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Coopération (15 mars 2007)

 

Les mutuelles de santé progressent dans la région des Grands lacs

A l’est du Congo, les mutuelles de santé aimeraient bien pouvoir couvrir aussi les soins courants, grâce à un appui belge. Les Rwandais, eux, obligés d'adhérer aux mutuelles de santé, n'hésitent plus aujourd’hui à se faire soigner. Du coup, les structures sanitaires sont débordées par l'afflux des malades.

"Cela fait dix ans que je verse ma contribution annuelle à la mutuelle de santé d’Idjwi, mais je n’ai jamais reçu aucun service en retour", se plaint Isaac Buchekabiri, premier secrétaire, en 1996, du premier comité de gestion de la mutuelle de santé de Monvu. Jules Ntabe, membre de la mutuelle de Kalehe, renchérit: "Depuis 1996, je cotise chaque année. Mais je ne suis pas encore tombé malade, et bien que membre, je n’ai donc bénéficié d’aucun avantage". Sans le savoir, il donne pourtant lui-même la réponse à son inquiétude: "J’ai constaté que dans la mutuelle de santé, ce sont les plus forts qui soutiennent les faibles."

Cotiser sans certitude de contrepartie: l’idée n’est pas toujours bien perçue, quand on a des revenus limités. Aussi, certains renoncent-ils: "Ma mère, explique Adrien Ntega, a cotisé de 1998 à 2005. Comme elle n’est pas tombée malade tout ce temps, elle a interrompu sa contribution." Pour le regretter aussitôt: "Elle est tombée malade en 2006 et en est morte." Pour l’instant, c’est malheureusement la règle: seuls les frais d’hôpital sont couverts. Si "l’adhésion à la mutuelle de santé est libre, elle conditionnée par le paiement de 2$ par mois. Ensuite, lorsqu’ils sont hospitalisés, les membres paient 20% de la facture et la mutuelle prend en charge les 80% restant. C’est le seul service à en attendre", confirme Jean-Pierre Mola, superviseur des mutuelles en milieu rural pour le Bureau diocésain des œuvres médicales (Bdom).

 

Satisfaction par-ci, grogne par-là

Dans la région, l’implantation des mutuelles a débuté auprès des 12 institutions de santé du territoire insulaire d’Idjwi, pris comme région test; soit 150.000 habitants. Les territoires de Kalehe et Kabare, la chefferie de Luhwinja et Nyantende ont suivi avec la même approche. A Idjwi, les mutuelles de santé ont été une initiative catholique, avec l’appui de la Mutualité chrétienne belge. Elles ont connu une adhésion massive parce que "dans une contrée où la population est sans emploi rémunérateur, la mutuelle de santé était bienvenue", témoigne Brigitte Binego, de la mutuelle de Birava, qui a bénéficié des soins après une hospitalisation pour hypertension. Cela n’a pas empêché les adeptes d’autres confessions religieuses d’en devenir membres car, explique Samuel Nsinanyofi, un pasteur protestant, "la santé ne tient pas compte de la religion".

A la satisfaction de beaucoup, comme Alain Bigabwa, de la mutuelle de Luhwinja: "Je suis père de dix enfants, je ne me serai jamais tiré d’affaire sans cette noble mutuelle de santé qui me permet de couvrir les soins lorsqu’une personne de ma famille est hospitalisée, ce qui arrive à peu près une fois par semestre". Mais d’autres confondent les terrains, et y voient un problème religieux: "Depuis neuf ans que j’ai adhéré avec ma famille de sept membres, nous ne sommes plus tombés malades, rétorque Bazi Bigabwa, pasteur d’une Eglise du réveil. Nous contribuons dès lors aux activités de l’Eglise catholique, sans en retirer le moindre avantage". Parfois, c’est la distance qui joue: "Les centres de santé sur l’île d’Idjwi sont à 25 km d’ici. Nous préférons donc nous faire soigner à Kibogora, près de Cyangugu, au Rwanda", signale Godé Nyampeta, un pêcheur. Mais là, évidemment, pas question de faire intervenir les mutuelles de santé d’Idjwi.

 

Un vaste programme d’appui

 

 

 

Grâce au partenariat avec la Mutualité chrétienne de Hainaut-Picardie,
les mutuelles de santé s'étendent au
Sud Kivu comme ici à Nyantende,
qui compte maintenant plus de 3000 membres.

 

Les responsables des mutuelles de santé connaissent bien ce genre de réticences, et envisagent une solution avec l’aide de "la Mutualité chrétienne de la région de Hainaut-Picardie qui a de l’expérience dans cette matière", note Vital Barholere, un ancien agent du Bdom. Cela fait dix ans, en effet, que la mutualité belge appuie ses homologues du Sud Kivu.

"Nous savons que 10 à 12% seulement des cotisants ont recours à l’hôpital, explique Jacques Varrasse, le responsable de la coopération internationale à la Mutualité chrétienne de Hainaut-Picardie. Donc, plus de 85% n’en retirent que la satisfaction d’être solidaires. Mais ils pourraient à l’avenir bénéficier d’une extension de l’assurance. En effet, nous envisageons d’intervenir aussi pour les soins dits ambulatoires, à savoir les visites médicales et les médicaments."

