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Au jardin de mon père… (5 juin 2003)

Mon père a toujours été amoureux de la nature. Et cet amour, il nous l’a transmis, à nous, ses trois filles. Dans mes souvenirs d’enfance, il y avait déjà une place pour jardiner avec lui, cueillir les fruits, faire la gourmande aux groseilles vertes, désherber autour des petits légumes qui n’attendaient qu’un geste pour s’épanouir. Un jour, il m’a raconté qu’à l’âge de cinq ans, j’avais cueilli pour maman un bouquet de fleurs de fraisiers. C’était si spontané qu’il n’avait pu me gronder. Papa nous soulevait sur ses épaules pour atteindre les belles cerises noires. Avec lui, nous cherchions les coccinelles se nichant dans les fleurs de pommiers. Quand nous étions introuvables, lui connaissait notre petit coin. Nous suivions les courses d’escargots glissant sur les feuilles de rhubarbe. Les pommiers, dirigés en gloriette, nous abritaient lors des bonnes pluies d’été. Au fil des années, le jardin embellissait car papa y avait planté des arbustes décoratifs, des arbres nobles. En toutes saisons, que de belles couleurs ! Il y passait des heures après son travail. Il enseignait la musique et je crois que pour lui, tout était art. Ce contact direct avec la nature était une réelle détente. A chaque saison, le rythme de travaux reprenait. Toujours, il était intéressé par de nouvelles plantes, d’autres découvertes, d’autres cultures. Au printemps, c’était l’extase devant les fleurs de pommiers, de pêchers, de cerisiers. Quand le vent éparpillait les pétales, j’appelais cela la neige en fleurs. Au début de chaque hiver, il préparait le régal des oiseaux en détresse : colliers d’arachides soigneusement enfilées, petites boules de graines suspendues de-ci, de-là. Et quelle récompense quand, à la saison du renouveau, les mésanges installaient leur nid dans les nichoirs fabriqués de ses mains d’artiste. Papa nous appelait et nous signifiait, le doigt sur la bouche pas de bruit, venez voir. Il restait parfois une heure à regarder le va et vient de ces petites créatures nourrissant leurs oisillons. Un beau souvenir me revient encore ! A la saison des fraises chouchoutées dans un écrin de paille, maman déposait sur la table le dessert le plus succulent. Papa, un instant, stoppait notre gourmandise et disait Remercions le Seigneur pour ces merveilles de la nature. Et il ajoutait l’œil taquin Et n’oubliez pas le jardinier ! Les années ont passé. Nous avons quitté la maison et son jardin pour fonder une famille. A chacune de nos visites, papa nous comblait de ses récoltes en garnissant nos paniers de bons légumes accompagnés souvent d’un bouquet de fleurs de saison. Fier et heureux et de faire plaisir, il glissait ça et là la touffe de basilic, la branche de romarin aux feuilles argentées, les grosses tomates un peu crevassées et savoureuses. Et ses conseils étaient les bienvenus. N’oubliez pas, disait-il, la petite branche de céleri dans le potage aux tomates : quel beau mariage ! Quand l’un de nous toussotait, il partait au potager et en revenait avec une branche de thym, nous expliquant comment préparer cette bonne tisane parfumée au miel. Vous m’en direz des nouvelles disait-il. J’allais oublier les poires de coing, les bégonias, les géraniums, les pois de senteur, le cerfeuil odorant, la petite serre aux jeunes laitues. J’ai encore des souvenirs, des images, des senteurs. Son jardin, je l’ai dans le cœur… Il y a un an, à la saison des crocus et des jonquilles, à la veille de son anniversaire, papa nous a quittés pour toujours. Il aurait aujourd’hui 85 ans. Quelques semaines avant d’aller retrouver maman, il m’a dit d’une voix bien affaiblie: “tu sais ma fille, cette année je ne pourrai plus tailler ton pommier du japon”. Ses yeux en disaient long… Cet été, mon pommier a fleuri tout rose, plus beau que jamais. Je ne l’ai pas encore taillé… Pourtant j’ai un sécateur… Quand je me promène maintenant dans son jardin, je marche lentement, je le cherche, je me souviens… Il y a toujours des fleurs, des arbres, des légumes. Je guette le chapeau de paille entre les framboisiers et le petit signe de la main. Les fraises tardives étaient délicieuses… En décembre, mamy cueillera la branche de forsythia pour l’aider à fleurir à Noël. Je passe devant la petite serre un peu vide, dont il avait son laboratoire pendant des années. Elle sent bon le terreau humide. J’aime cette odeur. Ses sabots de jardin sont là. Merci papa.

 

Cécile Terrier