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Cinéma (19 janvier 2006)

La constance du jardinier

Les lecteurs du roman de John Le Carré, "The Constant Jardiner", attendaient avec curiosité son adaptation à l'écran par Fernando Meirelles, auteur brésilien de "La cité de Dieu".

Justin Quayle (Ralph Fiennes), membre du haut-commissariat britannique au Kenya, est un parfait gentleman, amoureux de ses fleurs… et de Tessa, son épouse (Rachel Weisz). Celle-ci, avocate passionnée, en marge des activités diplomatiques de son mari, s'intéresse au fonctionnement des laboratoires pharmaceutiques et met à jour des pratiques qui ne respecteraient pas les règles éthiques fondamentales des essais thérapeutiques. Le rapport qu'elle fera envoyer à Londres sera étouffé et Tessa retrouvée assassinée. Justin enquête alors avec ténacité sur la mort de son épouse pour découvrir à son tour les actes criminels que sa femme était prête à dénoncer…

Le roman de John Le Carré est d'abord une bouleversante histoire d'amour, sur fond d'exploitation sociale. Mais, dénonçant l'indifférence des pays industriels à l'égard de certaines pratiques douteuses de l'industrie pharmaceutique, il avait suscité à sa sortie (1999) de nombreuses réactions de la part de l'industrie pharmaceutique qui ne voulait y voir qu'un roman de fiction. Et aujourd'hui encore, celle-ci ne veut y voir "pure fiction [qui] nécessite des rectifications" (1). "J'aurais pu évoquer le scandale des cigarettes trafiquées... J'aurais pu évoquer les compagnies pétrolières..., déclarait John Le Carré, mais le monde des multinationales pharmaceutiques m'a pris à la gorge et ne m'a plus lâché, dès que j'y ai mis le nez. "Big Pharma", comme on l'appelle souvent, réunit tout ce qu'on peut imaginer : les espoirs et les rêves que ce secteur incarne, sa capacité – en partie concrétisée – à faire le bien, et sa face cachée, terriblement sombre, entretenue par des sommes d'argent colossales…" Quant au réalisateur brésilien, Fernado Meirelles, il explique : "Lorsqu'on essaie de fabriquer des médicaments bon marché, équivalents de médicaments brevetés, on prend très vite conscience de la puissance sidérante du lobby de l'industrie pharmaceutique."

"La constance du jardinier" n'est pas un film politique, à la manière d'un Costa-Gavras. Les paysages du Kenya sont magnifiquement photographiés et il s'agit d'une histoire d'amour poignante. Un homme tranquille épouse une femme passionnée, et ce n'est qu'après sa mort que Justin découvre à quel point il l'aimait. Mais, préoccupé par son jardin, il était passé à côté de l'essentiel, s'excusant de ne pouvoir la suivre dans sa fougue militante au nom de sa carrière.

Mais, nous ne sommes pas simplement en face d'une simple histoire romancée sur fond d'évènements sociaux dramatiques. Dans ses romans, John Le Carré traite en arrière-fond des maux du monde occidental, comme les guerres impériales des Etats-Unis dans "Le Tailleur de Panama" ou le trafic d'armes dans "Le Directeur de nuit". Le film, à son tour, sans faire du documentaire-fiction, porte aussi la caméra vers les zones d'ombre d'une industrie mondiale dont la transparence n'est pas la plus grande des qualités.

Il est vrai, comme l'affirme les firmes pharmaceutiques, que les essais cliniques sont strictement règlementés et que les entreprises qui y dérogeraient seraient poursuivies devant les tribunaux… dans les pays occidentaux. Mais en Afrique ? Qui pourrait affirmer que ces règles sont partout respectées scrupuleusement (2) ! Ce n'est pas le moindre mérite du film que de nous faire sentir comment nos raisons de rester raisonnables peuvent contribuer à soutenir la violence tranquille (c'est-à-dire non armée) de certaines grandes sociétés multinationales ou de grandes administrations.

Christian Van Rompaey

(1) Voir www.pharma.be  (le site belge de l'Association Générale de l'industrie du médicament) ainsi que www.leem.org  (le site français des entreprises du médicament).

(2) Lire dans le Monde Diplomatique www.monde-diplomatique.fr : l'Afrique, cobaye de Big Pharma de Jean-Philippe Chippaux, médecin, directeur de recherche à Dakar, ainsi que Apartheid médical, collection "Manière de voir" (février 2004).


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