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Dans les livres (17 mai 2012)

Le corps d’un homme
de 13 à 87 ans

Il n’a que 13 ans mais il a bien réfléchi. Il envisage de s’engager pour un long moment. Il va tenir un journal. Pas un journal intime comme on le conçoit habituellement, mais le journal de son corps. Le dernier roman de Daniel Pennac égrène les années d’une manière peu banale.

Journal d’un corps se déroule comme un carnet de notes personnelles, au gré des observations de ce compagnon de route que souvent nous négligeons. L’homme qui raconte gardera jusqu’à la mort une attention particulière pour sa "machine à être”. De septembre 1936 à octobre 2010, d’âge en âge, de mois en mois, avec des interruptions, des passages plus délicats, plus denses, d’autres justes effleurés, il s’observe. Extraits :

12 ans, 11 mois, 19 jours “La liste de mes peurs : peur de maman, peur des miroirs, peur de mes camarades. Surtout Fermantin. Peur des insectes. Surtout des fourmis. Peur d’avoir mal. Peur de me souiller si j’ai peur (…).

21 ans, 11 mois, 7 jours “Je me suis remis à la préparation du concours. J’ai immédiatement retrouvé toutes les sensations physiques du travail intellectuel. Le vibrant silence des livres, le duvet de leurs pages sous la pulpe du doigt, le crissement de la plume sur les fibres du papier, le parfum âcre de la colle (…)

32 ans, 5 mois, 1 jour “Bruno [ndlr: son fils] passe une partie de la matinée langue mollement pendante, comme une langue de chien rêveur. Quand je lui demande la raison de cette exhibition, il répond, le plus sérieusement du monde : ma langue s’ennuie à l’intérieur, alors de temps en temps je la sors.

44 ans, 6 mois, 23 jours “Vieille peau, vielle baderne, vieux con, vielle carne, vieux schnoque (…) : les mots, la langue, les expressions toutes faites laissent entrevoir quelques difficultés à entrer dans la vieillesse d’un cœur léger. Quand y entrons-nous, d’ailleurs? A quel moment devenons-nous vieux?

66 ans, 10 mois, 23 jours “Fin des vacances scolaires. Les petits-enfants nous ont laissés épuisés. (…) Ces gosses nous abrègent, dis-je à Mona. Et nous nous effondrons sur notre lit, inertes. Où est passé ce désir inextinguible qui fut à l’origine de ces générations?

79 ans, 6 mois, 8 jours “Pour exprimer la douceur (…), les Italiens disent morbido. On ne peut imaginer faux ami plus radical à l’état de morbidité où je me réveille chaque matin!

Le récit de Daniel Pennac ne donne pas dans le spectaculaire. Il invite pourtant à un voyage en terres méconnues. Cette chair où nous nous lovons, nous l’habitons minute après minute, souvent sans égard. Avec “Journal d’un corps” s’ouvre le jardin secret d’un homme, semblable à beaucoup d’autres, qui se muscle, souffre, aime, vieillit… De succulents passages décrivent “trois façons de pisser chez les garçons”, le plaisir du “curage de narine” associé “à celui de la lecture” ou la découverte de la jouissance au profit d’un “jeu de l’oie du dépucelage”.

Le roman permet une véritable plongée au cœur de la mécanique masculine, emplie de découvertes pour les lectrices, de partages sans fard et sans tabou pour les lecteurs. Finalement, il est le tracé d’expériences à la fois intimes, à la fois communes à notre condition d’humain en chair et en os.

// CATHERINE DALOZE

>> Journal d’un corps • Daniel Pennac • éd. Gallimard •2012 • 390 p. • 22 EUR.


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