Cinéma
(17 avril 2008)
Lady
Jane
Robert Guédiguian évoque l’impasse de la violence dans un polar sombre
et violent.
A
l’époque où les Rolling Stones chantaient Lady Jane, Muriel, René et
François jouaient les Robin des Bois dans les rues de Marseille. Le
visage recouvert d’un masque de vieillard, ils volaient aux riches des
manteaux de fourrures qu’ils redistribuaient aux ouvrières de leur
quartier. Et puis un jour ça tourne mal, et un bijoutier est tué dans un
parking. Le trio décide de ne plus se revoir, dans l’espoir de se faire
oublier. Trente ans plus tard, quand le fils de Muriel est enlevé contre
une rançon exorbitante, le trio se reforme pour réunir l’argent. Mais le
temps est passé par là et les idéaux ont terni. Muriel tient maintenant
une boutique de luxe dans une belle rue d’Aix-en-Provence, René fait de
la figuration dans la pègre locale, et François retape des bateaux dans
un coin venteux de l’étang de Berre.
Ils
sont tous là: Marius, Jeannette, Marie-Jo, son mari et son amant, tous
ces comédiens que l’on suit depuis un quart de siècle dans le cinéma de
Robert Guédiguian. Se définissant lui-même comme un “cinéaste de
quartier”, le réalisateur a en effet décidé de travailler toujours au
même endroit, à Marseille, sa ville, et avec “sa troupe”: sa femme
Ariane Ascaride, Gérard Meylan, Jean-Pierre Daroussin et quelques
autres. De son enfance dans les quartiers populaires, entre un oncle
syndicaliste (le père de Gérard Meylan) et un père instituteur, il se
forge très tôt une conscience sociale qui marquera tout ses films.
Parfois ses comédiens parlent comme à une tribune politique mais le
réalisateur ne s’en défend pas. Il le revendique même, comme “un signe
de sa manière d’être un homme” (1).
Lady Jane est un
polar, un vrai, avec du noir, du sang et des armes. La vengeance et son
impasse, qui semblaient en être le thème principal, deviennent vite une
fausse route. C’est à côté, sur un chemin de traverse que les vraies
choses se passent. Lady Jane devient alors une complainte sur le temps
qui passe, le monde qui change et vous laisse au bord. Sur les illusions
perdues et la compromission. Muriel porte toujours son tatouage, mais
sous un fin pull de cachemire, et François replonge dans la violence
avec jubilation, comme pour en faire ressurgir leur jeunesse. “Le
scénario traduit, de manière métaphorique, la confusion totale qui est
le signe de notre époque, écrit Robert Guédiguian. Le libéralisme
triomphe d’une manière éclatante. Mais tant que je peux prendre la
parole, le combat continue. Je filme pour conjurer le désenchantement.”
Linda Léonard
(1) “Conversation avec Robert Guédiguian”, d’Isabelle
Danel aux Editions Les carnets de l’info – 19 EUR.
Lady
Jane, réalisé
par Robert Guédiguian, avec Ariane Ascaride, Jean-Pierre Daroussin,
Gérard Meylan. 1h42.
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