Coopération
Bénin
A Cotonou, ça roule pour la mutualité !
Sur la route venant du Togo, entre Grand
Popo et Cotonou, la capitale, le voyageur ne peut manquer de s’interroger
sur la présence de nombreux drapeaux blancs hissés à l’entrée des
concessions. Signe marquant la présence de familles de réfugiés ? « Pas
du tout », répond notre hôte, surpris. Ils signalent qu’un féticheur est
entrain «de travailler ». Le ton est donné. C’est que le Bénin est le
berceau du culte vaudou.
Notre
hôte au Bénin est le coordinateur local du Programme d’appui aux mutuelles
de santé en Afrique, initié par les Mutualités Chrétiennes et Solidarité
Mondiale : Aboubakar Koto-Yerima, dit « le chef de village ».
Les médias, quatrième pouvoir ?
Koto jouit d’une popularité étonnante à
Cotonou. Partout où nous arrivons, il est salué comme une vieille
connaissance. L’explication ? Responsable d’une ONG béninoise qui mène
des activités d’éducation civique, le Centre Afrika Obota, Koto anime
depuis deux ans une émission de télévision. Ce n’est pas étonnant, car
dès la convocation de la «Conférence Nationale du Bénin » en 1990, les ONG
de la « société civile » se sont fortement impliquées dans le processus de
démocratisation. Ce processus reste l’un des exemples africains les mieux
réussis de transition pacifique. Même si, ironie de la démocratie,
l’ancien Chef d’Etat battu lors des élections de 1991, Mathieu Kérékou,
dit le « Caméléon », est revenu au pouvoir par les urnes cinq années plus
tard ! Quant à l’émission en question, il s’agit d’une sorte d’ «Ecran
Témoin » à la sauce africaine : « Entre nous ». Des sketches comiques
mettent en scène des situations de la vie quotidienne, en prélude à un
débat plus sérieux regroupant des spécialistes du sujet. Koto y campe un
vieux sage plein de bon sens et de judicieux conseils, «Gangban », chef du
village de Dounia. L’émission est l’une des plus prisées du Bénin, car
elle parvient à rejoindre les gens dans leurs préoccupations quotidiennes.
Cette popularité nous a même valu
d’échapper à la vindicte d’un contrôle routier à la sortie de Cotonou.
Bien décidé à s’acharner sur notre taxi qu’il avait fait ranger sur le
bord de la route, le gendarme scruta les passagers d’un air sévère, puis
subitement s’esclaffa « Chef de village, Bonjour ! », puis nous invita
avec un large sourire entendu à reprendre notre route. Les médias,
quatrième pouvoir du Bénin ?
Centre Afrika Obota
Afrika
Obota est une expression bantoue qui désigne « l’Unité africaine ». C’est
aussi le nom d’une ONG béninoise de recherche et d’appui au développement,
qui fonde ses actions sur une prise en compte de la dimension culturelle
du développement. Elle est principalement active dans le domaine de la
communication (radios rurales, programmes d’éducation civique) et de la
promotion de la santé. Afrika Obota est le partenaire du programme
d’appui aux mutuelles de santé en Afrique. Suite à un programme de
formation de trois ans mené en partenariat avec le Bureau International du
Travail (BIT), les Mutualités Chrétiennes et Solidarité Mondiale ont
décidé de renforcer leur présence sur le terrain en recrutant trois
«conseillers en mutuelles de santé » au Sénégal, au Burkina Faso et au
Bénin. Ces conseillers sont chargés de stimuler et d’accompagner la
création de mutuelles de santé et la mise en œuvre d’un réseau national de
mutuelles de santé. A cette fin, ils mènent des actions de promotion et de
sensibilisation, des activités d’animation du réseau, des activités de
formation des responsables mutualistes et des activités de conseil auprès
des mutuelles. Ils assurent également la mise en oeuvre et le suivi des
partenariats entre mutuelles de santé africaines et européennes.
Promouvoir le
travail en réseaux
Un premier
succès à l’actif du programme a été la mise sur pied d’un comité national
de concertation et d’appui aux mutuelles de santé, lancés par le réseau
béninois des formateurs en mutualités. Ce comité regroupe différents
promoteurs de mutualité et les principaux bailleurs de fonds du domaine de
la santé (OMS, FED, Coopération belge, française, suisse, allemande,…).
Ce groupe de travail constitue un cadre permanent d’échange d’expériences
et un cadre d’orientation pour les nouvelles initiatives prises au Bénin.
Cet effort de synergies entre les différents acteurs est remarquable, car
il n’est pas évident d’amener autour d’une même table et sur une même
longueur d’ondes des institutions avec des objectifs et des moyens si
différents, et des stratégies d’intervention si variées.
