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Cinéma  (16 février 2012)

“Tous au Larzac”
Chronique d'une résistance non-violente

Près de quarante ans après l'extension avortée du camp militaire du Larzac, un documentaire se replonge dans la lutte des paysans français. Un clin d'œil aux grandes protestations des années septante. Et, bien plus que cela: une source de tonus - voire d'espièglerie - pour tous les mouvements de contestation actuels.

Un soir d'octobre 1970, des dizaines d'agriculteurs du Larzac, ce plateau austère et inhospitalier situé près de Millau (Aveyron), apprennent à la TV que le camp militaire qui jouxte leurs cultures et leurs élevages va passer de 3.000 à 17.000 hectares. La douche froide s'abat sur cette région reculée car cette annonce signifie des expropriations massives et, tout simplement, la fin des activités dans les fermes. Un embryon de contestations s'organise, d'abord timidement. Une centaine de familles s'engagent à refuser à tout prix l'extension, quoi qu'il arrive. Dénuées de toute culture politique, elles apprennent à structurer leur lutte, d'abord à l'échelon local, puis régional et, enfin, jusqu'à Paris. Très vite, elles optent pour une forme de résistance non violente, comprenant que les réactions les plus radicales – pourtant bien tentantes – ne mèneront à rien. Politiquement ancrés à droite et imprégnés d'un catholicisme traditionnel, ces paysans sont vite rejoints par divers groupuscules issus de la mouvance soixante-huitarde: anarchistes, maoïstes, pacifistes, insoumis… Miracle ! Alors que cette hétérogénéité aurait pu aboutir à l'éclatement de l'opposition au camp, c'est tout le contraire qui se produit. Cimenté par l'autogestion (les agriculteurs y garderont le pouvoir de décision finale à tout moment), le front mène sa lutte pendant onze ans, rejoint par des centaines de comités de soutien nés partout dans le pays. Devenu un enjeu de la campagne présidentielle entre Giscard d'Estaing et Mitterrand, le dossier du Larzac ne sera finalement tranché qu'avec l'accession à la présidence de ce dernier, en 1981: l'extension du camp est abandonnée. La victoire est totale pour les habitants de la région.

Woodstock sur Tarn

Le réalisateur Christian Rouaud a voulu rendre hommage, quarante ans plus tard, aux principaux acteurs de cette saga en leur donnant largement la parole. Agriculteurs “purs porcs” (sic) ou baba cools venus de l'extérieur se livrent à la caméra sans détours sur fond d'images d'époque. Dénué de temps de respiration (pourquoi n'avoir pas laissé plus de place au “son” des nombreuses images d'archives ?), le procédé choisi par Rouaud n'est pas le plus captivant. Il faut du temps au spectateur pour se laisser gagner par l'émotion et pour comprendre la véritable singularité de cette improbable fusion humaine. Au travers des interviews des protagonistes (dont José Bové, actuellement parlementaire européen), on suit pas à pas les étapes d'une lutte étalée sur plus d'une décennie: les occupations de terrain, les interminables palabres pour définir la stratégie à suivre, les transformations du plateau du Larzac en une sorte de Woodstock-bis, l'influence de grands leaders non violents sur l'esprit de la contestation (dont Lanza del Vasto), les marches indignées sur Paris (en tracteur, à pied, en famille!), l'occupation du Champ-de-Mars au pied de la Tour Eifel, les tentatives (avortées) de sabotage du mouvement par les Renseignements généraux français, les doutes et les suspicions qui animent les meneurs à chaque échec, etc. C'est que, jusqu'au bout, le gouvernement français tiendra bon et imposera ces expropriations. Seul le basculement politique vers la gauche permettra d'enterrer le projet.

Le creuset d'autres luttes

Au final, si l'on accepte de se laisser convaincre par le rythme du documentaire, le pari de Christian Rouaud est pleinement gagné. Allégée par l'humour des paysans évoquant leur passé et la cocasserie des situations évoquées (ces militaires “encerclés” par les pacifistes!), son œuvre intéressera les résistants de tout poil, militant d'un jour ou de toujours. Elle réussit également à démontrer comment le brassage des genres et la construction pas à pas de la démocratie peuvent faire vaciller – ou ridiculiser – les décisions les plus brutales et injustes. On comprend mieux, après cette plongée dans la contestation des années septante, les racines de mouvements plus actuels comme le refus des OGM et jusqu'aux mouvements récents des Indignés. “Le Larzac nous parle d'aujourd'hui, commente avec justesse Christian Rouad. Il ne s'est pas contenté de mettre en pratique les rêves de Mai 68 en prolongeant une insurrection qui avait laissé le goût amer de l'inachevé. Il remue aussi cette force subversive en nous. Il démontre une incroyable liberté d'invention et de ton, une fierté, une insolence et une imagination sans bornes”.

// PH.L.

>> “Tous au Larzac” • Documentaire de Christian Rouaud • 118 minutes. A Namur (Caméo 2) à partir du 8 mars (avant-première, le 6, en présence de José Bové) • A Mons à partir du 28 mars (ce jour-là, avec les Amis de la Terre) • A l'affiche, aussi, à Charleroi (Le Parc) en avril. Et probablement ailleurs.


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