Cinéma (
19 novembre 2009)
► Les Barons
A l’origine
Xavier
Giannoli raconte l’histoire invraisemblable et pourtant vraie d’un gars qui,
tout seul et sans un sous, relance un chantier d’autoroute et redonne espoir
à toute une région. Escroc mais pas trop.
A
l’origine, il s’appelle Paul, mais on l’appellera Philippe, Philippe Miller.
On croit comprendre qu’il sort de prison, et que sa femme l’a quitté, qu’il
a dormi un temps dans la rue. Il vit d’embrouilles miteuses et d’arnaques
minables. Un jour, il s’arrête dans une petite ville du Nord, grise et
boueuse, juste le temps de monter une combine. Mais les choses prennent de
l’ampleur et, de petits mensonges en omissions, les habitants du coin le
prennent pour l’entrepreneur providentiel venu relancer le chantier
d’autoroute, abandonné deux ans plus tôt. Au lieu de filer au plus vite avec
l’argent des pots-de-vin des commerçants locaux, Philippe va se prendre au
jeu, tout surpris de sentir se développer en lui une gamme de sentiments
nouveaux : la solidarité, la culpabilité et l’amour.
Le film de Xavier
Giannoli est basé sur un fait divers survenu il y a quelques années dans le
nord de la France. Une histoire proprement ahurissante, tant il est vrai que
la vie invente des scénarios que n’oserait aucune fiction. C’est toute une
ville qui va s’emballer à partir de rien, aveuglée par un espoir de
prospérité, de la jolie maire énamourée au banquier local qui ne voudrait
surtout pas manquer le coche. Et le film de passer d’une minable histoire
d’arnaque à l’épopée grandiose. Xavier Giannoli parle de «rédemption par
l’escroquerie»: «en rencontrant ces hommes et ces femmes qui veulent lui
faire confiance, mon escroc cupide va se poser la question de la
responsabilité, de l’égoïsme. Bref, il s’éveille aux autres, au souci du
monde. Sa route devient ainsi une chemin de vie.» Le film se déploie
alors sur des paysages amples et vides, ce chantier de boue et de pluie,
éclairé comme un plateau de cinéma et traversé du ballet des engins
gigantesques. Il y a un petit quelque chose de Fitzcarraldo
(1), chez Philippe Miller, soûlé de sa propre aventure, obsédé par une
quête dont personne, et surtout pas lui, ne voit le but. D’ailleurs cette
route, personne ne sait où elle va, ni ce qu’elle relie.
Autour de François
Cluzet, sommé d’être à la fois lui-même et quelqu’un d’autre, toute une
série de beaux personnages caractérisés, enracinés : Emmanuelle Devos, qui
peut décidemment tout faire, et la jeune Stéphanie Sokolinski, sorte de
Rosetta des motels.
On sait bien que ça
finira mal, que l’aventure tournera court et que cette route n’ira jamais
nul part, mais c’est le chemin qui compte, bien plus que la destination.
Vincent Rottier, qui joue un jeune voyou avide de réinsertion, aura cette
parole: «l’important, c’est qu’on vive un truc ensemble».
Linda
Léonard
(1) Film de Werner Herzog en 1982, avec Klaus Kinski.
A
l’origine, de
Xavier Giannoli, avec François Cluzet, Emmanuelle Devos, Stéphanie
Sokolinski, Vincent Rottier, Gérard Depardieu. 2h10.
Les Barons
“Pour
être un baron, dans la vie, il faut être le moins actif possible!” Le décor
est planté dès les premières minutes du film. Hassan, Mounir et Aziz, eux,
sont de vrais barons. Leur philosophie: se la couler douce. Ils restent
vautrés à longueur de journée sur les fruits et légumes de l’épicerie du
coin. Pourtant, Hassan a d’autres ambitions: il rêve de devenir humoriste.
Ce
film dépeint, avec beaucoup d’humour, la vie de jeunes bruxellois issus de
l’immigration. Les trois jeunes maghrébins vivent paisiblement dans leur
quartier de Molenbeek et ne font rien, à part se rendre de temps en temps au
bureau de chômage.
Nabil Ben Yadir, le
réalisateur belge qui a vécu dans la capitale s’est inspiré du quartier où
il a grandi, des gens qu’il a côtoyés… bref, de sa réalité! Il joue avec les
mots et nous transporte dans cette comédie hilarante et bon enfant.
Dans le même ton que
celui de Jamel Debbouze ou encore de Gad Elmaleh, Nabel Ben Yadir montre les
tiraillements de ces jeunes entre leur tradition musulmane et la société
occidentale dans laquelle ils vivent au quotidien. Hassan, qui voudrait
monter sur les planches du café-théâtre du coin, se voit contraint par son
père de trouver un vrai métier: chauffeur de bus. Mariage, fêtes
religieuses, famille…, il doit se plier aux coutumes.
Ce film est également
une belle carte postale de Bruxelles: d’une place saint-gilloise aux rues
d’Anderlecht ou du centre-ville, les caméras se baladent à travers la
capitale et la montrent sous des couleurs chatoyantes. 100% made in
Brussels!
Avec ce premier long
métrage, le jeune Nabil Ben Yadir fait une entrée fracassante dans le monde
de la réalisation. Pas de stigmatisations d’une communauté, ni de mélodrames
sur l’immigration dans cette comédie, on se tord de rire et on s’émeut de la
tendresse des acteurs.
Virginie Tiberghien
Les
Barons, de Nabil
Ben Yadir, avec Fellag, Nader Boussandel, Mourade Zeguendi, Mounir Ait Hamou,
Jan Decleir, Edouard Baer. 1h51.
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