Cinéma
(18 janvier 2007)
Fur,
portrait imaginaire
de Diane Arbus
Nicole
Kidman incarne la grande photographe américaine Diane Arbus dans une
biographie fantasmée par Steven Shainberg.
Fin des années 50, à New York.
Diane, jeune femme issue de la grande bourgeoisie juive, vit avec son
mari, photographe de mode, qu'elle assiste dans son travail. Un jour, un
étrange voisin investit l'appartement au-dessus du leur. Il porte en
permanence un masque, des gants, et fascine littéralement la jeune femme.
Prétextant un reportage photographique, elle frappe à sa porte, et
découvre un être charmant, fascinant, et totalement couvert de poils. Une
étrange relation s'installe, et Lionel, le voisin velu, lui fait découvrir
son univers peuplé de nains et de siamoises, de travestis et de manchots.
Le monde des “freaks”, les monstres, les déclassés, qu'elle ne cessera
plus de photographier.
Drôle
d'objet que ce film de Steven Shainberg, un “portrait imaginaire” de la
grande photographe américaine Diane Arbus, morte il y a 35 ans. Partant
d'éléments vrais, le réalisateur brode une fable baroque qui met en
évidence les déclics émotionnels qui transformèrent une épouse exemplaire
et un peu coincée en une artiste libre et novatrice. C'est un peu
l'histoire de la Belle et la Bête, d'autant que le voisin fait
curieusement penser à Jean Marais, dans le film de Cocteau. Pour qui
connaît l'œuvre d'Arbus, le film est parsemé de mise en place de ses
photographies, et l'on peut voir défiler ceux qui seront ses modèles: le
géant qui se cogne la tête au plafond, la violoncelliste manchote qui joue
avec ses pieds, les décalés, les bizarres. Dans ce film, tout est symbole
: l'escalier entre le monde réel et l'irréel, les lapins blancs, les
couleurs. Glauque. Mot étrange dont l'acception figurée fait référence au
trouble, voire au malsain, alors que son sens propre parle d'une couleur
difficile, mélange incertain de vert et de bleu, tels les murs de la
chambre du “monstre”, et qui convient ici parfaitement.
En 12 ans de travail, entre 56
et 71, Diane Arbus ne laisse que 500 photographies. “Je veux
photographier le diable, disait-elle, l'inné, la part des fêlures, des
greffés, nos abîmes.” Fille de riches fourreurs, elle quittera son
mari et ses filles, pour passer du temps avec ses modèles. Elle mettra
neuf mois pour photographier le géant Eddie Camel. “Ce qui rend les
photos de Diane si émouvante, c'est qu'elles naissent d'une relation
longue et complexe avec le sujet”, écrit le réalisateur Steven
Shainberg. Diane Arbus se donnera la mort, le 26 juillet 1971 en s'ouvrant
les veines dans sa baignoire. “Une photographie est un secret à propos
d'un secret. Plus elle vous en dit, moins vous en saurez”,
disait-elle. Merveilleuse définition de la photographie.
Linda
Léonard
Fur : un portrait imaginaire
de Diane Arbus, de Steve Shainberg, d'après le livre Patricia Bosworth.
Avec Nicole Kidman, Robert Downey Jr, Ty Burrell, Harris Yulin.
Pour en savoir plus:
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“Diane Arbus, ou le rêve du naufrage”,
de Patrick Roegiers chez Perrin. “Diane Arbus,
une biographie”, de Patricia Bosworth, au Seuil.
Et pour voir ses
images : “Diane Arbus: Revelations” par
Doon Arbus et Diane Arbus, chez Random. |
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