Cinéma
( 15 mai 2008)
Julia
Dix ans après “La vie rêvée des Anges”, Erick Zonca revient avec le
portrait époustouflant d’une femme au bord du gouffre.
Vendredi
soir. Tout le monde se retrouve au bar pour se détendre, fêter la fin de
la semaine et boire un verre. Pour Julia, se sera deux ou trois. Et même
plus, beaucoup plus. Jusqu’à se réveiller sur le siège arrière d’une
voiture avec un inconnu, la bouche pâteuse, et les vêtements en
bataille. La quarantaine de moins en moins flamboyante, elle va ainsi,
de biture en biture, être démolie par la vie autant que par elle-même,
sans plus une once d’amour-propre. Un jour, presque par hasard, elle en
vient à enlever un petit garçon, héritier d’un vieux milliardaire.
Commence alors une cavale insensée, entre Los Angeles et Tijuana, au
Mexique.
“Julia” de Erick
Zonca, est tout à la fois un thriller sombre et violent, un road movie
et le fascinant portrait d’une femme dont la vie s’en va à la dérive. On
pense à “Gloria” de Cassavetes, bien sûr, et à Gena Rowland. D’ailleurs
le réalisateur en revendique pleinement l’influence. Et pourtant c’est
une photo qui est à l’origine du film: “Mon désir est né d’une image
d’Helmut Newton, une femme rousse et flamboyante au volant d’une BMW.
J’ai tout de suite eu envie de confronter cette image glamour avec
quelque chose de plus violent: la déchéance causée par l’alcool, la
perte de soi et le rapport vicié à l’autre, une déshumanisation de
l’être”. Et d’ajouter: “Je sais de quoi je parle, je me suis
moi-même détruit pendant 10 ans".
Au début du film,
Julia est dans ce bar. Les autres boivent pour s’amuser. Elle pas, elle
est là pour l’alcool. Et l’alcool fait d’elle une menteuse invétérée.
Elle n’imagine même plus que dire la vérité, parfois, est bien plus
simple que mentir. Mais Zonca ne juge pas. Il raconte, sans psychologie
ni complaisance, une aventure sinistre qui sonde le rapport au monde
d’une femme fâchée avec elle-même. Et là, le kidnapping qui semblait
complètement fou devient un levier vers autre chose, une tentative
désastreuse pour éviter le naufrage.
Dans le rôle-titre,
l’actrice anglaise Tilda Swinton (“Les chroniques de Narnia” et, plus
récemment, “Michael Clayton”) est tout simplement magistrale. Toujours à
la limite du déséquilibre, vacillant sur ses grandes jambes tel un
oiseau blessé, son visage est comme un paysage immense sous une lumière
changeante.
Linda Léonard
Julia,
réalisé par Erick Zonca, scénario de Aude Py et Eick Zonka. Avec Tilda
Swinton, Saul Rubinek, Kate Del Castillo, Aidan Gould. 2h18.
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