Livre (6 septembre 2007)
Vagabondages sur les pas de Colette
La
comédienne Macha Méril et l’illustrateur Philippe Lorin ont glissé leurs
pas dans ceux de Colette. Plume et pinceau à la main, ils invitent à une
promenade dans les lieux où elle a vécu ou qui l’ont charmée.
La
complicité entre la comédienne Macha Méril et Colette vient de se
resserrer encore un peu. Après lui avoir prêté son visage et sa voix pour
la télévision, voici quelques années, la comédienne met ses pas dans ceux
de sa célèbre aînée et lui prête sa plume. A l’invitation de la collection
“Sur les pas de…” des Presses de la Renaissance, elle évoque à
traits fins la vie et l’œuvre de l’écrivain. La documentation est
abondante et rigoureuse, les grands moments de la vie et de la création de
Colette respectés, mais il n’est pas question ici d’un ouvrage savant.
C’est à une promenade dans la vie de Colette, dans son œuvre et, surtout,
dans les lieux qu’elle a aimés que Macha Méril nous convie, avec la
complicité de Philippe Lorin, auteur des nombreuses aquarelles et dessins
qui dialoguent avec le texte.
Tout commence en Bourgogne,
dans le petit village de Saint-Sauveur-en-Puisaye où Sidonie Gabrielle
Colette voit le jour le 28 janvier 1873. Et tout prend fin dans les
jardins du Palais-Royal, à Paris, où elle s’éteint le 3 août 1954. La
comédienne et le peintre suivent le fil de l’enfance délicieuse de
Colette, choyée par des parents qui s’aiment et qui l’aiment. Une enfance
en pleine nature, aux côtés d’une mère amoureuse des fleurs, bienveillante
pour ses semblables et pas conventionnelle pour un sou. Colette en fera,
dans “Sido”, un portrait magnifique. C’est à cette mère que Colette doit
sa propre gourmandise de la nature et son parfait mépris du qu’en
dira-t-on.
La voici à Paris où elle
écrit, joue la comédie et se produit dans les théâtres et les cabarets. La
voici trois fois mariée et plusieurs fois engagée dans des amours
homosexuelles. Mais “le souffle de la liberté viendra pour elle de
l’écriture”. Colette a le talent de trouver les mots pour restituer ce
qu’elle observe: les hommes, les femmes plus encore, les chats bien sûr,
et puis les maisons et les jardins où elle abrite tantôt ses bonheurs et
tantôt ses désillusions. Le livre de Macha Méril rend à merveille la
gourmandise sensuelle de Colette, sa sensibilité naturelle et sans
mièvrerie, totale et pudique à tous “ces plaisirs qu’on nomme à la
légère physiques”: le soleil qui brûle le visage et les bras, le
parfum des pins maritimes, l’odeur du sel marin sur la peau, le parfum des
petits poissons grillés et des beignets d’aubergines… Si Colette est
légère et gaie, elle a aussi le sens du grave. Et elle sait peindre aussi
l’odeur de poussière triste des garnis misérables de certaines de ses
compagnes de théâtre.
Macha Méril parle simplement de
sa grande aînée comme on le fait d’une grande sœur admirée, d’une amie
tendrement aimée, avec une profonde complicité. Elle lui restitue aussi sa
place, capitale, dans cette époque qui voit la fin de la Belle Epoque et
le début de la modernité. Durant la première guerre, Colette fut l’une de
cette “escouade de femmes qui cuisinent ce qu’elles trouvent, nettoient
la maison, lavent le linge et tricotent pour les soldats”. Mais, en
même temps, elle continue ses chroniques dans les journaux (elle a fait
des reportages sur tous les sujets, y compris le Tour de France), brave
“le froid et l’obscurité des rues mal éclairées, après le théâtre ou le
concert”. Elle est l’une des premières à se faire couper les cheveux…
Macha Méril approche avec finesse cet aspect de la liberté de l’écrivain:
“Etre une femme livre, qu’est-ce que cela signifie? Colette n’est pas une
militante féministe, mais elle est une femme irréductible, aucune entrave
sociale ou sentimentale n’affecte son goût profond de la liberté”.
Colette est multiple, complexe.
L’évocation de Macha Méril invite à découvrir son œuvre, une aquarelle de
Philippe Lorin sous les yeux.
Anne-Marie
Pirard
Sur
les pas de Colette
► Macha Méril et Philippe Lorin • Presses de
la Renaissance • 25 EUR.
|