Profession : conducteur de Taxi- Moto
La profession de conducteur de taxi-moto est une
particularité du Bénin. Les « Zémidjan » y sont un véritable phénomène de
société. On estime leur nombre à environ 80.000 personnes, soit deux
fois plus que les agents de la fonction publique. Dans les villes, on les
rencontre à tous les coins de rue. On les reconnaît à leur célèbre
chemise jaune, sur laquelle est peint un numéro d’identification. Les
taxis motos sont le moyen de transport le plus rapide et le plus
économique dans les embouteillages de Cotonou (100 F CFA, soit 6 FB la
course). Ils jouent pratiquement un rôle de service public en matière de
transport urbain. En effet ils remplacent efficacement les réseaux
d’autobus inexistants. De plus ce secteur du taxi moto a une fonction
économique et sociale de premier ordre, puisqu’il absorbe la majorité des
jeunes diplômés sans emplois, qui n’hésitent pas à se lancer comme taximan
dans l’attente d’un emploi plus en rapport avec leurs qualifications. Son
essor à partir de 1987 a d’ailleurs coïncidé avec le gel des recrutements
dans la fonction publique, décrété comme mesure du programme d’ajustement
structurel.
Et pourtant les «Zémidjan » sont régulièrement menacés de
mesures d’interdiction par les pouvoirs publics, à cause des nuisances
liées à leur nombre : une pollution incroyable dans la ville de Cotonou,
des embouteillages à toute heure, et un nombre élevé d’accidents de
roulage. La menace restera sans doute théorique, car ce secteur, comme
souvent dans l’informel, supplée la défaillance des pouvoirs publics en la
matière. Tout le monde en a conscience. En outre, les conducteurs de
taxis motos forment une corporation avec un fort esprit de solidarité.
Ils partagent les mêmes conditions de travail pénibles, et les mêmes
risques d’accidents. Ils se sont d’ailleurs regroupés en un syndicat qui
regroupe près de 4.000 membres effectifs : l’UNACOTAMO. Comprenez :
« l’Union nationale des conducteurs de taxis motos ».
Créée en 1995, l’UNACOTAMO a un programme ambitieux. Elle
se donne pour objectif de «défendre et sauvegarder les intérêts
matériels, moraux et professionnels de tous les conducteurs de taxi-moto
en République du Bénin ». Pour concrétiser ces objectifs, les idées
originales foisonnent. Un ensemble d’actions prioritaires a été défini
dans le domaine de la sécurité sociale, de la santé et de la formation des
adhérents. Au niveau de la sécurité sociale, l’UNACOTAMO entend imposer un
contrat de travail type dans le secteur, car la plupart des conducteurs ne
sont pas propriétaires de leur taxi-moto, et elle envisage la constitution
d’une caisse de retraite. La formation mettra l’accent sur une série de
conditions d’ «accès à la profession », telles que l’exigence du permis de
conduire et du port du casque et le projet de création d’une moto-école !
La mutuelle de santé des « Zémidjan »
On le voit,
la logique de la formation est articulée sur la prévention des accidents
de la route. Mais l’UNACOTAMO va plus loin : en plus de son programme de
prévention, elle développe aussi des actions dans le domaine des soins de
santé. Grâce à un financement des syndicats chrétiens hollandais, l’UNACOTAMO
a inauguré en octobre 1998 sa clinique coopérative «Economica Santé ». Ce
centre de santé intégré situé à Calavi, à 30 km de Cotonou, est ouvert 24
h sur 24 grâce à un système de garde organisé par les trois médecins du
Centre.
Le Centre de santé est ouvert aux membres de l’UNACOTAMO et
aux habitants du quartier. Le paiement se fait à l’acte, mais une formule
d’abonnement mutualiste est également proposée. La cotisation
hebdomadaire ou la carte de fidélité annuelle donnent droit aux
consultations gratuites et à une diminution de 20% sur le coût des soins.
Le Centre de santé dispose également d’un dépôt pharmaceutique où sont
vendus une centaine de médicaments génériques et essentiels.
Le potentiel d’adhésion est important, car l’Union a des
relais dans toutes les gares de la ville et de la banlieue de Cotonou. La
sensibilisation doit être menée dans les différentes gares de taxis-motos
pour y créer des caisses primaires. A l’instar du Centre Afrika Obota et
du Comité de concertation aux mutuelles, l’UNACOTAMO bénéficiera de
l’appui de Solidarité Mondiale et des Mutualités Chrétiennes pour
l’encadrement du mouvement mutualiste naissant, et pour l’appui à la
gestion du centre de santé.
Outre ces projets en milieu urbain, l’appui des Mutualités
Chrétiennes portera aussi sur la création de mutuelles en milieu rural.
Trois projets sont actuellement à l’étude, respectivement dans la zone
cotonnière au Nord du pays, dans une région où « Afrika Obota » encadre
des groupements féminins, et plus tard dans la région du Mono, qui
bénéficie d’un important projet de la coopération belge dans le domaine de
la santé et du développement rural. Dans sa nouvelle fonction,
Koto-Yerima, alias «Gangban, chef de village », a de nombreux fers
au feu !
Dominique EVRARD
Burkina Faso
·
Superficie : 112.000 km²
·
Population : 5,5 Millions
d’habitants
·
Taux de croissance
démographique : 3,1% par an
·
Croissance du PIB : entre
5 et 9% entre 1990 et 1994.
·
Dépenses publiques de
santé : se situent autour de 1,5$ /hab (+ 50 FB). Elles ont diminué
de 6% du budget national en 1985 à 2,5%
en 1994 (L’OMS recommande entre 6
et 10%)
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