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Mutualités africaines

Une alternative prometteuse

Les Mutualités Chrétiennes sont souvent sollicitées par des pays amis pour leur savoir-faire en matière de gestion et d'organisation de l'assurance-maladie, ainsi que pour leur longue expérience d'animation d'un mouvement social. Ainsi, des contacts sont établis avec le Liban, Haïti (1) et plus récemment, la Pologne, tandis que se met en place un programme d'appui aux mouvements mutualistes africains, mené en partenariat avec Solidarité Mondiale et le Bureau International du Travail.

"Au cours des vingt dernières années, les progrès de la sécurité sociale dans beaucoup de pays d'Afrique ont été remarquables..." Ce diagnostic émane d'un rapport très sérieux puisqu'il provient de l'Organisation Internationale du Travail, mais il est daté de... 1977 ! (2) Aujourd'hui, près de 20 ans plus tard, il faut bien constater que les régimes de protection sociale en Afrique sont loin de répondre à la demande. Ils sont à peine un complément imparfait aux formes traditionnelles d'assistance.

Malgré des débuts prometteurs, l'Afrique se caractérise donc, à la veille l'an 2000, par une faible protection sociale institutionnelle. Non seulement le nombre de risques couverts est restreint, mais la population qui peut en bénéficier est elle-même limitée. A de rares exceptions près, les régimes africains de sécurité sociale ne concernent que les travailleurs salariés et ne s'étendent pas à certains types d'emploi, comme le travail saisonnier, ou d'autres catégories de travailleurs comme les artisans, les travailleurs des petites entreprises, les agriculteurs, le travail domestique. Ainsi, pour les pays offrant des données raisonnablement fiables, le régime général de sécurité sociale applicable aux travailleurs salariés couvrait, en 1989, entre 0,7 et 24% de la population active : seuls 5 pays enregistraient des taux de couverture supérieurs à 10% (3). Même en tenant compte de la fonction publique, dont les agents bénéficient en général d'un régime spécial, la couverture sociale du secteur structuré de l'économie n'est donc souvent accordé qu'à une minorité de la population. A cela, il faut ajouter qu'il existe d'énormes disparités entre réseaux et groupes sociaux : "Les systèmes de protection sociale institutionnels en Afrique sont donc élitistes et urbains si bien que les populations rurales ainsi que les analphabètes qui sont majoritaires dans ces pays, sont laissés pour compte."(2)

Le cas de l'assurance-maladie est "exemplaire" à cet égard. Les établissements correctement équipés, sans parler des plus perfectionnés, ainsi que le personnel médical le mieux formé, ne se rencontrent que dans les centres urbains où se concentre l'élite. En outre, il arrive qu'une législation sociale adoptée en faveur de ceux qui travaillent dans le secteur informel ne soit jamais appliquée.

Par ailleurs, les systèmes de protection sociale naissants ont souvent souffert d'une mauvaise gestion administrative : carences au niveau de l'information et du contrôle, frais de fonctionnement extrêmement élevés, excédents éventuels, dus le plus souvent au bas niveau des prestations, mal investis... A cela vient s'ajouter la mise en oeuvre, dans la plupart des pays africains, de programmes d'ajustements structurels (PAS) qui exigent des gouvernements africains de sévères réductions des dépenses publiques et d'une manière générale des services sociaux. Dans beaucoup de pays africain, le concept du "recouvrement des coûts" tel qu'il est proposé par les autorités du FMI et de la Banque Mondiale, signifie que des redevances sont de plus en plus imputées à ces services sociaux en vue de recouvrer auprès des consommateurs une proportion croissante des coûts liés aux prestations de service. L'introduction des principes de l'économie de marché, dans le secteur de la santé, incite au développement de la pratique privée de la médecine et du secteur pharmaceutique. Mais, comme le constate le sociologue Chris Atim (4), le secteur de la santé évolue "de manière chaotique, et aucune contre-mesure efficace n'est prise de façon systématique pour résorber les conséquences indésirables (de ces politiques) sur les couches démunies de la population." L'Afrique connaît, en effet, un processus de paupérisation généralisée des populations rurales et urbaines. Le nombre des pauvres ne cesse de s'accroître.

