Cinéma
(5 octobre 2006)
Indigènes
“Indigènes”
raconte l’histoire de quatre soldats de l’armée d’Afrique
venus se battre
pour libérer la “Mère Patrie”.
1943, des agents recruteurs arpentent
les rues des villages algériens pour inciter les hommes à s’enrôler.
L’Algérie
est française et des dizaines de milliers d’hommes partiront pour libérer
la “Mère Patrie” de l’envahisseur nazi. Saïd (Djamel Debbouze), Abdelkader
(Sami Bouajila), Messaoud (Roschdy Zem) et Yassir (Samy Naceri) grimpent
dans le camion avec des motivations très différentes. Saïd rêve de
liberté, Abdelkader d’égalité et Messaoud de fraternité. Yassir, lui, est
là pour l’argent, celui de la solde, et puis celui des petits trafics.
“Des indigènes? Des musulmans?”, s’interroge un gradé dans la soute du
navire qui les emmène vers la France. “Des hommes, tout simplement, mon
colonel”. Pourtant, ils resteront des indigènes, ou alors des
bougnoules, ou des macaques. Et si la cause est juste, la France elle,
sera injuste. Tout, la solde, les rations alimentaires, les permissions,
les promotions, tout sera injustement réparti. Ils iront dans les Vosges
en sandales, se battront deux années durant sans permission, leur solde
sera le quart de celle d’un “Français de France”. Le réalisateur Rachid
Bouchareb explique: “Je voulais juste transmettre au public un chapitre
historique absent de tous les manuels d’histoire. On oublie souvent,
lorsque l’on parle d’immigration, que les pères de bien des immigrés
d’aujourd’hui furent un jour accueillis en libérateur”. Le film
profite de la présence éminemment “bankable” de Jamel Debbouze, qui est
également producteur du film : “Savoir que mon grand-père s’était battu
pour la France renforçait un sentiment profond. Ce pays est le mien. Il
n’est pas question d’autre chose que d’être en paix, à sa place, en
sachant d’où on vient et d’en finir avec ce sentiment détestable qui
essaie de vous faire croire que vous êtes étranger”.
A l’indépendance, les pensions
de tous les anciens combattants coloniaux seront “gelées” à leur niveau de
1959. Aujourd’hui encore, les anciens tirailleurs perçoivent en moyenne un
quart de ce que touchent leurs anciens compagnons d’armes français.
Jacques Chirac, qui a vu le film avec toute l’équipe et sous l’œil des
caméras de télévision, s’est ému de cette situation et a décidé de
“mettre fin à cette injustice manifeste” (1). Ce sera donc un film qui
fera bouger les choses, plus que le travail incessant de dizaines de
comités d’anciens combattants. Peut-on s’en réjouir? “Indigènes” est un
film grand public, très “américanisé”, excellemment interprété par des
comédiens très populaires auprès d’un public jeune. “Pour tous ceux qui
aiment le cinéma, “Indigènes” est un film aussi spectaculaire qu’humain,
et pour beaucoup, je crois, qu’il va leur permettre de trouver sereinement
leur place dans notre pays”, ajoute Djamel Debbouze
Linda
Léonard
(1) Jacques Chirac en avait
déjà fait la promesse durant les campagnes présidentielles de 1995 et de
2002. En 2001, un arrêt du Conseil d’Etat jugeait que cette distinction de
traitement contrevenait à l’article 14 de la Convention Européenne des
Droits de l’Homme
Indigènes, de Rachid
Bouchareb, avec Djamel Debbouze, Sami Bouajila, Roschdy Zem, Samy Naceri,
Bernard Blancan. Musique de Khaled. 2h08.
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