Lecture
(5 avril 2012)
Lire, un plaisir pour tous !
La volonté d’y
arriver !
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© Lire et Écrire Luxembourg |
En
Belgique francophone, près d’un adulte
sur dix ne sait ni lire, ni écrire. Ces
statistiques gonflent lorsqu’on prend en
compte ceux qui parviennent à déchiffrer
mais ne comprennent pas aisément le sens
des phrases. Certains décident de
réapprendre les bases. C’est possible à
tout âge. Il n’est jamais trop tard.
Ceux que
Lire et écrire appelle
"apprenants" suivent des cours
régulièrement pour apprendre la lecture
et l’écriture. Ces adultes, motivés à
comprendre le monde qui les entoure au
travers de l’écriture, ne sont pas
forcément d’origine étrangère. Parmi
eux, on retrouve des personnes parlant
le français de manière fluide et qui ont
fréquenté l’école en Belgique. Autre
fausse idée à combattre : l’illettrisme
ne s’associe pas avec des capacités
intellectuelles diminuées. C’est le
parcours de vie de ces apprenants qui a
souvent joué dans leurs difficultés. «
Certains ont eu une scolarisation très
difficile, précise Benoît Lemaire,
coordinateur de projets à Lire et écrire
Luxembourg. Pour leur redonner le goût à
la lecture et l’écriture, il faut
innover dans les méthodes
d’apprentissage pour adultes. Dans notre asbl, on préconise l’approche par
déduction. On compare les sons de
plusieurs mots pour découvrir lesquels
sont identiques… ». Petit à petit, ces
adultes reprennent confiance en eux et
constatent leurs progrès. Parvenir à
lire un roman constitue une véritable
victoire.
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© Lire et Écrire Luxembourg |
Pouvoir faire gambader son esprit dans une histoire,
assis tranquillement dans un fauteuil, un livre à la main…, beaucoup en rêvent !
Pour certains adultes, cette situation n’est pas envisageable. Impossible pour
eux de trouver un livre accessible à leur niveau de lecture moins fluide. Ils
n’ont pas pour autant envie de se tourner uniquement vers des romans “jeunesse”.
Désormais, la littérature belge s’ouvre à eux…
Au ban de la société, c’est ce que
ressentent certaines personnes au quotidien. Déchiffrer les
informations sur une brique de lait ou lire une histoire à ses enfants
représentent un problème de taille pour elles. Un mal-être au quotidien renforcé
par un sentiment d’exclusion dans un monde où l’écriture est omniprésente. Et
lire un livre pour adultes, n’en parlons pas !
Une soif de lecture
Pourtant, aujourd’hui, ces apprenants ou "apprentis lecteurs",
anciens analphabètes, trouvent une collection taillée sur mesure pour eux. La
régionale de Luxembourg de l’asbl Lire et Ecrire et les Editions Weyrich se sont
unies pour répondre à une demande qui émanait de ces lecteurs en manque de
livres adaptés. "Ils étaient frustrés, précise Amandine Legrand,
responsable du projet La Traversée au sein de Lire et Ecrire
Luxembourg. Aucun livre pour adultes n’était à leur portée. Ils
devaient se contenter de lectures pour enfants ou issues de manuels
pédagogiques. Or, dans leur processus d’apprentissage, arrivés à un stade un peu
plus avancé, ils sont demandeurs de lire de vrais romans." Pouvoir se
plonger dans un bouquin avec une intrigue plus élaborée, avec des thèmes plus
parlants pour adultes…, tels sont les objectifs de la nouvelle collection La
Traversée.
Source de bien-être
La lecture stimule l’esprit et le libère en même temps, disait
Bruno Bettelheim, psychanalyste américain qui s’est intéressé, entre autres, à
la lecture des enfants. Lire permet de s’évader du quotidien, de se créer un
univers imaginaire à travers des mots, d’apprendre aussi… Cette activité stimule
les fonctions cognitives, tout en douceur. Pour certains, pourtant, ce moment de
détente correspond plutôt à un climat anxiogène, de peur de ne pas être à la
hauteur. "Avec les livres de la collection "La Traversée", au contraire,
cela me procure du bien-être…", se réjouit Marie-Thérèse, apprenante.
Trouver du bonheur par la lecture est tout aussi important pour un lecteur
chevronné que pour un apprenti. Les livres doivent rester porteurs de plaisir.
D’autres y voient l’aspect plus didactique, comme Sidik et Adrien, apprenants
eux aussi, qui découvrent de nouveaux mots en lisant, améliorent leur langage
oral. La lecture de romans leur permet de progresser dans leur processus
d’alphabétisation.
Parfois découragés
"Dans la majorité des romans, la longueur des phrases, le
vocabulaire utilisé… peuvent sérieusement en décourager plus d’un, explique
Benoît Lemaire, coordinateur de projets à Lire et Ecrire Luxembourg.
