Jolie libraire dans la lumière, dernier roman en date de Frank Andriat, met immanquablement de la légèreté au cœur et le sourire aux lèvres. La tristesse et les soucis n’en sont pas absents, ni l’angoisse, ni la mort. Mais “ce livre-là parle d’espérance”… Il raconte la rencontre, dans un train, d’une jeune femme triste et d’un homme qui lit, l’importance pour chacun de ce bref moment, le jeu de miroir entre l’existence de la jeune femme et un roman qu’elle découvrira bien plus tard, devenue libraire… Rédigé dans une langue limpide, Jolie libraire… montre comment la vie inspire les livres et comment les livres aident à mieux vivre la vie. Et il rappelle avec délicatesse que “parfois, au départ du malheur, naît de la lumière”…

Avec L’arbre à frites, paru quelque temps auparavant, Frank Andriat dévoile une autre facette de son talent. La joie y est présente également mais dans une autre tonalité, bien plus exubérante. Il tisse une histoire “légèrement piquante comme l’histoire de la Belgique, un rien sucrée comme celle de Scarabé”… Ce récit conté à deux voix par Nele, l’allègre centenaire, et Tijl, son petit-fils, fait des allers-retours entre Schaerbeek en Belgique et Scarabé sous les Tropiques. Il commence à la fin du 19e siècle et s’achève en 2053. Entre ces deux dates, plusieurs générations ont vécu, à Bruxelles et à Scarabé où un descendant d’un Goetghebeur pionnier a planté, sous un baobab, une baraque à frites devenue le lieu de rassemblement du village… Frank Andriat relate la chronique d’une famille et, avec elle, 180 ans d’histoire de notre pays. Il montre avec finesse et humour qu’en définitive, les humains sont partout les mêmes. Le récit est dense et touffu, d’un accès plus difficile que les autres romans de l’auteur, ce qui peut désorienter. Le fil conducteur est une réappropriation du livre de Charles De Coster, La Légende d’Ulenspiegel…, fondateur de la littérature en Belgique. Andriat lui emprunte non seulement le nom de ses principaux personnages mais aussi leur goût farouche de la liberté et cette façon de rire de ses malheurs pour ne pas en pleurer et de s’amuser dès que l’occasion s’en présente…

Schaerbeek apparaît brièvement aussi dans le dernier roman de Ghislain Cotton. Mais c’est à Mons que se situe l’essentiel de l’intrigue du Passager des Cinq visages. La lecture d’un fait divers amène Cordier, dit Ficelle, critique littéraire et concepteur de pubs, à retourner sur les lieux de son enfance. Il veut y retrouver Balagne, un ancien condisciple, avocat détenu pour recel de malfaiteur, et surtout Tina, sa trop belle épouse… Entre la vieille maison de la rue des Cinq visages et la prison, l’auteur confronte ses personnages à “un sac de nœuds mentaux” qu’ils ne pourront pas dénouer. Ghislain Cotton noue d’une plume alerte une sombre intrigue, et la tragédie est au bout d’un récit que l’on ne peut résumer, sous peine d’en dévoiler les ressorts.

On ne peut pas davantage raconter Un éclat de vie. Le résumer serait en dévoiler le dénouement et gâcher le plaisir de la lecture. La trame de ce bref roman de Marie-Eve Sténuit est l’inverse de celle de Ghislain Cotton : commencé gravement, dans la douleur, le récit se termine sur une jolie note d’espoir et de tendresse. La narratrice s’effondre au début du récit, terrassée par une effroyable douleur. Elle n’est pas morte, elle le sait… Les souvenirs lui reviennent par vagues; elle perçoit ce qui l’entoure et, en elle, un rire grelotte et s’amplifie… Servi par une écriture précise et sensuelle, ce joli récit touche et émeut sans jamais en faire trop.