Cinéma (
4 décembre 2008)
Septième
ciel
Andréas Dressen filme une simple histoire d’amour et d’adultère. Il démolit
par la même occasion les préjugés du jeunisme. Non la vie, et l’amour, ne
s’arrêtent pas à soixante ans.
Inge
est coutière à domicile, elle effectue des retouches pour les voisins et les
amis contre quelques sous. Elle vit avec son mari, Werner, le long de la
voie ferrée. Un bonheur tranquille. Un jour, elle rencontre Karl et c’est le
coup de foudre. Une histoire banale, sûrement. Sauf qu’Inge a 63 ans et Karl
76.
Le réalisateur allemand
Andréas Dressen a choisi de filmer l’amour comme il se vit, à vingt ans
comme à soixante. Avec ses moments d’émerveillement et de plénitude, ses
gestes parfois maladroits et ses hésitations. Dès les premières minutes, il
filme une scène d’amour physique sans le moindre artifice, frontalement,
juste des gros plans sur des peaux ridées. Des images que la télévision et
la publicité ne montrent jamais. “Je trouve ça absurde, explique le
réalisateur, comme nous vivons dans une société où l’âge est mis de côté,
où il ne faut pas avoir de rides, que tout doit toujours être beau et lisse.
Je voulais montrer que les gens âgés normaux sortent ensemble, se touchent,
font l’amour et n’ont pas de timidité à montrer leurs corps, qui ne sont
plus des corps jeunes mais qui à leur manière sont aussi des beaux corps. Il
ne s’agissait pas tant de rechercher le scandale, ou de choquer,
ajoute-t-il, mais plutôt de leur dire: regardez, c’est ainsi. Nous
vieillissons tous, personne ne peut l’éviter.”
Septième ciel nous
montre que les sentiments, la passion et le désir sont là jusqu’au bout,
qu’ils ne disparaissent pas juste parce que l’on vieillit. Que
l’émerveillement est toujours possible, et la douleur aussi. Mais que ce qui
change en revanche, c’est la portée d’une rupture lorsqu’on a vécu ensemble
si longtemps, et qu’un amour si fort peut induire des choix tragiques, que
l’on ait vingt ans ou trois fois plus.
Le réalisateur a choisi
de tourner avec une très petite équipe, et selon un scénario minimal. Les
dialogues sont improvisés lors des répétitions et peaufinés au tournage. La
première demi-heure du film est d’ailleurs presque muette, tant il est vrai
que les amoureux se comprennent au-delà des mots, et que, parfois, après
trente ans de vie commune, les conversations se font rares. Pas de musique
non plus, si ce ne sont les répétitions de la chorale d’Inge, des décors
simples, un appartement, le bruit des trains, les habitudes.
Mais on rit aussi,
parfois, ou on sourit. Et l’on en sort soulagé, finalement, de voir que le
temps n’arrange rien, pas même les chagrins d’amour.
Linda
Léonard
Septième
ciel (Wolke 9) de
Andréas Dressen, avec Ursula Werner, Horst Rehberg et Horst Westphal. 98’.
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