Dans
les livres (6
décembre 2012)
Et au milieu coule une
rivière…
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Geneviève Damas, écrivaine, metteuse en scène et comédienne, a reçu le
Prix des Cinq continents de l’Organisation internationale de la
francophonie pour son premier roman Si tu passes la rivière, déjà
couronné par le Prix Rossel 2011.
“Si tu
passes la rivière, tu ne remettras plus les pieds dans cette maison”,
a dit le père, si dur, si cassant. Et François, grand garçon au cœur
simple, a promis de ne jamais la traverser. Il vit à la ferme avec son
père et ses deux frères aînés. Tout au long du jour, il garde les porcs.
Il leur parle, se confie, lui qui est si différent des siens, si seul
depuis que leur sœur Maryse a quitté la maison pour s’en aller loin, de
l’autre côté de la rivière. Parce qu’il a envie de retrouver la sœur qui
l’a élevé, parce que l’inconnu qui se profile sur l’autre rive l’attire,
François va se hasarder de l’autre côté de l’eau. Par la grâce des
rencontres, lui qui ne sait pas lire, lui qui se sent “bêta”, va
découvrir les lettres, les mots, la lecture… Et va, peu à peu,
apprivoiser son histoire et son âme.
Le premier roman de Geneviève
Damas, avait obtenu le Prix Rossel en 2011. Il vient d’emporter le Prix
des Cinq continents. L’auteure l’a reçu à Toulouse le 11 novembre
dernier, des mains de Lyonel Trouillot, président du jury. Cette
reconnaissance lui vient à la fois de lecteurs des cinq continents
(provenant de Belgique, de France, de Suisse, du Québec et du Sénégal)
et d’un prestigieux jury d’écrivains issus de toute la francophonie,
parmi lesquels E.G. Le Clézio, Vénus Khoury-Ghata, Monique Ilboudo,
Leila Sebbar…
Tous ont été marqués par ce beau livre, vibrant d’émotion,
qui raconte une quête d’identité de manière simple et poétique.
L’histoire est douloureuse mais la fin, ouverte, est pleine d’espoir. Et
Geneviève Damas a, sur la maternité, des mots d’une bouleversante
justesse. L’univers du roman est celui de la campagne de chez nous.
Mais, ancré dans le particulier, il s’ouvre à l’universel si bien que
les lecteurs des cinq continents s’y sont tous reconnus… Les lecteurs
africains ont particulièrement apprécié la forte dimension orale du
livre qui rejoint certains aspects de leur culture. Cette oralité n’a
rien d’étonnant si l’on se souvient que la jeune romancière est une
auteure de théâtre confirmée. Il emprunte la forme du monologue qu’elle
a utilisée si finement pour donner la parole à Molly – Molly à vélo,
Molly au château – sur papier d’abord, sur scène ensuite.
Le roman est
publié par les éditions Luce Wilquin. L’éditrice peut se féliciter de
ses choix puisque, parmi les dix finalistes du Prix, se trouvait un
autre roman qu’elle a publié : La moitié du jour, il fait nuit, un roman
fort et sombre de Stanislas Cotton. La Belgique comptait un troisième
écrivain parmi les dix auteurs retenus avec Les villes de la plaine, une
fable intelligente et bien menée de Diane Meur (Ed. Sabine Wespieser).
Geneviève Damas l’a donc emporté sur d’autres écrivains de grande
qualité, parmi lesquels figurait encore Scholastique Mukasonga avec
Notre-Dame du Nil (Editions Gallimard) que Le Clezio, membre des deux
jurys, a remis sur la table du Prix Renaudot, et qui l’a emporté.
//ANNE-MARIE PIRARD
>> Si tu traverses la rivière • Geneviève
Damas • Ed. Luce Wilquin • 115 p • 13 EUR.
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