Cinéma (6
novembre 2008)
Séraphine
Martin Provost retrace magnifiquement la vie tragique de Séraphine de
Senlis, peintre “naïve” à la reconnaissante posthume.
Séraphine
est “femme à tout faire” le jour chez les bourgeois de Senlis. Elle se
charge des besognes les plus lourdes, elle lave le linge à la rivière,
vide les pots de chambre, récure les parquets à genoux. La nuit, elle
peint, à genoux aussi, dans une chambre sordide, sous le portrait de la
Vierge. D’ailleurs, dit-elle, c’est Marie qui lui ordonne de peindre ces
fleurs étranges, presque angoissantes. Elle chaparde aussi, du sang chez
le boucher, de l’huile dans la cathédrale, elle arrache la boue des
ruisseaux pour composer ses étranges couleurs. Tout le monde se moque
d’elle, elle n’en a cure, son ange gardien veille. Quand le hasard lui
fait rencontrer le critique d’art allemand Willhelm Udhe, Séraphine a
déjà près de cinquante ans, et quand il lui dit qu’elle a du talent,
elle croit que “Monsieur se moque”. Mais Willhelm Udhe ne se moque pas,
au contraire: lui qui fut le premier à acheter des toiles de Picasso et
de Braque, lui qui découvrit la peinture naïve du Douanier Rousseau est
fasciné par les toiles de Séraphine. Il va l’aider, l’encourager, la
conseiller. Mais nous sommes alors en 1914, l’armée allemande marche
vers Paris et Udhe n’a d’autre choix que d’abandonner sa collection,
Séraphine et la France.
Quand ils
se retrouveront, 13 ans plus tard, Séraphine a abandonné son “travail
noir” pour la peinture, ses toiles ont gagné en puissance, sa vie en
dénuement. Udhe devient son mécène, lui fournit des toiles, des couleurs
et des pinceaux, et enfin un semblant de confort. Il lui promet une
exposition personnelle à Paris mais, appauvri par la crise de 1929, ne
pourra tenir parole. Et la raison chancelante de Séraphine, qui se
voyait alors “sans rivale” de chavirer.
Yolande
Moreau, faut-il le dire encore, est une immense actrice. Elle habite le
rôle avec sobriété, force et générosité, rendant son personnage
admirable et inquiétant. Le récit est lent, presque une chronique, le
talent et la folie couvant sous la cendre des jours; toute couleur
semble s’être retirée du film pour se concentrer dans les toiles.
Séraphine
Louis, dite Séraphine de Senlis sera internée en 1932 à l’Hôpital de
Clermont-de-l’Oise. Elle y restera jusqu’à sa mort par inanition en
1942, sans plus jamais avoir peint.
En 1945,
se tiendra sa première exposition personnelle à la Galerie de France à
Paris, organisée par Willhelm Udhe.
Linda Léonard
Séraphine de Martin Provost, avec Yolande
Moreau, Ulrich Tukur… , 2h05.
En (sa)voir plus
Le
musée Maillol à Paris, 61 rue de Grenelle, organise une exposition
“Séraphine de Senlis” jusqu’au 5 janvier 2009 -
www.museemaillol.com
On
peut aussi voir des œuvres de Séraphine Louis au Musée d’Art de Senlis
ou Musée d’Art naïf de Nice.
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