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Au Liban, entre guerre et paix

Sept ans après la fin d’un conflit multiforme qui aura dévasté ce beau pays durant dix-sept ans, Le Liban assume tant bien que mal le pari de la reconstruction. Le plus difficile n’est pas la reconstruction des infrastructures, qui va bon train, mais la reconstruction de la société libanaise, mosaïque de communautés, fragilisée par l’influence de ses deux grands voisins, la Syrie et Israël.

A première vue, les activités tournent à plein régime au « pays des cèdres ». A Beyrouth, l’aéroport international flambant neuf a été mis en service, le grand sérail (siège du gouvernement) rénové vient d’être inauguré, la célèbre « Place des canons » a été entièrement rasée pour reconstruire tout le centre ville, l’autoroute de la côte est élargi en s’avançant sur la mer, etc. Des immeubles de verre, de marbre ou de pierre surgissent un peu partout, remplaçant progressivement les carcasses des buildings bombardés. Le Liban serait actuellement le plus grand chantier du monde. « Quand la construction va, tout va » a-t-on coutume de dire chez nous. Au Liban, cette frénésie de construction, signe d’une reprise économique pour certains, ne va pas sans créer de gros problèmes. Tout d’abord des problèmes de circulation. Le trafic extrêmement dense est rendu encore moins fluide par tous les camions et véhicules de chantier qui approvisionnent Beyrouth en matériaux, au point que le gouvernement a du leur imposer des heures de circulation restrictives –que personne ne respecte-. L’immense coulée de béton qu’est devenu le Liban entraîne aussi des difficultés d’approvisionnement en eau. L’eau potable fait défaut car de nombreuses sources de montagne sont captées pour alimenter les chantiers. Enfin, la multiplication des carrières sauvages crée de sérieux dégats à l’environnement : pollution, érosion, glissements de terrain, … Le splendide patrimoine naturel du Liban est en danger.

Une mosaïque à recomposer

Ce qui frappe également dans ce pays, c’est la mosaïque de populations qui vit sur ce petit territoire de 10.400 km². Les 3 Millions de libanais de l’intérieur composent dix-sept

communautés différentes, dont les principales sont les chrétiens maronites, les musulmans chiites et sunnites, et les druzes. La plupart des Libanais vivent à l’étranger : la diaspora libanaise est deux fois plus importante que la population restée au pays. Au Liban même, on estime le nombre d’étrangers à 1,5 millions de personnes. Un étranger pour deux libanais, cela ne facilite pas la délicate recherche de l’équilibre entre les différentes communautés. La grande majorité est composée de main d’oeuvre syrienne, estimée à un million de personnes. Ils viennent tenter leur chance dans un pays si proche où le niveau de vie est nettement plus élevé que chez eux. Ainsi, Mustapha, le jardinier, est-il content, avec environ 300 $ par mois, de gagner autant qu’un directeur général dans son pays. La deuxième communauté étrangère est sans doute celle des réfugiés palestiniens, appelés pudiquement «personnes déplacées», dont 350.000 personnes sont recensées dans les camps. Comme dans le golfe persique, on remarque aussi une importante immigration asiatique, notamment parmi les femmes domestiques : elles viennent surtout du Sri Lanka ou des Philippines.

Entouré de toutes parts par deux voisins gênants, la Syrie et Israël, le Liban reste malgré les accords de paix de 1989 la principale victime de la lutte d’hégémonie que se livrent ses deux voisins. Sous occupation militaire syrienne depuis lors, le Liban fait aussi l’objet d’une tutelle politique irritante. Damas considère pratiquement le Liban comme l’une de ses provinces, et toute décision politique importante doit recevoir l’aval préalable du Président Hafez el –Assad. La désignation par Damas du prochain Président libanais, le Général Emile Lahoud, une semaine avant la tenue des élections du 15 octobre 1998, en est la dernière illustration éclatante.

