Cinéma (
6 mai 2010)
Le jour où Dieu est parti en voyage
Rwanda
1994. Une haine incommensurable se développe dans ce petit pays d'Afrique
centrale. Un génocide est en train de naître. Les Occidentaux présents
fuient du pays en abandonnant la population à son triste sort.
Jacqueline
en fait partie.
Nourrice dans une famille de Belges, Jacqueline est obligée de se cacher
dans un faux plafond de l'ancienne maison de ses patrons rentrés en Belgique
car la situation dégénère. La peur et la terreur l'habitent mais elle décide
de rejoindre ses enfants laissés seuls au village. Malheureusement, elle
arrive trop tard et les retrouve morts parmi d'autres cadavres. Il ne lui
reste plus rien, à part sa vie à elle. Elle se cache pour se sauver.
Le réalisateur belge,
Philippe Van Leeuw, signe ici son premier long métrage. C'est réussi: il
arrive à parler d'un sujet tragique avec finesse. Le choix des acteurs est
très judicieux et le film respire l'authenticité : “Il fallait qu'elle
(Jacqueline) sache puiser en elle-même, dans son propre vécu, l'expression
de cette terreur. Il fallait qu'elle soit une rescapée du génocide”,
précise Ph. Van Leeuw. Le spectateur vit ses peurs avec elle : il entend son
cœur battre, sa respiration s'accélérer lorsqu'elle est traquée… Peu de
paroles dans ce film mais la caméra à l'épaule remplace tous les longs
discours.
Ce drame de la fin du XXème
siècle a montré la cruauté humaine. Pourtant le film n'affiche pas des plans
sanguinolents. Il amène à réfléchir sur les tensions internationales: Qui
sont les bourreaux? Comment agissent-ils? Pourquoi des génocides se
produisent-ils malheureusement encore? Comment survivre à cette horreur? Et
les souvenirs?
Philippe Van Leeuw a
déjà été récompensé pour ce chef d'œuvre : “Le jour où Dieu est parti en
voyage” a reçu la mention de la meilleure première œuvre au festival du
film de San Sebastian et le prix Découverte au festival international du
film francophone de Namur.
// Virginie Tiberghien
>>
Le jour où Dieu est parti en voyage •
de
Philippe Van Leeuw
•
avec
Ruth Nirere et Afazali Dewaele
•
www.lejouroudieuestpartienvoyage-lefilm.com
•
1h34.
Quand l'Espagne lève le voile
“Les
chemins de la mémoire”: un documentaire instructif, bouleversant et aussi
captivant qu'une fiction sur les horreurs du régime de Franco. Et, surtout,
sur le déni qui les a suivies tout au long du siècle passé.
De
paisibles campagnes espagnoles…
Dans
le sous-sol, encore aujourd'hui,
les
charniers de Franco.
Enfouissez un traumatisme au fin fond de l'oubli.
Un jour ou l'autre, il vous éclate à la figure. C'est pour éviter ce
scénario que José-Luis Penafuerte, petit-fils de réfugiés espagnols ayant
grandi à Bruxelles, s'est lancé dans ce très bon documentaire sur la guerre
civile espagnole (1936-1939) et les décennies de dictature de Franco qui ont
suivi. Un énième documentaire sur cette tragédie historique qui a abouti à
l'exécution de 60.000 personnes et à l'emprisonnement de 400.000 autres? Pas
du tout. Penafuerte a eu l'habilité de filmer avant tout le temps présent
et, selon une dynamique d'urgence, de donner la parole aux témoins encore
bien vivants de cette sombre page du XXème siècle. Belle
prouesse, celle de réaliser un documentaire historique avec si peu d'images
d'archives et sans voix off.
Le film s'ouvre sur ces
équipes de curieux archéologues qui, sous le soleil de plomb de l'Espagne,
mettent à jour les charniers de l'époque franquiste. Ce pays est, en effet,
depuis quelques années, occupé à ouvrir les plaies de son passé: adoptée fin
2007, une loi dite de Mémoire historique engage l'Etat à rendre justice aux
centaines de milliers de victimes du régime franquiste. Pour cela, il faut
retrouver les morts, répertorier mille indices, interroger gens et archives
et… affronter le passé.
Au fil du documentaire,
on ouvre des yeux incrédules devant cette Espagne qui nous paraît si proche
et si familière et qui, pourtant, a mis plus de soixante ans à accepter de
se pencher sur le sort de 120 à 130.000 disparus enterrés dans des dizaines
de fosses communes. Ce qui frappe le plus, ce sont ces visages, parfois
muets de souvenirs douloureux et parfois tellement loquaces lorsqu'il
s'agit, pour ces septuagénaires et octogénaires, de relater aux jeunes
générations ce qui s'est passé dans leur propre pays. Poignante, surtout,
cette classe d'adolescents suspendus aux lèvres de Natividad Rodrigo,
orpheline de la guerre ayant vécu en Belgique et racontant l'absence de
toute possibilité de deuil.
Au total, une
interrogation bouleversante du passé espagnol, jamais complaisante ni
macabre. Et, bien au-delà, une sonnette d'alarme salutaire sur les vieux
démons qui, là-bas comme ailleurs, tendent à grignoter nos démocraties. On
rêve d'y voir débouler les classes d'adolescents de ce début du XXIème
siècle.
// Ph. Lamotte
>>
Les chemins de la
mémoire •
de José-Luis Penafuerte
• avec
Jorge Semprun•
www.lescheminsdelamemoire.com
•
En salle
jusqu’en mai ou juin selon la ville (Liège, Namur, Bruxelles, Mons,
Charleroi et Bruxelles).
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