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Cinéma  (7 février 2013)

Du bidonville au martyre

© Les Chevaux de Dieu

Dans un film percutant (Les chevaux de Dieu), le réalisateur Nabil Ayouch plonge aux racines de l’islamisme le plus radical. Livrés à eux-mêmes et parias d’une mégalopole africaine, des enfants se laissent approcher par un noyau fanatique, prêt à toutes les manipulations.

Elle est dure, très dure, la vie des enfants du bidonville de Sidi Moumen, à Casablanca (Maroc). La vie en bande, autour des terrains de football improvisés, est à mille lieues de La guerre des boutons. Le moindre incident dégénère en règlement de comptes sanglant. Mais que faire d’autre sinon flirter avec cette violence, héritée des adultes, lorsqu’on a dix ans et que le reste de la famille est plongé dans la dépression ou la débilité? Pour assurer le minimum vital à leur famille, Yachine et son frère aîné Hamid se livrent à mille petits boulots et trafics pour le compte d’adultes véreux ou… de policiers corrompus.

Un jour, la vie de Yachine bascule. Hamid revient au baraquement familial après avoir purgé une peine de prison. Il n’est plus le même. Le gamin délinquant qui, autrefois, protégeait son frère et lui enseignait tous les coups foireux, s’est transformé en un être calme et apaisé. Le jeune islamiste radical qu’il est devenu convainc alors Yachine et ses copains de le rejoindre dans un baraquement, transformé en mosquée, pour écouter les prêches d’un imam. Commence alors un minutieux travail de préparation physique et mentale pour transformer ce groupe d’adolescents désœuvrés – recrues malgré elles des “fous de Dieu” – en chair à canon prête à commettre toutes sortes d’attentats…

La principale réussite du film de Nabil Ayouch est de faire ressentir au spectateur, presque physiquement, le contraste entre le quotidien impitoyable du bidonville et la douceur, voire la chaleur humaine – ô combien insidieuse – offerte par les barbus fanatiques. En osmose avec les jeunes, on souffle, on respire, on goûte l’apaisement de cette vie qui fait sens à leurs yeux et leur offre ce dont ils ont toujours manqué: éducation, attention, autorité. L’objectif est évidemment pernicieux, puisqu’il s’agit d’endormir toute conscience, d’annihiler tout esprit critique et de les emmener sur les chemin d’un “Paradis” aux mille délices.

La plupart des rôles principaux des Chevaux de Dieu sont tenus par des comédiens amateurs, issus directement de Sidi Moumen (le film a été tourné dans le bidonville) ; ce qui ne se sent absolument pas, grâce à la maîtrise de Nabil Ayouch. Ces jeunes acteurs ont été rapidement enthousiasmés à l’idée d’offrir un tableau réaliste de leur bidonville, après qu’un attentat très meurtrier (plus de quarante décès) eût frappé Casablanca en mai 2003. Présent à Namur avec quelques-uns de ces fantastiques acteurs lors du Festival international du film francophone en septembre dernier, Nabil Ayouch s’est expliqué sur sa démarche. “J’ai voulu aider à comprendre comment de tels attentats sont possibles. Peu après l’explosion des bombes, Sidi Moumen, déjà malmené par sa grande pauvreté, a souffert une deuxième fois : dès que les auteurs ont été identifiés comme originaires de ce quartier, la stigmatisation s’est abattue sur tous ses habitants. Or, cet endroit se situe à dix kilomètres à peine du centre de Casablanca; ces deux mondes ne se côtoient pas, n’ont pas de visage l’un pour l’autre. Détruire le bidonville et entasser ses habitants ailleurs, dans des logements verticaux, ne suffira pas à résoudre le problème. Pour le désenclaver, il faudra nécessairement l’aide de la culture, des théâtres, des cinémas…

Ce film sera projeté dans les salles européennes, mais aussi à Sidi Moumen-même, où l’onde de choc pourrait s’avérer constructive dans ce Maroc en pleine mutation. Et appelé, régulièrement, à s’interroger sur les grippages de son développement.

//PHL

>> Les chevaux de Dieu • de Nabil Ayouch • avec Abdelhakim Rachid, Abdelilah Rachid, Ahmed El Idrissi Amrani, Hamza Souidek • 1h52 • A partir du 13 février.


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