Cinéma (3 décembre 2009)
Altiplano
Un
très gros coup de cœur pour ce film envoûtant qui relate le combat des
Indiens andins pour conserver leur lien sacré à la terre.
Reporter
de guerre, Grace est forcée de photographier l’exécution de son jeune guide
irakien. Traumatisée, elle laisse son mari Max partir seul en mission
humanitaire au Pérou. Non loin du dispensaire où il opère de la cataracte,
les habitants du village de Turubamba tombent malades les uns après les
autres, victimes des rejets de mercure d’une exploitation minière. La jeune
Saturnina perd son futur mari, atteint du mal étrange. Ignorant les causes
véritables de l’épidémie qui les frappe, les villageois en tiennent les
médecins étrangers pour responsables, et Max est tué lors d’une rixe. Grace
accomplira alors le pèlerinage qui lui permettra de faire son deuil, et
Saturnina entrera en guérilla contre les multinationales qui colonialisent
économiquement son pays.
Le réalisateur belge
Peter Brosens et l’américaine Jessica Woodworth remportaient en 1996 le Lion
d’or au festival de Venise pour le film “Khadak”, qui racontait la révolte
d’un peuple dessaisi de son lien à la terre par une exploitation
industrielle abusive. “Altiplano” reprend cette thématique en la transposant
sur les hauts plateaux andins, en une sorte de long poème lyrique. Les
personnages sont filmés d’une façon frontale, rappelant le théâtre, en de
longs plans-séquences, avec pour décor des paysages grandioses à la
dimension quasi mythologique. Chaque scène est d’une beauté hypnotique,
chargée de symbole: «L’histoire et les cultures non occidentales nous
rappellent sans cesse que la raison n’est pas le meilleur moyen
d’appréhender la vie et la réalité, et que cette tendance permanente à la
démystification peut nous égarer, expliquent les réalisateurs. Nous nous
sommes engagés dans ce que l’on pourrait appeler un cinéma “spirituel” et
Altiplano offre la possibilité de redécouvrir des valeurs et des attitudes
qui ne font plus partie depuis longtemps du patrimoine spirituel européen.»
Le film est aussi une
réflexion sur l’image, au départ de cette photo qui n’aurait jamais dû
exister. Elle se poursuit avec les portraits des disparus que l’on porte
là-bas en signe de deuil et de révolte, et les images presque insoutenables
d’un “suicide de protestation”, enregistrées par une caméra qui passera de
main en main, signes tangibles de la réalité de l’histoire.
«Un
cinéma spirituel, libre des contraintes du marché, rappelle au spectateur le
pouvoir guérisseur de l’émerveillement, le besoin de synthèse plus que
d’analyse , explique Jessica Woodworth. Il honore la complexité de notre
monde, évoque le sacré, nous invite à être humble et reconnaissant; il
respecte le mystère de notre existence.»
Linda
Léonard
Altiplano, de
Peter Brosens et Jessica Woodworth. Avec Jasmin Tabatabai, Magaly Solier,
Olivier Gourmet. 1h49.
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