Cinéma
(20
septembre 2007)
Caramel
La Libanaise Nadine Labaki entrecroise le destin de cinq femmes ballottées
entre Orient et Occident.
Le
caramel à Beyrouth, lorsqu’il est allongé d’une goutte de jus de citron,
sert à réjouir les papilles, mais aussi, et c’est radical, à arracher les
poils disgracieux. C’est un peu brutal, certes, mais terriblement
efficace. Et puis ça sent bon. Au salon “Si Belle”, elles sont trois à
traquer le duvet: Layale, la propriétaire du salon, jolie jeune femme, qui
vit toujours chez ses parents; Nisrine, future mariée, et Rima, un peu
garçon manqué. Et puis il y a Jamale, cliente fidèle qui se vient se
refaire une beauté entre deux casting, et la Tante Rose qui retouche les
vêtements. Elles sont belles, sensuelles, et couvertes de bijoux; elles
sont à tous les stades de la vie; elles sont toutes les femmes du monde.
Mais leur monde à elles, c’est le Liban, coincé entre deux cultures, entre
deux civilisations, entre deux guerres. Et là, dans cet entre-deux, rien
n’est simple: Layale, chrétienne, aime un homme marié, Nisrine, musulmane
n’est plus vierge, et Rima aime les femmes. Jamale n’accepte pas son âge
et Rose a sacrifié sa vie à sa sœur malade.
“Aujourd’hui, dans cette
partie du monde, le Liban apparaît comme un exemple d’ouverture, explique
la réalisatrice Nadine Labaki qui joue le rôle de Layale. Mais ce n’est
pas toujours vrai. Derrière cette façade, nous subissons encore beaucoup
de contraintes, la crainte permanente du regard des autres, et la hantise
de leur jugement. Dans ce contexte, la femme libanaise est minée par le
remords et la culpabilité . Au Liban, tout est devenu acte politique,
ajoute la réalisatrice, et Caramel porte malgré lui un message: en dépit
de l’opposition entre les différentes religions, réactivées par cette
guerre, la cohabitation et la coexistence sont naturelles. Du moins c’est
comme ça qu’il faudrait vivre.”
Le film est construit selon le
procédé des destins croisés et manque parfois un peu de nervosité. Mais la
lumière qui frôle les femmes rêveuses et transforme en or la décrépitude
des rues est si belle. Et les portraits sont justes. Merveilleux celui de
Lily, la sœur folle de Tante Rose qui ramasse tous les vieux papiers à la
recherche des lettres égarées de son amant perdu. Et touchant celui de
Charles, qui fait raccourcir ses pantalons encore et encore, pour croiser
le regard de la belle couturière. Un moment à part.
Linda
Léonard
Caramel de Nadine Labaki, avec Nadine
Labaki, Yasmine Al Masri, Joanna Moukarzel, Gisèle Aouad. 1h36.
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