Le Liban rural présente un visage très différent des grandes villes. Coincé entre mer et montagne, le Liban est comblé de sites naturels d’une grande beauté. A la campagne, le principal problème est celui du retour des populations déplacées par la guerre. Elles n’osent pas encore réintégrer leur région, et tenter d’y reconstruire leur vie, tant les souvenirs y sont douloureux et tant la méfiance y reste grande.

Ainsi en est-il du village de Damour, à 25 km au Sud de Beyrouth. Ce village offre une vue magnifique sur la côte, dont il est séparé par une immense bananeraie. La congrégation des Saints Coeurs y achevait en août la reconstruction d’une école primaire. Le défi est d’être prêts pour la rentrée scolaire toute proche, les ouvriers s’y affairent sept jours sur sept. Mais l’enjeu est plus large. Il s’agit de créer un mouvement de retour des Chrétiens dans la région.

En réinstallant une communauté et une école à Damour, les Soeurs espèrent redonner vie à ce village fantôme, où de nombreuses maisons à moitié construites attendent le retour de leurs propriétaires partis vivre à Beyrouth à la fin de la guerre civile.

La paix ? Elle n’est encore qu’un rêve pour les habitants du Sud-Liban, occupé depuis vingt ans par Israël. Ce territoire de 850 km² représente 8 % du territoire libanais. C’est une « zone de sécurité » où règne l’insécurité, où la circulation est strictement limitée, et où les escarmouches quotidiennes entre le Hezbollah pro-iranien et les soldats israéliens font régulièrement leur lot de victimes, parmi les militaires mais aussi dans la population civile.

 

Un développement dual

En conséquence d’une guerre aussi longue, les inégalités sociales se sont rapidement renforcées au Liban. La classe moyenne a été limée par la guerre. Les plus opportunistes s’en sont bien sortis, et sont devenus très riches, les autres, c’est-à-dire la grande majorité, sont tombés dans la précarité. Le Liban d’après guerre suit un modèle de développement ultra-libéral où tout est fait pour encourager les investissements et la création d’entreprises.

La recette est simple : créer des opportunités, supprimer les contraintes. Elle fait quelques heureux, mais elle laisse un grand nombre de laissés pour compte sur le bord du chemin de la croissance. Les signes extérieurs de richesse se multiplient, souvent d’une façon choquante dans ce contexte. Mercédès ou BMW rutilantes, téléphones portables (les fameux «cellulaires »), ordinateurs, mobilier de luxe, …sont autant de signes d’une société où le «paraître » semble avoir pris le pas sur «l’être ». Face à un Etat encore très affaibli, les opérateurs privés ont carte blanche. La perception d’impôts étant très limitée, les services sociaux sont quasi inexistants. Les services publics dans l’enseignement et la santé sont d’une qualité très médiocre. Ainsi les Libanais, qui placent la famille au premier rang de leurs valeurs et de leurs préoccupations, se saignent-ils pour assurer à leurs enfants une scolarité de qualité. Par exemple, Lie, chauffeur, paie à son fils de neuf ans des cours du soir en informatique. Il débourse 100$ par mois, la moitié du salaire minimum, convaincu que c’est indispensable «pour lui donner toutes ses chances pour l’avenir ».

L’enseignement secondaire est partagé entre les écoles publiques et les écoles chrétiennes. Chaque réseau accueille environ trente mille élèves. Les subsides sont très rares et la scolarité est à charge des parents. Les frais de scolarité dans une école privée varient de 1.200 à 1.500 $ par an et par élève.

L’accès aux soins de santé

Dans le domaine de la santé, la dualisation prévaut également entre le secteur public et le secteur privé. Le secteur public a connu un long déclin pendant la guerre, et tous les hôpitaux publics sont à présent à restaurer d’urgence. Ils se caractérisent par des infrastructures très abîmées, par un sous équipement important, et par des listes d’attente des patients à soigner. Le secteur privé a largement pris les devants pour répondre, de façon spontanée, à la demande croissante de soins de santé. Le développement des hôpitaux privés a attiré les médecins de la diaspora, rentrés après la guerre avec les technologies dernier cri d’Europe et des Etats-Unis.

