Coopération
Impressions de
voyage
La solidarité fait des petits au
Mali
Sept jeunes
Liégeois désireux de réaliser un voyage au Mali ont eu l’opportunité, grâce à
l’Union technique de la Mutualité malienne, d’y rencontrer des personnes
engagées dans des mutuelles de santé locales. Morceaux choisis de leurs récits
de voyage à Ségou.
Après une courte
nuit à Bamako, nous embarquons dans un car, destination Ségou, première
confrontation à la vie malienne. C’est éprouvés par la chaleur, le bruit et
la fatigue que nous rencontrons Seydou Ouattara, pilier de l’Union Technique
de la Mutualité Malienne dans la région de Ségou. Rayon de soleil, il nous
accueille d’un grand «Bonjour les Belges!», ponctué par son sourire qui rend
tout si agréable. Au vu du programme qu’il nous a concocté, nous comprenons
qu’il prend très à cœur notre visite. Tout commence par une explication de
la genèse de l’UT Ségou. Comment au départ de presque rien sont-ils arrivés
à développer des mutualités locales autonomes? Seydou organise ensuite des
rencontres avec différents mutualistes pour que nous puissions mieux
comprendre les aides concrètes qu’apporte la mutualité dans la vie
quotidienne des Maliens. Enfin, nous participons à l’Assemblée Générale
Constitutive de la Mutuelle de Santé de Kokry. Nous assistons ainsi à la
naissance d’un mouvement de solidarité.
Au-delà de ces
activités auxquelles nous participons avec intérêt, ces cinq jours nous
marquent surtout par notre rencontre avec Seydou, un personnage aux mille
facettes qui nous a montré son pays comme jamais nous n’aurions cru pouvoir le
découvrir…
Des rencontres enrichissantes
Aujourd’hui, nous
sommes reçus par Traoré Nana Tangara, présidente de l’association «Badenya
Jèkabaara», et par l'ensemble des femmes membres. C'est dans la cour d'une
concession typique et entourés de nombreux enfants que nous l’écoutons. Ici,
l'engagement mutualiste est double. Non seulement toutes ces dames ont fait
entrer leur famille dans le projet de santé, mais leur association a profité
de la possibilité d'obtenir un micro-crédit auprès de l'UTM de Ségou pour
lancer une série de petites initiatives comme un atelier de couture ou de
fabrique de produits comestibles. Cela leur permet de rembourser le prêt et de
dégager un petit surplus affecté au paiement des cotisations de la mutuelle.
C'est certainement en cela que le projet mutualiste malien connaît une de ses
formes les plus encourageantes : celle d'une initiative source de bien-être,
portée par les femmes et qui apporte, avec le micro-crédit, le moyen de
s'offrir cette garantie pour la santé familiale.
Autre exemple de ce
mariage réussi entre mutualité et micro-crédit, celui de Ramata N’Diaye,
présidente de «Benkadi », l’association des femmes du quartier de Péléngana.
C'est par la vente de glaçons au gingembre qu'elle finance le paiement de ses
cotisations. Grâce au micro-crédit, elle a pu acheter un réfrigérateur qui lui
permet d'offrir des boissons fraîches à ses clients : un sérieux atout sous
ces latitudes !
C'est ensuite un
projet d'une toute autre envergure qui nous a été présenté, celui de l’usine
de textiles Comatex. Avec 1.400 travailleurs, c’est une des plus grosses
usines du Mali. Sous capitaux chinois, elle constitue un des rares exemples
industriels de transformation d'une matière première produite par le pays, à
savoir le coton. Sujet de discussions difficiles entre représentants du
personnel et dirigeants de cette entreprise, l'inscription des ouvriers de la
Comatex à la mutualité malienne a été une des plus belles réussites de l'UTM
de Ségou. Soutenue par l'entreprise qui paie une partie de l’affiliation de
chaque travailleur intéressé, l'initiative a convaincu près du tiers du
personnel. Les deux tiers restants, plus réservés, attendent encore les
résultats concrets pour croire à la fiabilité du système. L'enjeu est pourtant
réel dans cette usine emblématique où les accidents du travail, s'ils sont
souvent bénins, n'en restent pas moins relativement fréquents.
