Cinéma
(17 février 2007)
La vie des autres
Un jeune auteur allemand propose un film sans folklore ni
nostalgie sur les réalités de l’Allemagne de l'Est.
Berlin-Est, 1984. Gerd
Wiesler, est officier de la Stasi, le ministère pour la sécurité de
l’Etat. Glacial, taciturne et particulièrement zélé, il se voit confier
la mission de surveiller Georg Dreyman, un dramaturge pourtant hors de
tous soupçons. Il fait installer des micros dans tout l’appartement de
l’écrivain, et campe dans son grenier, des écouteurs aux oreilles. Il va
alors vivre par procuration la vie un peu bohème de l’écrivain,
découvrir la musique, la littérature, l’amour aussi, et entrouvrir les
yeux sur les réalités du régime.
«La vie des autres» est le premier film de l’Allemand Florian Hanckel
van Donnersmarck. Gamin, il rendait régulièrement visite à des amis de
ses parents, à Berlin-Est, et se souvient de la peur que chacun
ressentait en passant la frontière. On est donc loin ici de l’ «Ostalgie»
(1), cette forme particulière de nostalgie que ressentent certains
habitants de l’ex-Allemagne de l’Est, illustrée par des films comme
«Good Bye Lenin», de Wolfgang Becker, en 2003. «Il nous a fallu un
certain temps, explique le réalisateur, pour admettre que, juste après
la dictature du nazisme, une seconde a suivi, non pas de douze ans, mais
de quarante. L’ostalgie est, dans un certain sens, le prolongement
inconscient de cette attitude qui refuse de reconnaître la dictature
sous la RDA. Mais cette nostalgie est aussi le fait d’une génération qui
a vécu sa jeunesse en Allemagne de l’Est, et peut-être fait-elle la
confusion entre regret d’un pays et regret de sa jeunesse?»
Depuis sa sortie, le film a été vu par 1,7 million d’Allemands.
Certains, à l’Est, ne digèrent cependant pas certaines erreurs
historiques. Ainsi la Stasi n’aurait-elle jamais procédé à des écoutes
téléphoniques en direct. D’autres ont jugé insupportable la métamorphose
du personnage principal, bourreau devenu bienfaiteur.
D’une très grande rigueur formelle, «La vie des autres» fonctionne un
peu comme un documentaire, passionnant, dans lequel s’engouffrerait peu
à peu, un léger vent de liberté, de conscience humaine. La musique,
magnifique, de Gabriel Yared et Stéphane Moucha, est primordiale, puisque c’est sa «Sonate
pour un homme bon» qui servira d’élément déclencheur. Un travail très
important a également été réalisé sur les décors et la couleur,
procédant par soustraction, plutôt que par surabondance, se jouant des
ombres et des lumières. De ce que l’un voit, et de ce que l’autre
entend.
Linda Léonard
(1) Ostalgie, dérivation du mot nostalgie
insistant sur «Ost», qui signifie Est en allemand.
La vie des autres, de Florian Henckel von Dennersmack, avec Ulrich Mühe,
Sebastien Koch, Marina Gedeck, Ulrich Tukur. Musique de
Gabriel Yared et Stéphane Moucha.
2h17.
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