Instants en équilibre
(4 juillet 2013)
Quinzaine après quinzaine, Christophe André, psychiatre français, livre dans
En Marche une vingtaine d’histoires et leurs enseignements, comme autant de leçons de sagesse, au plus près du quotidien, pour avancer sur le chemin de l’équilibre intérieur et de la sérénité.
La photographie est de Anaïs Verdon, étudiante en photographie à l’école des arts et de l’image, Le 75. Elle a été réalisée à la demande du journal
En Marche, avec le soutien de la Loterie nationale.
Douleurs et souffrances
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© Anaïs Verdon - Le 75 Cliquez sur la photographie pour l'agrandir |
Tu n’aimes pas beaucoup
les grands discours sur la douleur et la souffrance. Les maximes comme
celle de Nietzsche: “Ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort”
te laissent perplexe et agacé. Même si tu sais que Nietzsche a
suffisamment souffert pour être légitime quand il parle de tout ça. Mais
quand même… D’abord, son truc, ce n’est pas toujours vrai. Parfois, ce
qui ne nous tue pas nous laisse éclopés, cabossés, traumatisés. Pas du
tout plus forts, mais boiteux, fragilisés, dans l’inquiétude du prochain
coup du sort.
Ensuite, tu t’en fiches
bien d’être plus fort. Ça ne t’intéresse pas, tu n’en veux pas de cette
force-là, cette force héroïque, légitime, admirable de ceux qui sont
revenus de l’enfer. Non, toi tu sais que tu fais partie de ceux qui n’en
reviennent pas, de ceux qui meurent vite, si par malheur ils se
retrouvent dans les camps, les goulags, les prisons; trop fragiles, trop
épouvantés. Tu sais que tu es fragile. Alors tu voudrais juste, quand la
douleur te tombe dessus, qu’elle ne dure pas trop, qu’elle ne t’abime
pas trop. Tu voudrais juste pouvoir la traverser sans trop de
souffrances, ni trop de séquelles. Et en ressortir non pas plus fort,
mais à peu près intact, et prêt à revivre des moments heureux.
Bien sûr, la souffrance
est inévitable dans ton existence. Accepte ça. Puis regarde comment
travailler sur la part évitable de tes souffrances: comment ne pas trop
ruminer, t’apitoyer ou te replier sur toi-même. Cette part évitable est
parfois limitée (si tu as une rage de dents) mais souvent importante
(notamment dans les ruminations). Ta marge de manœuvre est là : dans ta
manière de réagir aux douleurs inévitables de l’existence, sans en
rajouter une seconde couche, sans t’infliger une double peine.
EXTRAIT DE L’OUVRAGE “SÉRÉNITÉ. 25 HISTOIRES D’ÉQUILIBRE INTÉRIEUR”/
CHRISTOPHE ANDRÉ / ÉD. ODILE JACOB / 2012
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