Paradoxalement, certains espèrent toujours que "le salut" viendra de la mise en oeuvre de politiques économiques d'inspiration libérale, alors que la vulnérabilité actuelle de l'Afrique en général tient précisément à leur stricte application ! Le "marasme économique", qui semble être une condition durable de la plupart des pays africains (surtout au sud du Sahara) pour les années à venir, rend "à la fois plus pressante l'exigence d'une extension et d'une amélioration de la protection sociale, et très difficile la conduite de telles réformes, dans un contexte où les ressources financières sont plus rares et où les fonds disponibles sont mobilisés à d'autres fins." (3)

 

Développement et mutualités

Face à la détérioration rapide des systèmes de santé publique et du fort accroissement des coûts des soins de santé pour les populations, les ministres africains de la Santé, réunis au Mali en 1987, sous l'égide de l'OMS et de l'UNICEF, ont lancé ce qu'on a appelé "l'initiative de Bamako" dont l'objectif est "assurer à l'ensemble de la population l'accès aux services de soins de santé primaires à un prix abordable, et de restaurer la confiance des usagers dans les services de santé publics". Cette initiative reprend, bien sûr, les objectifs-clefs de la Déclaration d'Alma-Ata (1978) qui s'était engagée à soutenir prioritairement les soins de santé primaires. Mais surtout, l'initiative de Bamako se préoccupait des voies et moyens de générer des revenus à travers le financement communautaire des soins de santé (en particulier la vente de médicaments) afin de compenser le déclin des revenus des Etats. En effet, malgré la faiblesse des revenus, des ressources sont mobilisables pour les services de santé dans presque toutes les couches de la population.

Des structures sociales, des communautés, des autorités hospitalières, des individus de bonne volonté et parfois même des gouvernements lancent ou soutiennent des projets novateurs tels que des projets d'assurance-maladie à but non lucratif. Certains acteurs sociaux ont créé des fonds de bienfaisance ou de prévoyance pour les cas de maladie, de retraite, de décès... en s'inspirant des principes mutualistes : solidarité sociale, entraide mutuelle et structures d'action démocratiques. Toutefois, très peu de travaux ont été effectués afin de comprendre le développement et le potentiel de ces initiatives de financement de soins de santé en Afrique. La documentation est plutôt rare et, quand elle existe, elle provient surtout des autorités sanitaires, des ministères de la Santé et de... la Banque Mondiale, lesquels ignorent généralement le point de vue des usager, négligent le potentiel d'action sociale des communautés locales. L'enquête menée par le sociologue Chris Atim, depuis 1993, sur le fonctionnement de certaines "mutuelles" dans différents pays d'Afrique est donc particulièrement utile (4).

Celui-ci distingue trois modes de fonctionnement des projets d'assurance-maladie à but non lucratif. Les projets initiés ou parrainés par les prestataires de soins de santé (comme un hôpital ou un Centre de santé) ou par une structure d'action sociale (comme un syndicat). L'objectif du premier projet reste malgré tout de trouver des ressources supplémentaires afin de mieux faire fonctionner le centre de santé tandis que les objectifs d'équité et d'accès aux soins seront davantage mis en avant dans le second. Mais il existe encore une troisième forme d'action. Celle-ci se situe davantage dans le sillage de l'assurance sociale telle que nous la connaissons en Europe. Elle vise à atteindre une population beaucoup plus large que celle d'un centre de santé ou d'une structure sociale déterminée. Elle lutte pour un accès plus large aux soins médicaux au profit de la population en général.

C'est en réponse à cet intérêt incontestable pour des solutions de type mutualiste qu'est né le programme d'appui aux mouvements mutualistes africains, mené par les Mutualités Chrétiennes en partenariat avec Solidarité Mondiale et le B.I.T. L'approche de ce programme, basée sur la complémentarité entre les intervenants, repose sur quatre axes : la recherche sur les initiatives mutualistes existant en Afrique, la formation des promoteurs, initiateurs et gestionnaires des mutuelles de santé, les services de conseils "sur mesure" selon l'évolution de chaque mutualité, la mise en réseau des diverses initiatives locales pour favoriser les échanges d'expériences.

Sur la base de cette étude, un matériel de formation a été conçu avec la participation de spécialistes africains dans le domaine de la santé ou de la formation : "Le Guide Pratique des Mutuelles de Santé en Afrique" (5), à paraître en juin 96. C'est un ouvrage de référence qui servira autant à l'auto-formation des promoteurs, initiateurs, gestionnaires et membres élus des mutualités qu'à l'animation de sessions de formation. Ce "Guide" traite de thèmes comme la création, le fonctionnement, la gestion des mutuelles, les services offerts, leur évaluation, et l'animation des mouvements mutualistes. Sans chercher à imposer son modèle, l'Alliance Nationale des Mutualités Chrétiennes met donc son savoir-faire en matière d'organisation, de gestion de l'assurance-maladie, d'animation d'un mouvement social dynamique, de techniques de gestion d'entreprises d'économie sociale, d'organisation des soins de santé et de l'éducation à la santé à la disposition de ceux qui le demandent.

