Cinéma (20 novembre 2008)
“Les
Bureaux de Dieu“
“Les
Bureaux de Dieu” nous font entrer au cinquième étage d’un immeuble parisien,
passer la porte d’un planning familial et entendre au gré des consultations
qui s’y déroulent des questions de femmes aux accents existentiels. Loin de
l’anodin, les échanges sous l’œil de la caméra nous bousculent et ouvrent
sans aucun doute le débat.
Des
actrices connues dans le rôle des conseillères conjugalesdonnent la réplique à des non professionnelles qui interprètent
des
femmes qui consultent le planning familial.
Jeune
et moins jeune, après une aventure d’un soir, en relation durable, mariée,
déjà mère ou pas, des femmes arrivent dans ce lieu en proie avec des
questions de maternité, de contraception, d’interruption de grossesse. Une
forme d’indicible prend corps sous nos yeux spectateurs d’une quinzaine de
consultations. “Des bureaux sont des lieux ordinaires, quotidiens,
remarque la réalisatrice Claire Simon en commentant son titre. Mais là,
au planning, ce qu'on y aborde a toujours une dimension "fatale": avoir un
enfant ou non, prendre des décisions qui engagent l'avenir. Toutes les
femmes, au cours de leur vie, sont continuellement confrontées à cette
question du choix.” (1)
Fiction et réalité
La cinéaste a d’abord
observé la réalité des plannings durant de longs mois et base les dialogues
sur des paroles recueillies lors de ces observations. Fiction et réalité
s’entremêlent alors pour donner à voir le portrait de rencontres – toutes
intenses - entre conseillères et consultantes. Mais attention, s’il s’ancre
dans une réalité française, le planning que l’on découvre n’est, par contre,
pas le reflet du quotidien des centres de planning familial belges. Ou
plutôt ne serait qu’un reflet partiel, très fragmentaire, voire partial et
réducteur, comme l’expliquent plusieurs acteurs du terrain wallon et
bruxellois.
Certes le journalier de
nos centres de planning est constitué de consultations, mais les prises en
charge ont des contours plus diversifiés que l’accompagnement par rapport à
une éventuelle interruption de grossesse ou à la prise de la pilule. Elles
peuvent être sociale, médicale, juridique, psychologique, de médiation
familiale, concerner des problèmes de garderie, de conflits familiaux, de
droit de visite, de reconnaissance de paternité… Par ailleurs, les centres
développent également tout un volet pratiquement absent du film, relatif à
la prévention: l’animation en lien avec la vie affective, relationnelle et
sexuelle. Des animations qui donnent l’occasion à des groupes scolaires
notamment de “parler sans tabou et dans le respect de l’autre, de
l’estime de soi, des premières relations amoureuses et/ou sexuelles, de la
contraception, des maladies sexuellement transmissibles, de la grossesse
mais également de la relation avec ses parents, de l’autonomie et beaucoup
d’autres choses encore”(2). Enfin, l’accompagnement de
l’interruption volontaire de grossesse tel qu’il apparaît dans le film
donne, aux yeux de certains, une image tronquée de la réalité belge qui
prévoit notamment un suivi après l’avortement.
“Les bureaux de Dieu”
constitue assurément un bel outil documentaire pour les intervenants des
centres de planning notamment, alliant esthétique et impulsion pour un débat
sur leurs pratiques mais l’est-il pour un large public peu au fait du
travail réalisé par les centres? Ce morceau de visibilité d’un travail
méconnu, en proie à des questions enveloppées de tabou, est à prendre “avec
son esprit critique le plus affûté”, comme le recommande un intervenant
bruxellois. Et de souhaiter que la projection en matinée scolaire par
exemple soit élargie par une visite d’un centre de planning, soit
accompagnée d’un échange avec des professionnels concernés.
Catherine Daloze
(1) www.clairesimon.fr
(2) www.loveattitude.be
“Les
bureaux de Dieu”
de Claire Simon, avec Nathalie Baye, Béatrice Dalle, Rachida Brakni, Michel
Boujenah…, 2h02.
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