Cinéma (
18 juin 2009)
Looking for Eric
Eric Cantona joue son propre rôle dans le dernier film de Ken Loach, avec
humour et dérision, optimisme et humanisme. Du tout bon.
Eric
est postier à Manchester. Et le moins que l’on puisse dire est que sa vie
part en sucette: sa femme l’a quitté, ses deux beaux-fils se spécialisent
dans les petits trafics en tous genres, et sa fille le trouve pathétique. Et
même plus la possibilité de s’évader avec le foot: Cantona, le demi-dieu de
Manchester United, est pensionné depuis dix ans et les places de match sont
devenues hors de prix: «T’as qu’à regarder le parking devant le stade,
philosophe un ami d’Eric, que des 4x4 à la con». Alors il se confie à son
poster du King Eric, comme un ado, et un soir de fumette, le poster lui
répond: «Celui qui ne lance pas les dés n’a aucune chance de faire un double
six » …
Evidemment,
quand on ne connaît de Cantona que sa marionnette des Guignols de l’Info, on
perd un peu de la saveur des choses. Il faut donc savoir que, outre le fait
d’être un des rois du ballon, Eric Cantona est aussi, et surtout, un
personnage. Fier, très fier, un accent du sud-ouest épais comme le miel, et
le col du polo bien relevé. Et puis il y a ses aphorismes. Surtout celui de
la mouette: lors d’une conférence de presse en janvier 95 à la suite d’une
suspension de neuf mois pour avoir shooté un spectateur mécontent de sa
prestation (oui, Cantona est aussi légèrement susceptible), il eut cette
phrase que des millions de supporters méditent encore: «Si les mouettes
suivent les chalutiers, c’est parce qu’elles pensent qu’on va leur donner
des sardines» … Et puis, pour passer le temps, il a appris à jouer de la
trompette.
A l’origine
de ce film, Cantona lui-même. Il voulait parler de sa relation si
particulière avec ses fans, et notamment d’un facteur de Leeds qui a quitté
boulot, femme et enfants pour suivre son héros à Manchester (et qui, par la
même occasion a changé de club de foot, ce qui, semble-t-il, est tout
bonnement impensable). «Le premier nom qui nous est venu à l’esprit a été
celui de Ken Loach. C’était un peu fou de penser à lui, mais nous nous
sommes dit qu’il fallait tenter notre chance. Le pire qui pouvait arriver
aurait été qu’il dise non», explique le footballeur-comédien. «Nous avons
trouvé que c’était un domaine intéressant à explorer – non seulement la joie
et le plaisir du football et le rôle qu’il joue dans la vie des gens, mais
aussi la notion de célébrité et la manière dont on construit la popularité
de quelqu’un à travers la presse et la télévision», explique le réalisateur
Ken Loach. Ce dernier ne quitte par pour autant le cinéma social et engagé:
«C’est une histoire sur l’amitié et sur le fait de s’accepter tel que l’on
est. C’est un film contre l’individualisme: on est plus fort en groupe que
seul. Certains éprouveront peut-être une certaine condescendance envers
cette idée, mais ce film parle de la solidarité entre amis, en prenant pour
exemple un groupe de supporters de foot». Alors, après quelques films très
noirs, un Ken Loach espiègle, même pour ceux que le ballon rond indiffère…
Linda Léonard
Looking for Eric, de Ken Loach et Paul
Laverty, inspiré d’une idée d’Eric Cantona, avec Steve Evets, Eric Cantona,
John Henshaw, Stéphanie Bishop. 1h59. Coproduit notamment par la
RTBF, la Région wallonne et Les films du fleuve, la maison de production des
frères Dardenne.
Prix du jury
œcuménique 2009, qui distingue des œuvres “aux qualités humaines qui
touchent à la dimension spirituelle de l’existence”.
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