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Cinéma  ( 1er octobre 2009)

 

L’armée du Crime

Dans un film qui assume complètement son côté pédagogique, Robert Guédiguian met en lumière un fait de résistance quelque peu oublié.

Le film commence par une litanie. Missak Manouchian, mort pour la France. Thomas Elek, mort pour la France. Marcel Rayman, mort pour la France. Ils étaient vingt-trois, «Vingt et trois qui donnaient le cœur avant le temps / Vingt et trois étrangers et nos frères pourtant(1)». Ils venaient de Pologne, de Hongrie ou d’Espagne. Certains juifs, tous communistes. La plupart n’avait pas vingt ans. Ils seront fusillés au Mont-Valerien, le 19 février 1944. Ils formaient le groupe de résistance Manouchian, que les allemands appelleront “l’Armée du crime”.

Missak Manouchian, poète arménien, est arrivé en France à 19 ans, après le massacre de sa famille par les Turcs. Il fréquente les universités ouvrières de la CGT, fonde plusieurs revues littéraires. En 1934, il adhère au parti communiste et intègre le groupe arménien de la FTP-MOI (Francs-tireurs Partisans de la Main d’Œuvre Immigrée). Après la défaite de 1940, il prend la direction militaire du groupe sous le commandement de Joseph Epstein. Le but du groupe Manouchian est clair: tuer des Allemands, le plus possible, et les plus hauts gradés. Autant pour démoraliser l’ennemi que pour montrer aux Français que la lutte armée est possible.

Le réalisateur Robert Guédiguian, communiste avéré, né de père arménien et de mère allemande, a trouvé là le sujet de sa vie. «Depuis que je suis né, j’ai toujours entendu parler de Manouchian. Il fait partie du Panthéon des grands résistants communistes. Je me souviens en particulier avoir lu la lettre qu’il a écrite avant de mourir. Que Manouchian dise «Je meurs sans haine pour le peuple allemand» me réconfortait sur mes deux origines, et sur l’humanité en général.»

Son film commence comme une chronique sociale et familiale. On y voit Manouchian et sa femme, puis Thomas Elek dans le restaurant familial et Marcel Rayman à la piscine avec son amoureuse. Le film prend le temps de situer les protagonistes dans la vie de tous les jours, pour nous les rendre proches et présenter les racines de leur révolte et de leur engagement. Rapidement, ils seront pris en charge par l’organisation, qui les forme et canalise leur énergie de chiens fous. «Je me suis dit, explique Guédiguian, qu’il fallait tirer ces jeunes vers quelque chose de résolument contemporain, en les faisant agir autour des questions qui traversent le temps: Quelle est notre capacité d’indignation? A quoi s’oppose-t-on? Comment se comporte un groupe?»

Ils seront arrêté au début 1944, peut-être après dénonciation, sur ordre d’une police française des plus zélées. Les forces d’occupation leur feront un procès exemplaire,  transformant celui-ci en propagande contre les Résistants, misant sur la consonance de leurs noms et la xénophobie supposée des Français. Des affiches rouges seront placardées sur les murs de Paris, affichant leurs visages et leurs noms exotiques: «Des libérateurs? Non, des criminels». Aragon en fit un poème: «Mais à l’heure du couvre-feu des doigts errants / Avaient écrits sous vos photos / MORTS POUR LA FRANCE / Et les mornes matins en étaient différents»(1)

Linda Léonard

 

L’Armée du Crime, réalisation Robert Guédiguian. Avec Simon Abkarian, Virginie Ledoyen, Robinson Stevenin, Grégoire Leprince-Ringuet, Lola Naymarck. 2h19

 

(1) «L’Affiche Rouge», poème de Louis Aragon, Le Roman Inachevé, chez Gallimard et en Livre de Poche. Mis en musique par Léo Ferré en 1959.

 


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