Recherche :

Loading

La rédaction

Notre histoire

Newsletter

Nous contacter

Une erreur dans votre adresse postale ?
Signalez-le

Actualité

Culture

International

Mutualité Service

Santé

Société

Nos partenaires

Visitez le site de la Mutualité chrétienne

Coopération (3 février 2005)

 

Hémorragie du personnel médical vers le Nord

Chaque année, bon nombre d’agents de la santé en quête de meilleures conditions de travail quittent l’Afrique pour exercer dans les pays du Nord. Un fléau qui coûte cher au continent africain.

Lire ci-dessous

Retours temporaires au pays

Médecins étrangers nécessaires mais discriminés

 

Combien y a-t-il de médecins, d’infirmiers ou de sages-femmes parmi les 20.000 professionnels hautement qualifiés qui, selon l’Organisation internationale des migrations, quittent chaque année l’Afrique ? Trop, beaucoup trop, à croire l’association américaine Médecins pour les droits de l’Homme (PHR). Son rapport, publié en juillet 2004, fait état du “manque dramatique de professionnels de la santé” dans la plupart des États du continent africain. Dans un autre rapport daté d’avril 2004, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) constate le même “exode massif et croissant des professionnels de la santé” : les praticiens africains préfèrent monnayer leurs compétences dans les pays développés. Leurs destinations favorites : les États-Unis, le Canada, la Grande-Bretagne, la France, la Belgique…

En Zambie, estime l’association PHR, seuls 50 des 600 médecins formés depuis l’indépendance en 1964 vivent toujours dans le pays. Au Ghana, “entre 1986 et 1995, 61 % des élèves issus d’une école médicale (…) ont quitté le pays”, constate le Dr Delanyo Dovlo, dans une étude sur La fuite des cerveaux et la rétention des professionnels de la santé en Afrique, présentée en septembre 2003 à Accra lors d’une conférence régionale sur l’enseignement supérieur. D’après ce consultant, qui travaille pour différents organismes internationaux dont la Banque mondiale, de 1998 à 2003, plus de 3.000 infirmiers ghanéens ont fait une demande d’authentification de leurs diplômes au Conseil des infirmiers et sages-femmes pour aller travailler dans d’autres pays.

 

Attraction du Nord…

Les mauvaises conditions de travail et de vie en Afrique sont à l’origine de ces départs massifs. “Au Togo, la fuite des praticiens a commencé en 1990. Elle s’est accentuée en 1993 quand l’Union européenne a coupé son assistance, ce qui a aggravé la crise économique”, explique Stéphan Adjamagbo, du Centre hospitalier universitaire Tokoin à Lomé. Cela a entraîné, entre autres, le payement irrégulier des salaires déjà “trop bas pour amener les professionnels de la santé à rester au pays”, constate le syndicaliste Jean Tanan. Selon le Dr Hamidou Sanoussi de l’OMS-Bénin, le manque d’équipements modernes et le gel des recrutements dans la fonction publique de certains pays constituent également une source de frustration et de démotivation. S’y ajoutent la corruption dans l’appareil administratif et les tensions politiques qui, dans des États comme le Togo, poussent les agents de la santé à s’exiler.

 

… et manque de soins au Sud

Au Sud, l’exode des praticiens aggrave l’insuffisance de soins et le manque de suivi des patients. Il contribue à la résurgence de certaines maladies (tuberculose, choléra) et au développement d’autres telles que le sida. “Je connais une dame, atteinte d’une tumeur cérébrale, qui a dû se rendre en France pour se faire traiter parce que le neurochirurgien qui la suivait à Cotonou au Bénin avait entre-temps émigré !”, témoigne le pédiatre béninois Roland Agossou. Les coûts liés au départ de ces professionnels sont énormes et compromettent le processus de développement. Il s’agit aussi bien des pertes de contribution au PIB et aux taxes, du coût social des maladies et de la morbidité que des frais de formation assumés en pure perte par les États et estimés à “des centaines de millions de dollars par an”, selon l’OMS. Une perte qui concerne tous les émigrants, mais qui est proportionnelle à l’intensité de la formation.

 

Pour juguler le mal, le Botswana a procédé à l’augmentation des allocations des infirmiers tandis qu’au Togo on fait appel à des praticiens contractuels. Des mesures qui, toutefois, tardent à arrêter l’hémorragie des blouses blanches.

 

Larisse Houssou,

Christian Roko

et Abraham Brahima

InfoSud – Syfia


 

Retours temporaires au pays

 

Consciente des difficultés à faire rentrer dans leur pays d’origine des Africains qualifiés, l’Organisation internationale des migrations (OIM) a lancé en 2002-2003, la phase pilote d’un projet intitulé Migration pour le développement en Afrique (Mida). Il a été conduit en RD Congo, au Rwanda et au Burundi avec les communautés de ces trois pays installées en Belgique. L’objectif était de faire retourner pour un bref séjour chez eux des nationaux qui connaissent bien les habitudes et les besoins de leur pays afin de favoriser un transfert de compétences. L’OIM, par ce programme, se veut pragmatique : il est rare que les émigrés se réinstallent dans leur pays. “Chercher un retour définitif était un peu rigide, concède Jean-Philippe Chauzy, porte-parole de l’OIM à Genève. Souvent, les émigrés veulent faire bénéficier leur pays de la formation qu’ils ont pu acquérir à l’étranger. Mais les enfants vont à l’école, la famille est installée dans le pays d’accueil, on ne peut pas tout lâcher.”

