Cinéma (
17 décembre 2009)
Amour
impossible à
Jérusalem
Primé
au festival de Gand en octobre dernier, le film «Tu n’aimeras point» de
l’Israélien, Haïm Tabakman montre, avec une grande sobriété, le poids d’une
religion dans les relations humaines. Une plongée tout en finesse dans le
monde du judaïsme orthodoxe et des amours interdits.
Avec
sobriété,
les
acteurs témoignent du poids de la religion.
Aaron
est boucher à Jérusalem. C’est un homme respectable dans la communauté juive
de son quartier. Marié et père de famille, il inspire le respect. Un jour de
pluie, il voit entrer dans son commerce, Ezri, un jeune homme à la recherche
d’une yechiva, une école pour étudier la Torah. Comme Aaron a besoin d’un
employé, il l’invite à rester quelques temps. Au fur et à mesure, une grande
tendresse naît entre les deux hommes malgré la religion et le regard de
l’entourage. Mais les rumeurs vont bon train dans le voisinage.
Dans une société où tout
geste est codifié et où tout acte doit être pensé par rapport à la religion,
Aaron sent que son attirance pour Ezri n’est pas saine. L’atmosphère du film
fait transparaître son malaise. Pour son personnage principal, le
réalisateur, Haïm Tabakman n’a pas choisi le métier de boucher par hasard.
Le maniement de la chair animale rappelle tout au long de l’histoire
l’attirance physique d’Aaron pour Ezri. On connaît également l’importance du
boucher dans la société juive car il rend la viande casher.
«Eyes wide open»
est le titre original de ce film. Haïm Tabakman a voulu ouvrir les yeux de
tous en réalisant son premier long métrage autour de thèmes qui bousculent.
L’intitulé rappelle celui de Stanley Kubrick, «Eyes wide shut» mais
l’Israélien est très loin des scènes de débauches étalées dans le film
américain. Même s’il met quand même en lumière des amours interdits et
cachés.
Le réalisateur soulève
des sujets tabous : l’homosexualité mais également, l’adultère. Avec un œil
sensible, il aborde ces thématiques sans pathétisme. Les personnages sont
attachants. Le spectateur ressent la douleur des héros et leur difficulté à
porter le secret de cette liaison. Pourtant, ils s’aiment, a-t-on envie de
crier lorsque la communauté se permet de juger cette relation. Les regards
pesants du quartier, la boucherie obscure, le temps maussade…, tous ces
éléments du film font prendre conscience du poids des préceptes, parfois
trop lourds à porter. Ce «Brokeback mountain» version israélienne
montre la difficulté qui persiste d’accepter les amours différents.
Virginie Tiberghien
Tu
n’aimeras point,
de Haïm Tabakma. Avec Zohar Strauss, Ran Danker, Ravit Rosen. 1h31.
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