Cinéma (
2 octobre 2008)
Entre les
murs d’une classe de 4ème
François enseigne dans un collège parisien dit difficile. Jeune professeur
de français, il est titulaire d’une classe de 4ème. Une classe
qu’il rencontre, affronte, qu’il va “chercher”.
La
classe compte 25 élèves, 25 personnalités, certaines plus effacées que
d’autres qui interpellent le professeur, lui posent des questions, le
mettent en difficulté. L’exercice d’une certaine démocratie s’immisce dans
l’apprentissage quotidien. François ne fait pour autant pas figure de
super-héros, de modèle à suivre. Comme les élèves de la classe, Esméralda,
Louise, Souleymane, Khoumba, Wei… ne nous confrontent pas aux portraits
d’adolescents idéalisés.
Entre les murs, est en
fait le spectacle du quotidien d’une salle de cours et de ses protagonistes
sans manichéisme, sans angélisme. Une véritable chronique de la vie d’une
classe, lieu d’où l’on ne sortira que peu – pour un détour pas la cour de
récréation, quelques incursions dans la salle des profs -, lieu où se
côtoient ces individus qui ne se sont pas choisis mais qui sont amenés à
travailler ensemble pendant toute l’année.
Scènes de classe
La versification, le
subjonctif, la lecture du journal Anne Frank…, ces moments de transmission
classique de savoirs, amènent la classe à dériver au cœur d’échanges avec le
professeur. Spectateur, on assiste à “leurs joutes oratoires” drôles, dures,
surprenantes, émouvantes et surtout particulières aux yeux de Laurent Cantet,
le réalisateur: “peu importent la force et la pertinence des positions,
ce qui compte avant tout est d’avoir le dernier mot. C’est un jeu où les
adolescents excellent, une espèce de rhétorique en boucle dans laquelle les
profs sont souvent amenés à entrer eux aussi.”
“Entre les murs” déploie
la réalité d’une classe, d’une classe fictive aux accents authentiques. Car
la Palme d’or du festival de Cannes 2008 bouscule les définitions entre le
documentaire et la fiction. Le choix du dispositif – partir d’un collège
existant et engager dans le processus du film tous les acteurs de la vie
scolaire - n’est pas étranger à ce trouble. L’équipe du film a poussé la
porte du Collège Françoise Dolto à Paris et a mis en scène un casting
d’élèves et de professeurs du Collège, sur base du roman de François
Bégaudeau (1) qui joue le rôle du prof qu’il est également
dans la vie. Le dosage se fait alors très subtil entre l’écriture, la trame
du film et ce qui peut venir des prises, des interactions spontanées entre
les apprentis comédiens. Le réel s’importe au cinéma sous le jeu de ces
experts du quotidien de l’école.
Si Laurent Cantet et
François Bégaudeau semblent se défendre d’un film à thèse à propos de
l’école française d’aujourd’hui, il n’en reste pas moins que filmer ces
scènes de classe, les amène à montrer une école qui “crée sans cesse des
situations géniales”; mais qui en même temps se revèle finalement
“discriminante, inégalitaire, fabriquant de la reproduction…”, comme le
disent les scénaristes. “Cette tension est celle du film”,
résument-ils.
Catherine Daloze
(1) “Entre les murs”, Editions Gallimard, Verticales, 2006.
“Entre
les murs”,
France, 2h30. Réalisation: Laurent Cantet.
Scénario: Laurent Cantet, François Bégaudeau, Robin Campillo. Distribution:
Haut et Court.
Site:
www.entrelesmurs-lefilm.fr/
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