Cinéma (
19 février 2009)
Amours
aveugles
Trouver sa place dans le monde, trouver l’amour, quand on est aveugle… Un
documentaire slovaque qui surprend et émeut.
Helena
est aveugle, mais ses yeux brillent du bonheur de porter un enfant. Zuzana
est aveugle, elle aussi, ce qui ne l’empêche en rien de draguer sur le net.
Miro est aveugle, gitan et basané, et ça ne plaît pas du tout à la mère de
sa fiancée. Ils sont tous aveugles et ils sont tous amoureux. Tel est le fil
conducteur de ce film du Slovaque Juraj Lehotsky, qui se lit un peu comme un
recueil de nouvelles. La première donne bien le ton, à savoir le parti pris
d’observation d’un quotidien placé sur le même pied d’égalité que celui des
gens dits “normaux”. Peter, professeur de musique guide les doigts de ses
étudiants sur le clavier d’un piano, ou raconte des films à sa compagne en
inventant la bande-son sur son clavier. Dans la seconde, Miro est amoureux
de Monique. «Tu dois être divine, je vais me battre pour toi», lui
susurre-t-il. Et ce sera nécessaire face à la famille qui n’accepte pas leur
relation. Viennent ensuite Helena, et sa peur de se voir enlever son enfant
«qui serait sûrement mieux dans une famille normale». Et puis Zuzana
qui drague par ordinateur interposé, Tchaïkovski en fond sonore, sans jamais
dire qu’elle ne voit pas.
La cécité est ici
abordée non comme un handicap, mais comme une simple réalité, qui aurait
cependant quelques inconvénients. «Ça me fait un peu de peine de ne pas
le voir», dira Helena à sa coiffeuse à propos de son enfant à naître
«mais je suis sûre que ce sera compensé par autre chose». Dans une
cinquième partie en forme d’épilogue, on reverra chacun, quelques mois ou
années plus tard: Peter et ses élèves en concert, Miro futur papa, Helena et
sa fille au cinéma. Seule Zuzana cherche toujours, et sa place, et son âme
sœur.
Présenté à la Quinzaine
des réalisateurs du Festival de Cannes en 2008, “Amours aveugles” est
cependant un film un peu indécis. Il se présente comme un documentaire, mais
il est clairement et fortement scénarisé. Pour preuve, le moment de fiction
onirique qui montre Peter emporté par un calamar géant. Scène qui donne sa
force au portrait, certes, mais qui ne peut se voir que comme une tentative
subjective d’interprétation de la vie des personnes, ou faut-il dire des
personnages? Restent des portraits qui surprennent et ravissent, et la
démonstration que l’amour, lui aussi, est aveugle.
Linda
Léonard
Blind
Loves, de Juraj
Lehotsky. Avec Peter Kolesár, Miro Daniel, Elena Gabika et Zuzana Pohánková,
77 min.
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