L’absence de planification des équipements, la course aux technologies suite à la pression concurrentielle et aux exigences des clients ont entraîné une croissance infernale des coûts des soins. Le coût moyen d’une facture d’hospitalisation dans le privé se situe entre 1.000 et 1.300 $. De telle sorte que les soins hospitaliers sont devenus inabordables pour les 60% de la population non couverts par le système de sécurité sociale. Cette exclusion des soins fut une aubaine pour les compagnies d’assurance. Aujourd’hui, pas moins de 70 sociétés proposent des produits d’assurance hospitalisation. Les polices d’assurance sont très personnalisées : les primes dépendent de l’âge du souscripteur, se paient par individu et non par famille, les personnes trop âgées sont exclues, le contrat peut ne pas être reconduit en cas de dépenses trop élevées, …

Tracer une autre voie

C’est dans ce contexte de «marché de la santé » que les Mutualités Chrétiennes belges ont participé, à partir de 1993, à la création de la première mutuelle libanaise, «la Caisse Mutuelle des Services Médico-sociaux AL RIAYA ».

L’objectif était de favoriser l’accessibilité des soins hospitaliers en organisant la solidarité et l’assistance mutuelle entre les membres. Le défi était de prouver qu’il était possible d’organiser un système mutualiste qui combine les notions d’assurance et de solidarité.

Dans ce système, la cotisation est indépendante de l’âge, elle se paie par famille, il n’y a pas d’âge limite ni d’exclusion en cas de dépenses trop élevées. C’est une petite révolution dans le système de santé libanais. Créée par la Congrégation libanaise des Saints Coeurs, la mutuelle sera progressivement ouverte à toute la population. Elle compte aujourd’hui 10.000 adhérents, et couvre à 100 % les soins hospitaliers, ainsi que les examens ambulatoires (biologie clinique et radiologie). Des conventions de soins ont été passées avec vingt hôpitaux privés non lucratifs répartis dans tout le pays. Pour créer la mutuelle AL RIAYA, les Mutualités Chrétiennes l’ont dotée d’une subvention pour la constitution du capital, mais dès le départ, la mutuelle AL RIAYA a cherché l’équilibre financier dans ses activités.

Après cinq années, la mutuelle AL RIAYA fonctionne bien et l’appui des Mutualités Chrétiennes se situe surtout dans le conseil en gestion et dans la formation des cadres libanais. Signe d’espoir et de solidarité dans une société libanaise à la croisée des chemins, la mutualité trace des pistes d’innovation sociale intéressantes, pour prouver dans ce « Far-West » du Middle East que d’autres voies sont possibles, entre le tout à l’Etat et le tout au Marché.

Cette coopération entre mutuelles belges et libanaises est avant tout porteuse de valeurs, car elle fait l’expérience de la solidarité comme ciment possible de la reconstruction libanaise.

Dominique EVRARD

 

Repères historiques

1920 : mandat français sur le Liban

1943 : indépendance du Liban le 22 novembre

1948 : création d’Israël. Arrivée au Liban de la première vague de réfugiés palestiniens

1967 : guerre des six jours et conquête du Golan syrien

1975 : début de la guerre civile au Liban

1976 : intervention de la force arabe de dissuasion, essentiellement syrienne

1978 : création d’une « zone de sécurité » par Israël au Sud Liban

1982 : Invasion israélienne d’une grande partie du pays - Massacre des camps palestiniens de Sabra et Chatila

1988 : affrontement des milices chiites, Amal et Hezbollah

1989 : signature des accords de paix de Taëf

1990 : Intervention syrienne pour mettre fin à la guerre entre milices chrétiennes

1991 : retour à la paix…

 

(source : Espace social Européen , 12-4-96)

 

Le Liban en chiffres

Population

3,5 Millions d’habitants (est.1997)

Superficie 

10.400 km²

Densité

 336 hab/km²

Croissance population 1,62 %

Nombre de médecins  2,42 / 1.000 hab.

Espérance de vie

70 ans

Croissance PIB

8 % en 1994

 7 % en 1995

Salaire minimum

 200 $

 

(Source : CIA fact book 1997)

 

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