, qui résistent à l’épreuve du temps, pour construire un mouvement mutualiste authentique et représentatif. La démarche est encouragée de façon plus formelle depuis 1998 par Promusaf (Programme des Mutualités Chrétiennes et de Solidarité Mondiale en Afrique) à travers un programme de formation et de conseils mené par des leaders mutualistes de la région de Thiès. Cet essaimage a d’ailleurs dépassé les limites de cette région, au point que nous pouvons aujourd’hui parler de la naissance d’un mouvement mutualiste sénégalais.

C’est sous les baobabs que s’est tenue une bourse d’échanges originale, au cours de laquelle les mutuelles présentaient leurs activités sur un stand. Elles exposaient sur des tableaux leurs résultats en quelques chiffres : nombre d’adhérents, évolution, montant des cotisations, services pris en charge, etc. Une vingtaine de mutuelles ont participé à cette exposition. La majorité venait de la région de Thiès mais certaines avaient fait un long déplacement. Chaque délégation arrivait sur la place du village, débarquant au fur et à mesure des “cars rapides”, les taxis brousse sénégalais. Pas moins de deux mille personnes ont rejoint Fandène pour l’occasion. Chaque délégation s’est vue désigner un espace sous les grandes tentes prévues pour la cérémonie et une concession dans laquelle elle était accueillie pour le repas. Les différents programmes d’appui aux mutuelles ont également présenté leurs activités (1). Cette journée était organisée par Promusaf, avec le Ministère de la Santé et la Coordination régionale des mutuelles de Thiès.

Dans l’après-midi, l’intensité de la fête est montée d’un cran avec l’arrivée de la délégation officielle du Ministère de la Santé et d’une kyrielle d’artistes renommés, venus encourager le mouvement mutualiste, dans la pure tradition des griots d’Afrique de l’Ouest (2). Diverses allocutions ont mis en exergue le rôle important des mutuelles dans l’accès aux soins de santé et les enjeux qu’elles devront affronter à l’avenir : amélioration de la qualité des soins, accès aux médicaments, fonctionnement démocratique et participatif, représentation des patients dans la définition des politiques de santé…

A l’occasion de la journée de la mutualité sénégalaise, une convention de partenariat a été signée entre la Fédération des Mutualités Chrétiennes de Verviers et la Coordination Régionale des Mutuelles de santé de Thiès. Ce jumelage vise à établir des liens d’amitié entre les deux organisations et à développer des échanges de pratiques et de ressources humaines et matérielles. Cette coopération se concrétisera notamment :

• par un engagement réciproque à diffuser l’information sur les réalités vécues et sur les expériences de terrain;

• par une coopération au développement des mutuelles de santé dans la région de Thiès;

• par la réalisation de micro-projets de renforcement en faveur des mutuelles de santé déjà fonctionnelles;

Madame Diop (du ministère de la santé); Jean-Pierre De Coninck et Jacques Thielen (Président et Directeur Régional de la Fédération de Verviers) ; André Demba Wade et Assane Gueye (Président et Secrétaire Général
de la Coordination Régionale des Mutuelles de Thiès).

Le micro-crédit, outil de lutte contre l’exclusion

Dans deux mutuelles villageoises, à Leckhar et Baback, une expérience a été lancée en l’an 2000 pour lutter contre l’exclusion sociale des membres en difficulté : le micro-crédit rotatif. Le principe est simple. La Mutualité Chrétienne met à disposition de chaque mutuelle un fonds de départ qui est ensuite redistribué sous forme de micro-crédit individuel aux membres en difficulté. Ce crédit doit obligatoirement être utilisé pour la création d’une activité génératrice de revenus, telles que l’élevage, le petit commerce, l’artisanat. Le montant de chaque crédit varie de 1.000 à 10.000 FB. Le taux d’intérêt n’est que de 1 % par mois, et le délai de remboursement est de maximum une année. Avec le bénéfice de l’activité réalisée, le membre doit verser à l’avance six mois ou une année de cotisations. Chaque année, l’activité sera évaluée et le crédit pourra être renouvelé et venir en aide à d’autres membres en situation précaire.