Cinéma (
16 septembre 2010)
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Sept hommes face à leur mort
Adem
Le
cinéma du Nord du pays est décidément en très grande forme… La preuve avec
“Adem”, un film drôle et touchant sur la vie et la mucoviscidose.
Le
film commence par une scène assez terrifiante.
Un tout petit garçon, pieds nus et en slip, est traîné dans les couloirs
d’un hôpital. Monté sur une estrade, il est un “cas” présenté à un
amphithéâtre d’étudiants blasés. A côtés de lui, un ado pas plus habillé
tente de le soutenir. On parle de l’état de leurs poumons et de leur
espérance de vie. Faute d’une greffe, ils n’atteindront probablement pas
l’âge adulte. Mucoviscidose, ou fibrose kystique. Comme ça, ils sont au
courant.
Quelques années plus
tard, Tom, le petit garçon est devenu un joli jeune homme, qui vit un peu
comme chez lui dans les couloirs de l’hôpital. Ses poumons sont toujours en
mauvais état, et il approche tout doucement du terme annoncé. D’ailleurs son
frère, atteint du même mal, attend une greffe de poumons à l’étage
au-dessus. Alors, puisque la vie sera courte, autant en profiter. Mais dans
le cadre un peu restreint de l’enceinte de l’hôpital : une course poursuite
dans les couloirs, des pizzas dévorées en cachette, quelques goulées
d’alcool. Et puis un vol de médicaments aussi, avec ses copains peu
fréquentables, et une improbable histoire d’amour avec Eline, en chambre
d’isolement.
Xavier, l’ado
compatissant, a maintenant la trentaine branchée, une voiture de luxe,
“avance sur son héritage”, comme il dit, et une petite amie qui veut
absolument un enfant de lui. Sa maladie lui sert à la fois de tremplin, un
adversaire intime à battre à la course, et d’excuse pour ne pas s’engager.
Ils ne sont pas vraiment amis, simplement voisins. Mais être voisin, c’est
aussi “présenter des traits de ressemblance”, et Tom et Xavier en ont
beaucoup, puisque lorsqu’un poumon est disponible, ils sont tous les deux
compatibles.
Hans Van Nuffel, le
réalisateur est lui-même atteint de cette maladie qui hypothèque les poumons
et oblige les malades à des traitements constants : “À mon avis, mon film
n’a pas pour sujet la fibrose kystique mais l’instinct de survie. En
général, les gens ne font pas de cas du fait que la vie est très fragile ou
à quel point elle peut être courte. Les personnages principaux de mon film
sont très sensibles à leur courte existence et ils veulent en tirer le
maximum. La maladie a changé leur perception d’eux-mêmes.”
“Adem”, “Oxygène”
en français, a remporté le Grand Prix des Amériques au Festival des films du
monde de Montréal. Il témoigne de la réjouissante vitalité du cinéma
flamand : il y eut “My Queen Karo”, de Dorothée van den Berghe, “Unspoken”,
de Fien Troch et puis le très dé-culotté “La merditude des choses” de Felix
van Groeningen. Un petit vent du Nord très vivifiant…
// Linda Léonard
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Adem, de Hans Van
Nuffel,
sur une
scénario de Hans Van Nuffel et Jean-Claude van Rijckeghem
•
Avec Stef Aerts, Wouter Hendrickx, Marie Vinck, Anémone Valcke
•
90’
Sept hommes face à leur
mort
"Des
hommes et des dieux" rend un hommage bouleversant aux moines assassinés
près d'Alger il y a quatorze ans.
“Des
hommes et des dieux” est un de ces films
qui élèvent l'âme.
Qui, avec autant
de discrétion que de puissance, permettent de nous interroger sur notre
condition d'homme et de femme, sur le sens des engagements et la résistance
face à la barbarie. Il raconte l'histoire de sept moines cisterciens
français, vivant dans un monastère à une cinquantaine de kilomètres d'Alger
à la fin des années nonante. Le film s'inspire scrupuleusement de faits
authentiques et dramatiques qui, au printemps 1996, ont vu ce petit groupe
de religieux pris en otage par un groupuscule islamiste, puis sauvagement
assassiné quelques semaines plus tard.
Grâce à la ténacité d'un
moine trappiste qui vit actuellement à Chimay, l'enquête n'a pas sombré dans
les oubliettes de cette période très tendue de l'histoire algérienne, faite
d'états d'urgence, d'assassinats politiques et de violences islamistes. Mais
il s'en est fallu de peu; et les véritables coupables et commanditaires
n'ont pas été identifiés.
Le réalisateur Xavier
Beauvois nous présente longuement les moines catholiques dans leur vie
quotidienne, profondément immergée dans l'islam des villageois. Les
religieux sont magistralement interprétés, notamment par Michael Lonsdale et
Lambert Wilson. Filmées avec une telle humanité, la paix et l'harmonie liées
à cette coexistence sont, en elles-mêmes, un formidable pied de nez aux
vociférations des fous de Dieu, anciens et actuels. Puis, la violence
survient. D'abord lointaine, puis de plus en plus menaçante. Les moines
s'interrogent: rester ou partir? Ils se montrent alors terriblement humains:
peureux, courageux, les deux à la fois. Dieu, dans ces moments-là, met
parfois du temps à répondre aux appels de détresse.
Le coup de force de ce
film est double: faire monter la tension, très vite, dans un univers où tout
n'est que lenteur. Prières, psaumes et chants liturgiques sont, à cet égard,
très fidèlement rendus et sans la moindre bondieuserie ni sentiment d'ennui.
Mais il rend également palpable – avec quel brio! – le moment exact où,
après tant d'hésitations et de déchirements sur la vacuité de leur éventuel
martyre, les moines décident de rester sur place et de faire face à une mort
très probable. Qu'on soit croyant ou non, le mot “fraternité”, visuellement
palpable, prend alors tout son – ou plutôt ses – sens.
On regrettera peut-être
un ou deux moments –très courts – de déversement d'hémoglobine, inutile(s).
Mais le film de Xavier Beauvois mérite amplement sa distinction, le Grand
prix du festival de Cannes en 2010.
// Ph.L.
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Des hommes et des
dieux,
de
Xavier Beauvois
•
avec Michael Lonsdale, Lambert Wilson, Jean-Marie Frin, etc
•
120'
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