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International (16 février 2012)

Une femme de tous les combats

©  Magali Roman

Solange Lusiku, journaliste congolaise, est aux anges. Le 2 février dernier, son combat pour la liberté d’expression et le droit des femmes en République démocratique du Congo (RDC) a été récompensé par l’Université catholique de Louvain, via un titre de Docteure honoris causa. La façon dont son journal indépendant est fabriqué, aujourd'hui encore, laisse pantois et force l'admiration.

Cette jeune femme, originaire du Sud Kivu, a tout d’une battante. Editrice responsable du journal indépendant Le Souverain, elle s’implique pleinement dans son combat. Révoltée dans sa jeunesse vécue sous le régime dictatorial de Mobutu, elle s’est forgé un caractère de militante avec, pour chevaux de bataille, la liberté d’expression et le droit des femmes. “La République démocratique du Congo est empreinte d’un système patriarcal dans lequel les femmes ont peu d’espace pour s’émanciper, explique la jeune Docteure honoris causa. De plus, dans cette démocratie naissante, dire haut et fort ce que l’on pense reste risqué.” Signe qui ne trompe pas: depuis 2005, l’Union nationale de la presse du Congo a déploré l’assassinat de huit journalistes, tous commis dans la région du Sud Kivu. Être femme dans cette profession présente donc un double danger.

Une femme de parole

Je me suis accrochée pour m’épanouir dans ce métier et honorer mes promesses. L’éditeur précédent avait un rêve: pouvoir un jour imprimer Le Souverain. Il est décédé avant que cela soit possible. Il m’a confié son projet et je me devais de le réaliser.” Mais à quel prix! Menaces sur sa famille, épargne familiale mise à contribution, etc. La presse congolaise ne recevant pas de subsides de l’Etat et Le Souverain se voulant totalement indépendant, l’affaire a été lancée avec peu de ressources. “Beaucoup – tant dans la profession que parmi les autorités – ont essayé de me décourager. Comment une femme allait-elle réussir là où les hommes avaient échoué?” En RDC, la pratique des pots-de-vin versés aux médias est monnaie courante, muselant ainsi la presse. Les journalistes s’autocensurent pour faire plaisir au pouvoir ou bénéficier de certaines protections. La déontologie que s’impose Le Souverain interdit d’entrer dans ce jeu, d’être instrumentalisé par le pouvoir et de servir celui-ci comme outil de propagande. L’équipe de journalistes bénévoles écrit donc indépendamment de toutes influences.

Un combat de tous les jours

Après des balbutiements, ce journal papier – imprimé à 500 copies – a reçu tout de suite un vif engouement des Kivutiens. Même si le tirage peut paraître faible, chaque exemplaire passe de mains en mains pour être lu par plus d’une centaine de personnes. “Les nostalgiques des années 60, des étudiants, des membres d’organisations non gouvernementales… nous lisent avec intérêt. Les sujets que nous traitons sont nombreux. Même si l’ancrage local est primordial, nous abordons également la politique nationale ou celle des Grands Lacs (Afrique centrale).” Faute de moyens, l’impression de ce mensuel est parfois compromise: en 2011, seulement quatre numéros ont pu voir le jour. Mais le chemin que doit prendre le journal avant d’être imprimé n’est pas simple. “Pour l'instant, nous n’avons pas d’imprimerie dans la région. Au début de ma prise de fonction, je partais une fois par mois à Kinshasa avec les articles stockés sur une clé USB. A plus de 2500 km de Bukavu, j’imprimais les journaux et je revenais dans ma région avec le produit fini. Tout cela coûtait cher et prenait du temps. Aujourd’hui, nous avons trouvé une solution plus confortable mais pas optimale. Nous nous déplaçons jusqu’à Bujumbura (Burundi) pour l’imprimer. Mais la traversée des frontières reste dangereuse, d’autant que nous voyageons au retour avec les imprimés qui pourraient parfois nous mettre en danger au vu de leur contenu.

La MC, partenaire du “Souverain”

L’avenir s’annonce sous de meilleurs auspices. Le Souverain reçoit le soutien de nombreux partenaires belges, dont la Mutualité chrétienne Hainaut Picardie. Notamment grâce à celle-ci, une rotative belge est en route vers Bukavu. Ce qui garantira une impression de qualité sur place et un tirage plus régulier pour le journal de Solange Lusiku, mais aussi pour d'autres associations et médias locaux.

Un homme sous-informé est un danger public”, conclut Solange Lusiku, consciente du rôle important qu’elle joue dans la société congolaise grâce à son métier d’information. “Dans un pays où on peut mourir tous les jours sans avoir pris de risque, autant mourir pour le risque de ses idées, un combat d’utilité publique…” Après Aung San Suu Kyi (femme politique birmane), Marjane Satrapi (scénariste- dessinatrice iranienne), Solange Lusiku rejoint ainsi d’autres grandes dames honorées du titre Docteur honoris causa de l’UCL. Toutes ont élevé leur voix pour la liberté d’expression ou le droit des femmes.

// VIRGINIE TIBERGHIEN


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