Cinéma (
18 décembre 2008)
Le sel
de la mer
Annemarie Jacir filme le pays de ses origines avec un regard neuf, celui
d’une Palestinienne de l’extérieur. Entre road movie et pèlerinage.
Soraya,
petite fille de réfugiés palestiniens, est née et a grandi aux Etats-Unis.
Lorsqu’elle débarque de son avion, à Jérusalem, protégée par son passeport
américain, c’est toute sa généalogie qui lui saute à la figure. Par trois
fois, elle devra répéter son histoire, et celle de sa famille: elle est née
à Brooklyn, ses parents sont nés au Liban, son grand-père à Jaffa. Les trois
étapes de sa vie: le pays, les camps, l’exil.
Il n’aura pas fallu plus
de cinq minutes à la réalisatrice Annemarie Jacir pour poser sont point de
vue, celui d’une palestinienne de l’extérieur, comme elle, qui ne connaît du
pays que ce qu’on lui a raconté mais qui décide d’exercer son propre droit
au retour.
Dans le film, Soraya
n’est pas là seulement “pour se rendre compte par elle-même”, comme elle l’a
expliqué à son comité d’accueil, mais pour récupérer l’argent que son
grand-père a laissé sur un compte à la banque avant de quitter Jaffa. Mais
la banque lui oppose un argument imparable: ce compte n’existe plus depuis
la “nakba”, la “catastrophe” en arabe: le déplacement de centaines de
milliers d’Arabes, en 48, lors de la création de l’Etat d’Israël. Alors elle
décide, avec son ami Emad, de braquer la banque pour récupérer cet argent,
et devient ainsi une criminelle. “Mais ils sont déjà criminalisés!”
s’indigne la réalisatrice Annemarie Jacir. “C’est illégal pour un
Palestinien d’aller à Jérusalem, c’est illégal de construire une maison,
illégal de faire tant de choses… des choses élémentaires. Alors eux, ils
prennent les choses en main, ils choisissent de devenirs des criminels, y
compris en passant illégalement en Israël.” Et le film de devenir une
sorte de road movie, entre les territoires occupés et Israël, les maisons
qui ont changé de propriétaire et les villages qui n’existent plus.
“Faire du cinéma,
écrire des poèmes, en Palestine, tout est politique car tout est interdit”,
dit encore la réalisatrice. “Saleh Bakri, l’acteur principal est
Palestinien, mais il a la nationalité israélienne. Il n’avait donc pas le
droit d’aller à Ramallah, où se déroule la première partie du film. Pendant
la seconde partie, qui se déroule dans la Palestine historique , il était en
situation régulière, mais c’est le reste de l’équipe, cisjordanienne, qui
n’était pas autorisé à nous suivre…”
“Le sel de la mer”, tout
premier long-métrage de Annemarie Jacir, est un cri de colère, intime et
politique. Il manque un peu de finesse et les dialogues sont parfois lourds,
mais la sincérité et l’urgence du message pallient ces quelques maladresses.
Linda
Léonard
“Le sel
de la mer”, de
Annemarie Jacir, avec Suheir Hammad, Saleh Bakri et Riyad Ideis. 109 min.
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