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Théâtre  (22 janvier 2015)

Djihad, entre humour et tragédie

© Elyes Devil

Trois jeunes décident de partir en Syrie pour donner sens à leur vie. De Schaerbeek à Homs en passant par Istanbul, le périple sera l'occasion, pour eux, de dévoiler leurs rêves, d'interroger leurs certitudes et de se confronter à une réalité qu'ils ne soupçonnaient pas… Un spectacle qui réussit le pari difficile de faire rire et réfléchir sur un sujet grave et sensible.

Un jour, Ismaël Saidi entend à la télévision Marine Le Pen, présidente du Front National, dire qu'il n'y a pas de souci à ce que des jeunes partent faire le djihad au nom de l'Islam, à condition qu’ils ne reviennent pas. "Pour moi, le problème est au contraire qu'ils partent, lance l'auteur et comédien belgo-marocain. Ça m'a décidé à écrire une pièce pour faire réfléchir à ce qu'est vraiment le djihad. En utilisant l'humour comme catalyseur du drame qu'il représente". Un humour effectivement salvateur, rassembleur, voire même thérapeutique dans le contexte actuel.

Ben, Reda et Ismaël sont les trois personnages de l'histoire qui sert de fil rouge pour faire tomber les clichés et changer les regards. Comme pour montrer que tout le monde est susceptible d'être influencé, manipulé, recruté, chacun des trois protagonistes porte le prénom de celui qui l'interprète sur scène. Leur profil est d'ailleurs bien différent. Ben est l'idéologue, le meneur qui aide ses acolytes à tenir le coup. Reda est le rêveur naïf, l'idéaliste au cœur tendre, parti pour sauver femmes et enfants. Ismaël, lui, est le révolté, le torturé qui ne se sent pas chez lui à Bruxelles et se fait accusateur d'une société qui exclut et stigmatise ceux à qui elle continue de parler d’intégration alors qu'ils sont nés sur le sol belge.

Pendant plus d'une heure quinze, on suit ce trio dans son voyage jusqu'au bout de lui-même et de la vie. On sourit et rit beaucoup tant sont truculents les mimiques, vannes, dialogues décalés et autres joutes verbales. De manière très subtile et sans jugement aucun, celles-ci font mouche. Morceau choisi : "Mon frère, tu t'appelles Michel et tu vis en Syrie depuis toujours ? Michel, ce n'est pas un prénom pour un musulman !" Réponse de Michel : "Mais je suis chrétien… Et vous vous n'avez pas une tête à venir de Belgique !" S'ensuit une discussion animée au sein du trio sur ce qu'il y a lieu de faire de cet homme qui vient de voir mourir sa femme sous les tirs d'un snipper. "C'est notre ennemi alors mais on ne va pas tuer celui avec lequel on a partagé nos sandwiches. Pourquoi d'ailleurs est-ce notre ennemi ?"

L'humour se glisse également dans les jeux de scène, évoquant l'absurdité des choses et exorcisant les peurs. La scène où Ben profite de son rôle de garde la nuit, pour "se lâcher" et revivre la magie d'Elvis Presley entre ses écouteurs est particulièrement touchante et symbolique d'une vie déchirée entre deux cultures… Mais quand la mort vient rendre visite aux trois jeunes gens, la comédie se transforme en tragédie. Et le rire laisse la place aux serrements de gorge et aux larmes. Fragiles et crédules, ces jeunes cherchaient le paradis. En Syrie, ils ont trouvé l'enfer. Ils se disaient prêts à mourir en martyrs. Mais quel sens cela a-t-il ? Lorsque les désillusions explosent en même temps que les corps, l'heure est venue de remettre de l'ordre dans sa tête. "On nous a menti, pleure Ismaël, à la fin de la pièce. On a été manipulés par cette société qui nous dénigre, qui n'investit pas dans les écoles pour nous apprendre notre civilisation (…). Les nôtres aussi nous ont menti. Le Coran ne nous parle que d'amour. Ne tombons pas dans la haine. Aidez-moi, aidez-moi !" Tout est dit. Magistralement.

//JOËLLE DELVAUX

>> Djihad, un spectacle d'Ismaël Saidi • avec Ben Hamidou, Reda Chebchoubi, Ismaël Saidi et Shark Carrera • Du 26 janvier au 4 février à 20h30 (dimanche à 15 h) à l’Espace Pôle-Nord à 1000 BXK. Le spectacle venant d'être reconnu d'utilité publique, des séances scolaires et grand public seront bientôt programmées. Infos : www.facebook.com/djihadlespectacle

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