Une nouvelle mutuelle à Kokry
A Kokry a lieu
l’assemblée générale constitutive de la mutuelle de santé du village et des
environs. Un moment historique, donc. Historique, mais incertain. La mutuelle
est inaugurée officiellement, les statuts et le règlement d’ordre intérieur
sont adoptés en quelques heures de lecture et quelques minutes de débats
houleux, juste pour la forme. La télé est présente. Dehors on joue de la
musique pour l’événement et les responsables nationaux de la mutualité
malienne ont fait le déplacement de Bamako pour lire les statuts et avaliser
l’élection des délégués. La cerise sur le gâteau, c’est la présence de cette
improbable «délégation belge» qui désire soutenir les mutuelles de santé…
Les différents
responsables déploient une belle énergie à disséquer les textes fondateurs de
cette mutuelle en herbe. En Bamanankan naturellement : c’est la garantie que
le message passe. Les textes sont lus et discutés publiquement ; un débat oral
a une plus grande valeur que les photocopies distribuées ici et là. Les petits
Belges que nous sommes commencent à rôtir sous le toit de tôle et, si les
Maliens se plaignent moins, ils transpirent autant. Les notes dactylographiées
pour «francophones monoglottes» se muent par moments en éventail. Les pauses
tombent à pic. Un pas de danse exigé par nos hôtes amuse tout le village ; une
minute d’interview face à la caméra du journal télévisé et on reprend.
Si l’on veut que
cette journée soit plus qu’une fête isolée, il faut encore convaincre chacun
de s’inscrire à la mutuelle de santé. En effet, celle-ci doit atteindre un
nombre de membres suffisant pour être viable. Or, les habitants se souviennent
d’expériences passées où une mutuelle mal gérée était tombée en faillite et
n’avait remboursé aucun soin de santé. C’est aussi pour cela que les
responsables sont venus en personne de la Capitale : pour que le choix des
délégués passe par des élections et ramène la confiance aux mutualistes.
A présent, jour
après jour, les inscriptions seront comptabilisées car la mutuelle ne sera
lancée effectivement que si le nombre d’adhérents est suffisant. Sans
solidarité, cette mutuelle est morte-née. Mais ça, à Kokry, on l’a bien
compris.
Confiance et prévoyance
Notre séjour à
Ségou nous a donné l’occasion d’admirer la motivation et le dévouement
quotidien des jeunes employés de l’UTM. Convaincus de la noblesse de leur
cause, ils dépensent une énergie colossale pour offrir à leurs concitoyens un
accès aux soins de santé au travers d’un système de solidarité solide. En
effet, il n’est pas simple de créer une relation de confiance avec des
populations méfiantes qui ont parfois connu des précédents douloureux avec
d’autres projets de développement. La cotisation régulière demandée aux
mutualistes n’a évidemment pas de contrepartie immédiate. C’est une petite
révolution, un acte de confiance et de prévoyance auquel peu sont habitués.
D’autre part, bon
nombre de personnes auraient plus spontanément recours à des remèdes
traditionnels moins coûteux. En effet, la grande majorité de ces populations
rurales conserve des croyances animistes parfois difficilement compatibles
avec un système mutualiste.
Nous sommes bien
loin des cotisations obligatoires ou de l’adhésion (quasi) unanime que nous
rencontrons en Belgique. Nous assistons ici à la genèse du mouvement
mutualiste malien, un retour aux sources int erpellant pour ceux qui ont
toujours baigné dans l’Etat Providence et les mutualités institutionnalisées.
Aujourd’hui, plus
de 34.000 personnes ont accepté de faire confiance à la Mutualité Malienne.
C’est peu de choses au regard des besoins à couvrir. Mais c’est une
fantastique source d’espoir.
Les extraits des
textes sont, dans l’ordre de présentation, ceux d’Isabelle Schoenmaeckers et
Florence Renard, de François-Louis Thoreau, de Jacques Dusart et enfin de
François Defourny
La mutualité chrétienne et
solidarité mondiale partenaires
Grâce au
Fonds Belge de Survie, l’ONG Solidarité Mondiale a démarré en 2002 un
programme d’appui aux initiatives d’économie sociale et mutualistes dans
le domaine de la lutte contre la pauvreté et l’insécurité alimentaire en
Afrique de l’Ouest. Dans ce cadre, en étroite collaboration avec la
Mutualité Chrétienne, elle soutient les mutuelles de santé au Bénin, au
Burkina Faso, au Mali et au Sénégal, selon des mécanismes de partenariat
Nord-Sud entre mutualités.
Au Mali,
l’Union Technique de la Mutualité Malienne, organisme d’appui de
mutuelles de santé, a pour partenaire la MC du Centre, de Charleroi et
de Thudinie. Ce partenariat permet la création, le suivi et la mise en
réseau de mutuelles de santé rurales et urbaines ainsi que le
renforcement des structures sanitaires conventionnées. |