Étaient visés par le MIDA les secteurs de l’éducation, de la santé, les petites entreprises du secteur privé et les ONG. En deux ans, 159 missions de deux à trois mois ont été organisées. L’OIM ne fait que jouer les intermédiaires et assure seulement la couverture des frais de séjour à raison de 50 EUR par jour. L’institution bénéficiaire ou un ministère paie un salaire local au visiteur et lui fournit un logement. Si possible…

Mais si ces brèves missions renforcent ponctuellement les forces de travail, il y a encore un grand pas à franchir pour transmettre durablement des savoirs faire. “J’ai passé deux mois dans un hôpital du Rwanda en 2003. Je ne sais pas quel impact à long terme a eu mon travail. Quand je suis partie, le directeur de l’hôpital m’a demandé d’envoyer quelqu’un d’autre”, raconte Geneviève Kantarama, une pédiatre rwandaise qui vit en Belgique depuis dix ans avec ses trois enfants.

“Nous permettons à une offre de compétences de rencontre une demande qui émane de la région des Grands Lacs, commente Laurent De Boeck, du bureau bruxellois de l’OIM. Mais nous devons revoir la méthode. L’impact à long terme n’est pas encore assuré.”

 

Fabrice Boulé

InfoSud-Syfia

 


 

 

Médecins étrangers nécessaires mais discriminés

 

Chez nous, les professionnels de santé étrangers peinent à tirer leur épingle du jeu dans un dédale administratif et juridique volontairement discriminatoire.

 

Tous les facteurs qui, au Sud, incitent à l’exode, se conjuguent avec une demande de plus en plus forte de la part des pays industrialisés vieillissants. L’Afrique du Sud a lancé un appel au gouvernement du Canada pour qu’il renonce à recruter du personnel médical originaire de son pays. Mais la donne se renforce. En 2002, le Royaume-Uni a accueilli 38 % de médecins étrangers de plus qu’elle n’en recevait neuf ans plus tôt, révèle Delanyo Dovlo, qui se fonde sur les chiffres du Conseil médical général britannique. D’après lui, l’Angleterre aura besoin à elle seule, en 2008, de 25.000 docteurs et de 250.000 infirmiers de plus qu’en 1997. “Il y a d’une part la baisse de la natalité et, d’autre part, le vieillissement de la population qui accroît le nombre de personnes âgées à prendre en charge”, explique une étude sur La fuite des compétences en Afrique francophone, publiée par l’Unesco en mars 2004. Les conditions de travail et les salaires, jugés insuffisants, détournent les nationaux des professions médicales.

Ces postes vacants sont remplis par des travailleurs de la santé africains précarisés par l’absence de reconnaissance de leur diplôme d’origine. S’il veulent exercer sur le territoire belge, au titre de leur formation, ils doivent être porteur d’un diplôme au grade légal et non scientifique. Ce qui en clair signifie qu’ils doivent avoir effectué toutes leurs études en Belgique, en tout cas la majorité. En médecine, il n’y a pas de passerelle qui tienne. “Peut-être auront-il une équivalence délivrée pour les candidatures, tout se déroule au cas par cas selon l’avis du conseil scientifique”, précise l’Ordre des médecins. La plupart de ces médecins et travailleurs de la santé se retrouvent dès lors dans des postes en dessus de leurs qualifications d’origine et de leur expérience, que les Européens fuient, telles les aide-soigant(e)s dans des maisons de retraite. Ils n’ont que rarement les moyens d’entamer à nouveau une formation.

Paradoxalement, donc, tout est fait pour que les médecins des pays du Sud qui se forment chez nous retournent exercer dans leur pays (“il y a déjà tant de médecins en Belgique”, précise l’Ordre), alors que par ailleurs, ils sont parfois demandés pour certaines fonctions. Aujourd’hui, ce sont aussi les infirmières d’origine africaine qui remplissent les salles de classe des écoles et comblent le déficit en personnel, mais dans les fonctions les moins attrayantes.

C’est le service public qui tire son épingle du jeu. Ses budgets sont réduits et il est plus intéressant pour un hôpital d’employer un spécialiste étranger sous-rémunéré plutôt que de le titulariser avec un salaire adapté, indique en substance le numéro de septembre-octobre 2004 de Migrations et Sociétés, la revue du Centre d’information et d’étude sur les migrations internationales.

Pourtant rares sont ceux qui veulent rentrer car, malgré tout, ici reste mieux que là-bas. Jean-Paul Nliba, qui avait eu “le projet de monter une structure au Cameroun”, a vite été découragé par l’ampleur de la corruption et “la difficulté de bien travailler dans le désordre ambiant, avec le manque de formation, d’encadrement et de suivi, malgré la présence de médecins très brillants”.

 

Maude Malengrez

InfoSud (avec les correspondants Syfia)

www.syfia.info

 

Réagir à cet article

Retour à l'index

"Coopération"

haut de page