Instants en équilibre
(4 avril 2013)
Quinzaine après quinzaine, Christophe André, psychiatre français, livre dans
En Marche une vingtaine d’histoires et leurs enseignements, comme autant de leçons de sagesse, au plus près du quotidien, pour avancer sur le chemin de l’équilibre intérieur et de la sérénité.
La photographie est de Sara Gonzales, étudiante en photographie à l’école des arts et de l’image, Le 75. Elle a été réalisée à la demande du journal
En Marche, avec le soutien de la Loterie nationale.
Cher journal
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© Sara Gonzales - Le 75 Cliquez sur la photographie pour l'agrandir |
Adolescent, tu tenais un journal. Enfin, tu commençais régulièrement à tenir des journaux. En général, ça te prenait après la lecture de livres autobiographiques; tu te souviens d’impulsions à
t’écrire à la suite des ‘Mémoires d’Outre-Tombe’ de Chateaubriand ou de ‘L’Enfant’,
de Vallès, ou du ‘Château de mon père’, de Pagnol. Tu prenais
alors un cahier d’écolier, et tu te lançais. Après chaque épisode, tu le
cachais au fond d’un tiroir dans le désordre de tes livres et cahiers de
classe, dissimulé sous les copies et les vieux brouillons.
Jamais tu n’as terminé un de ces journaux, mais jamais tu n’as renoncé à en tenir. Tu sentais bien
qu’ils étaient un espace important pour toi, de rêve et de clarification de tes états d'âme, comme
un écho à ta vie, qui donnait de la place au ressentir, au réfléchir. Tu aimes bien les relire : parfois
tu t’y retrouves exactement tel que tu es resté aujourd’hui ; parfois tu mesures grâce à eux à quel
point tu as changé, grandi. Et toujours tu souris de ressentir à nouveau vibrer en toi ces mouvements
sincères de ton âme, souffrances ou espérances.
Ce que t’ont appris tous ces journaux intimes? C’est que tu as besoin de l’introspection, besoin
de regarder au-dedans de toi. C’est que tu peux te servir de temps en temps de ton cerveau pour
autre chose que le travail ou les loisirs. Sinon, tu ne feras fonctionner ton esprit que pour faire
des choses, et tu oublieras de te sentir ‘être’. Du coup, tu passeras à côté de la moitié de ta vie.
Pas si grave, diront certains, il restera tout de même l’autre moitié : actions, distractions. Mais en
évacuant tes états d'âme, en ne leur prêtant pas attention, tu resteras une simple “machine à vivre”,
selon l’expression de Paul Valéry. Et un sentiment de vide, inquiétant ou attristant, t’envahira,
dès que cessera le tumulte tout autour de toi.
EXTRAIT DE L’OUVRAGE “SÉRÉNITÉ. 25 HISTOIRES D’ÉQUILIBRE INTÉRIEUR”/
CHRISTOPHE ANDRÉ / ÉD. ODILE JACOB / 2012
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