Christian Van Rompaey

(1) Voir En Marche n°1032, 2 mai 1992 pour le Liban et En Marche n°1054, 1er avril 1993 pour Haïti.

(2) Voir Quel bilan pour les systèmes de protection sociale en Afrique ? par Olayiwola Erinosho, sociologue (Nigéria). Revue internationale des sciences sociales, juin 1994. Publié également dans la revue Problèmes économiques (éditée par la Documentation française), 31 mai 1995.

(3) Les régimes de sécurité sociale en Afrique. Tendances et problèmes contemporains par Jean-Victor Gruat (BIT). Revue internationale du travail, 1990, n°4, volume 129.

(4) Systèmes mutualistes de financement des soins de santé en Afrique. Une étude des systèmes d'assurance-maladie et autres formules de préfinancement de soins de santé au profit des structures d'action sociale et communautés locales par Chris Atim, janvier 1995. La recherche porte sur les pays suivants : l'île Maurice, le Sénégal, le Zimbabwe, le Rwanda, le Zaïre, le Ghana, le Bénin, la Côte d'Ivoire, le Burkina Faso et le Mali. (Edité par Solidarité Mondiale, rue de la loi, 121 à 1040 Bruxelles. Tél. 02/237.37.65 - Fax : 02/237.33.00).

(5) Renseignements : Dominique Evrard, Coopération Internationale de l'Alliance Nationale des Mutualités Chrétiennes, rue de la Loi, 121 à 1040 Bruxelles. Tél.: 02/237.43.40.

Plus d'informations sur les mutuelles de santé : http://www.concertation.org/init.asp


 

L'entraide traditionnelle : un terreau fertile

Le caractère limité et chancelant des systèmes institutionnels de protection sociale africains a conduit ceux qui sont laissés hors du champ de la sécurité sociale à inventer d'autres réseaux de protection. Heureusement la famille élargie et la communauté sont depuis toujours le point d'appui essentiel de l'entraide et de la solidarité. Ainsi, chaque chef de tribu doit veiller aux besoins de chacun en veillant à accorder à chacun une part suffisante des ressources de la communauté (qui sont le plus souvent des terres). Mais un tel système connaît des limites quand toute la famille ou toute la communauté est exposée aux mêmes risques (comme dans les cas de sécheresse, par exemple) !

Cependant, les systèmes non institutionnels sont largement répandus "au point que, selon le Bureau International du Travail, l'une des forces motrices de l'activité informelle en Afrique est la volonté de se prémunir contre le risque. En effet, le secteur informel lui offre certaines formes d'assurance-vie et des possibilités d'épargne contractuelle qui semblent avoir plus d'attrait aux yeux des populations que la perspective d'une rémunération, généralement faible, offerte par les institutions financières formelles."(1)

Ainsi, l'entraide a pris très souvent forme dans les "tontines" que l'on trouve pratiquement partout en Afrique. Les tontines sont des petits groupes de personnes qui s'associent en vue de constituer une épargne. Chacun verse périodiquement sa quote-part et reçoit, tour à tour, une somme convenue, prélevée sur l'épargne collective. Les membres des tontines font généralement partie du même groupe familial, de voisinage, d'usine, ou professionnel. Seul défaut, l'épargne perd vite de sa valeur : les tontines subissent les contrecoups de l'inflation souvent très élevée en Afrique ! Mais elles restent malgré tout l'une des traditions les plus répandues. Celles-ci permettent aux familles les plus modestes de faire face à des dépenses exceptionnelles même si le système est assez rigide, la somme reçue étant perçue de manière rotative, sans tenir compte des besoins réels de celui qui en bénéficie.

Ces réseaux informels qui solidarisent la famille, les travailleurs, le clan, la tribu sont un terreau fertile pour le développement de système de prévoyance sociale. Ceux-ci ne sont pas sans rappeler la manière dont se sont développées les mutualités en Europe, il y a plus d'un siècle. Bien avant la création officielle de la sécurité sociale, en pleine révolution industrielle, ce sont en effet les caisses de secours mutuels, constituées par l'épargne de chacun, qui octroyaient des indemnités à ceux qui se retrouvaient dans l'impossibilité de travailler. La création de systèmes associatifs de type mutualiste, combinant l'entraide africaine traditionnelle et les principes nouveaux de l'assurance et de la solidarité, paraît être la meilleure solution pour sortir de la crise actuelle les systèmes de santé en Afrique et comme l'alternative au développement d'une médecine particulière réservée aux plus fortunés.

 

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