L’épaisseur du livre joue aussi. Ces lecteurs, dits plus faibles, s’emmêlent les
pinceaux si des mots sont coupés en fin de ligne par des traits d’union ou si la
ponctuation est compliquée. Les temps de la conjugaison utilisés doivent être
simples : le subjonctif ou le passé simple sont très difficiles à saisir pour
eux." Des petits détails pour des lecteurs avertis qui deviennent des
montagnes infranchissables pour les apprenants. "Dans la plupart des
bouquins, les caractères sont petits, il y a beaucoup de mots sur une même page,
on met beaucoup de temps pour ‘déchiffrer’ les phrases…, c’est décourageant !",
raconte Marie- Thérèse. Sidik et Adrien ajoutent : "Avec des romans
‘normaux’, on parvient à lire les phrases mais on n’en comprend pas le sens,
tellement les mots sont parfois tirés par les cheveux." Un découragement
s’installe alors et impossible de s’attaquer aux livres. "Ils doivent se
sentir rassurés dès les premières lignes de l’histoire. L’auteur ne doit pas les
piéger avec des descriptions alambiquées… Il doit les tenir par la main pour
leur dire où il les emmène", continue Benoît Lemaire.
Une collection construite ensemble
Les trois premiers romans de la collection innovent et enchantent
ce public d’apprenants. Non identifiés esthétiquement comme livres simplifiés,
ils s’inscrivent parfaitement dans le paysage de la littérature belge.
Amandine Fairon, jeune auteure séduite par l’initiative, a prêté
sa plume : "Quand j’ai écrit ‘L’attente’ pour cette collection, il a fallu
beaucoup d’allers-retours entre le groupe-test d’apprenants et moi-même pour
simplifier encore et toujours plus. Le produit fini, je l’ai ensuite fait lire à
des personnes, non apprenantes, habituées à me lire et elles ne se sont pas
rendu compte que ce bouquin était adapté à des gens plus faibles en lecture."
Les trois auteurs qui ont pris part à l’expérience ont reçu une grille de
consignes pour les guider dans leur écriture : phrases simples, vocabulaire de
la vie quotidienne, ponctuation simplifiée, sujets abordables, petite phrase
d’introduction pour résumer chaque chapitre et rassurer ainsi le lecteur… L’avis
des apprenants était le moteur de cette rédaction.
"Lire, c’est aussi le plaisir de l’objet ‘livre’,
conclut Benoît Lemaire. Quel plaisir de pouvoir raconter aux autres sa
dernière trouvaille en lecture ou encore, de se détendre en entrant dans une
histoire… Un apprenant qui a collaboré à la collection m’a confié se sentir
citoyen, au même titre que les autres. Parce que la citoyenneté passe aussi par
la lecture." Développer de telles initiatives pour un public de lecteurs
moins avertis se poursuivra sûrement. Du côté de Lire et écrire Luxembourg,
on parle déjà d’étendre cette offre à des apprenants en début de parcours (les
livres sortis actuellement de presse sont pour un niveau avancé). Pour que la
lecture reste une porte ouverte sur un monde enchanté… comme le disait si bien
l’écrivain François Mauriac.
// VIRGINIE TIBERGHIEN
>> Infos : Lire et Ecrire Luxembourg, rue du Village 1A à
6800 Libramont – 061/41.44.92 –
http://luxembourg.lire-et-ecrire.be
Trois romans faciles à lire mais pas gagas !
La collection La Traversée des Editions Weyrich compte, pour l’instant, trois
romans destinés à des lecteurs avertis ou en apprentissage.
L’attente, d’Amandine Fairon
Marie attend désespérément des nouvelles de son
fils, Tim. Celui-ci, parti un soir à un concert dans un café, n’est pas rentré.
Marie reçoit un coup de fil de l’hôpital. C’est là que Tim a terminé la soirée à
la suite d’une explosion. Que s’est-il passé ? Que va-t-il devenir ?
Ce roman
palpitant traduit la tristesse de ces attentes plombées par l’incertitude. Le
lecteur entre dans l’intimité de personnes qui ont subi un traumatisme familial,
un accident de parcours inattendu…
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Les cerises de Salomon, de Claude Raucy
Peu avant la Seconde Guerre mondiale, dans un petit village belge, Jeanne perd
tout : l’homme de sa vie et son enfant. Mariette, sa nouvelle voisine et
connaissance d’enfance, la jalouse malgré son malheur car elle reste persuadée
que Jeanne lui a volé son fiancé, aujourd’hui décédé. La guerre s’installe. Les
Juifs du village qui tiennent un commerce sont expulsés vers on ne sait où. Leur
enfant d’une dizaine d’années parvient à s’échapper de la rafle et atterrit chez
Jeanne qui le cache.
Jalousie, trahison, horreurs de la guerre… se mêlent dans
ce roman qui a la particularité d’expliquer des termes qui semblent peut-être
familiers pour certains mais inconnus pour d’autres, tels que collabo, marché
noir…
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Sans dire un mot, de Xavier Deutsch
François, jeune marin, rentre enfin
chez ses parents, Pierre et Sarah, après une longue absence en mer. Dès son
arrivée au port, il leur demande d’héberger pour quelques jours son ami, Simon,
marin lui aussi. Sombre et taiseux, ce nouvel arrivant va bousculer l’équilibre
de la famille. Le suspense est au rendez-vous dans ce roman de Xavier Deutsch.
Que va devenir cette famille qui accueille un drôle de personnage ? |
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Les trois ouvrages sont vendus chacun au prix
de 7,90 euros • Infos : Editions Weyrich :
061/27.94.30 •
www.weyrich-edition.be
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