Cinéma
(6 mars 2008)
La
famille Savage
Tamara Jenkins propose un film drôle et tendre sur un sujet qui ne l’est
pas du tout: la vieillesse et la mort des parents.
Jon
et Wendy Savage n’étaient pas vraiment pressés de revoir leur père,
Lenny. Il faut dire qu’ils avaient tout fait pour échapper à son
emprise, faite d’indifférence et de maltraitance, et ne tenaient pas
vraiment à y replonger. Jon habite Buffalo et, s’il est bien docteur
comme le croit son père, c’est en Art dramatique, toujours à deux pages
de publier un essai définitif sur “le grinçant chez Brecht”. Wendy,
elle, habite un minuscule studio à New York, et fait des intérims en
attendant la bourse qui lui permettra d’écrire enfin sa pièce
«semi-biographique». Leur vie sentimentale est à l’avenant: la petite
amie que Jon n’est pas sûr de vouloir épouser, va devoir quitter le
pays, faute de papiers, et si Wendy n’est pas mariée “son petit ami,
lui, l’est”.
À la mort de sa
femme, Lenny se retrouve sans ressource et lorsqu’on lui diagnostique
une maladie de Parkinson bien installée, Jon et Wendy vont devoir
prendre en charge cet homme qu’ils évitaient depuis des années. Et se
confronter les uns aux autres, et chacun avec soi-même.
“Je me suis aperçue que Hansel et Gretel ressemblaient beaucoup à Jon et
Wendy, explique la réalisatrice Tamara Jenkins, soit des enfants de
quarante ans abandonnés sans le moindre repère, démunis face à la mort,
contraints à grandir, bloqués qu’ils sont dans une adolescence
éternelle. Quand cette tragédie arrive soudain comme une lampe torche
grâce à laquelle ils commencent à regarder leur vie.”
“La Famille Savage”
aborde avec finesse les relations frère-sœur, et la difficulté, une fois
adulte, à maintenir des liens. Mais le film évoque surtout l’angoisse
des enfants devant le vieillissement et la mort de leurs parents, leur
inéluctable finalité qui, au-delà de la perte et de la douleur, nous
parle de notre propre mort. Il s’enrichit d’un arrière-plan politique
quand il oppose des décors de carton-pâte où défilent de très vieilles
majorettes, et les sordides chambres communes des maisons de retraite.
Et puis il y a la culpabilité, parce que, quelle que soit la beauté des
décors, la mort “ça sent toujours la merde, la pisse et la crasse”.
La réalisatrice a
trouvé la distance juste, elle pose sur ses personnages un regard
ironique, tendre et plein de compassion. Les dialogues sont savoureux,
émaillés de références à la littérature et au cinéma, sans jamais être
pédants. Et puis il y a l’interprétation sans faille de Laura Linney et
surtout de Philip Seymour Hoffman (Truman Capote, Oscar du
meilleur acteur en 2005), duo d’acteurs épatants pour un film tout en
finesse, qui laisse quelques bleus au cœur.
Linda Léonard
“La
famille Savage”
de Tamara Jenkins,
avec Laura Linney, Philipp Seymour Hoffman, Philip Bosco. 1h53.
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