Seule condition: les ressources des mutuelles de santé locales doivent augmenter. "Il nous faudrait 50 à 60.000 adhérents, au lieu des 21.000 actuels", ajoute Jacques Varrasse. D’où la nécessité d’une campagne de sensibilisation, mais aussi d’une action sur les revenus des familles. La mutualité de Hainaut-Picardie a donc élaboré un vaste programme, soutenu par la coopération belge, qui inclut à la fois la sensibilisation à l’idée mutuelliste et des politiques de crédit aux familles. Un programme financé par la coopération gouvernementale belge (DGCD), et pour lequel le Hainaut assumera les responsabilités de suivi administratif et financier."Entre la médecine étatisée et les assurances privées, conclut Jacques Varrasse, nous souhaitons un pacte social qui associe les pouvoirs publics et la société civile."

 

Adhésion obligatoire

De l’autre côté du Lac Kivu, au Rwanda, ce pas a déjà été franchi. Depuis deux ans, l'adhésion à une mutuelle de santé est obligatoire pour tous et est une condition sine qua non pour obtenir d’autres services administratifs. La prime individuelle qui variait suivant les régions, est désormais de 1000 Frw (2$). Elle permet de se faire soigner en ne payant que le ticket modérateur, soit 10% du coût des médicaments, des consultations ou d'une hospitalisation. Et à partir de 2007, le carnet familial sera remplacé par une carte individuelle ce qui permettra une plus grande souplesse.

Aujourd'hui, 73% des huit millions des Rwandais adhèrent à cette assurance maladie contre 27% en 2004. Du coup, cette année, les demandes des services médicaux ont doublé : six Rwandais sur dix consultent le médecin au moins une fois par an. Selon le ministère de la Santé, "chaque centre de santé, qui ne recevait qu’une trentaine de malades par jour, en reçoit une bonne centaine actuellement". La quasi-totalité des formations sanitaires publiques et privées agréées sont débordées. Le personnel soignant doit souvent travailler au-delà des heures de service pour soigner les nombreux patients. Rassurée par la prise en charge de ces soins, la population n’a plus peur d’aller consulter. Dans le district de Ngororero, province de l’Ouest, on a même créé des comités de transport des malades à l’hôpital pour que tous puissent y accéder.

Les files d’attente sont dès lors fréquentes. Au centre de santé de Biryogo, à Kigali, c’est dès 4 heures du matin que la cour intérieure est pleine à craquer. Les gens se pressent devant la réception pour ne pas se laisser devancer par les derniers arrivants. Ce sont des personnes bien portantes levées tôt, qui gardent la place des malades qui arriveront, eux, vers 8 heures quand débutent les services médico-sanitaires. "Plus on vient tard, plus on risque de rentrer chez soi sans se faire soigner ou sans médicaments", explique un jeune homme au premier rang devant la porte de consultation, venu attendre pour sa mère malade.

"Cette affluence est due au fait qu’aujourd’hui une grande partie de la population rwandaise peut se faire soigner, grâce à la solidarité des mutuelles de santé", commente Hertilan Inyarubuga, responsable de la cellule technique d’appui aux Mutuelles de santé au ministère de la Santé.

 

Même les indigents…

Mais toute médaille a son revers. En dépit de la devise de ces mutuelles solidaires "la qualité et la disponibilité des soins pour tous", les longues files d'attente devant les portes des centres et les pharmacies découragent les patients. Ils se plaignent de l’insuffisance et du retard des services. "Le personnel soignant traite en priorité les cas urgents, les accidentés ou les fiévreux", précise le docteur Paul Mahoro, coordinateur des centres de santé agréés. Les hôpitaux aussi sont surchargés. Souvent deux malades sont obligés de partager un même lit.

Malgré ces difficultés, la population, qui a adhéré à cette assurance maladie à marche forcée, s’en félicite aujourd'hui. "Maintenant, on ne partage plus entre plusieurs la dose prescrite pour une personne", témoigne Athanase de Butamwa du district de Nyarugenge dans la capitale. Auparavant, faute d'argent pour payer le médecin, un malade se faisait prescrire des médicaments et les partageait avec les membres de sa famille ou les amis malades. "Même les indigents n’attendent plus la mort dans leurs lits", remarque un animateur de santé de Bugesera, à l'Est. Les familles les plus pauvres, reconnues comme telles par la communauté, reçoivent des cartes de mutuelle gratuites. Leurs primes sont versées au district par le ministère qui a, en 2006, débloqué plus de 1,5 milliard de Frw (3 millions de $) pour la contribution de plus de 800.000 nécessiteux.

Mais tous ne comprennent pas le fonctionnement des mutuelles et certains vont consulter pour rien, histoire de dépenser ce à quoi ils estiment avoir droit, encombrant inutilement les centres de santé.

Victimes du succès de ces mutuelles, les centres et le personnel de santé sont aujourd'hui débordés. En 2007, un Institut supérieur des infirmiers devrait voir le jour, pour accroître le nombre des soignants formés. Quant aux structures sanitaires, les concepteurs de cette assurance estiment que les recettes perçues par les mutuelles permettront d'accroître leur nombre et de s’approvisionner en matériel. Une nécessité qui devient urgente car "les mutuelles de santé constituent une réussite du gouvernement, remarque le coordinateur des centres de santé agréés, mais il faut les protéger."

 

Thaddée Hyawe-Hinyi et
Albert-Baudouin Twizeyimana
InfoSud - Syfia Grands Lacs


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