Bande dessinée
( 21 mai 2009)
A la
recherche du clairon
perdu
Il
y a la grande Histoire de la guerre, celle des batailles, des héros et
des traités de paix. En marge, il y a celle des oubliés et des inconnus
au bataillon.
Marcel,
héros malgré lui de “Trompe la mort”, est de ceux-là. Trois quarts de
siècle après la “Grande guerre”, il vient l’idée saugrenue à ce papy de
85 ans de rompre la monotonie de sa vieillesse en partant à la
recherche de son clairon perdu. Car Marcel, sous les drapeaux de la
France en guerre, fut clairon de la troupe et, à ce titre, chargé de
réveiller l’ardeur des soldats, morts de trouille autant devant l’ennemi
que face aux ordres inconscients de leurs imbéciles de gradés, prêts à
les jeter à une mort certaine. Pour l’aider à retrouver le précieux
instrument, Marcel fait appel à Andréa, sa petite-fille. Et voilà les
deux principaux protagonistes de ce récit lancés sur les routes de
l’Hexagone. Lui, l’éternel bougon, réac et misogyne. Elle, l’écolo
insouciante et vraiment peu portée sur les souvenirs au goût de
naphtaline de l’octogénaire ronchon.
Outre
le côté insolite du scénario, c’est le personnage attachant de Marcel,
anti-héros par excellence, qui séduit dans cet ouvrage, de même que le
traitement tendre/amer réservé par l’auteur au choc des générations. Par
petites touches pleines d’humour et de tendresse mal contenue, Alexandre
Clérisse parvient à dénoncer l’instrumentalisation des “grandes causes”
du passé par une certaine classe politique d’aujourd’hui. Jusqu’à ce
point d’orgue du récit où Marcel, devant une tribune municipale dont il
refuse violemment les honneurs, lancera son avertissement:
«Méfiez-vous, méfiez-vous! Ca commence comme ca… Ca parle d’héroïsme, de
patriotisme, de drapeau (…) et ça vous envoie en moins de deux sous les
bombes…» Boudeur, râleur, insupportable. Mais pas stupide pour un
sou.
Ph.L.
Trompe la mort,
Ed.Dargaud,
62 p. 14,50 EUR.
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