Assurance maladie
De meilleurs résultats mais
des efforts à poursuivre
Les années
se suivent mais ne se ressemblent pas. Après une année 2004 avec des
résultats franchement catastrophiques pour l’assurance maladie, nous avons
les premiers chiffres de 2005. Ils font apparaître un boni de 148,4
millions d’euros. Bien qu’ils soient encore provisoires, c’est une bonne
surprise et un grand sujet de satisfaction pour ceux qui ont pu, sans
céder à la panique, élaborer un ensemble de mesures qui ont manifestement
porté leurs fruits.
L’assurance maladie nous a
habitués dans le passé à ces résultats en dents de scie. Comme si tout à
coup de meilleurs résultats engendraient des dépenses supplémentaires et
puis inversement. Il importe donc de ne pas trop vite claironner que tout
est résolu. Au contraire, il faut maintenir la pression et poursuivre les
chantiers ouverts pour réduire les dépenses inutiles, d’autant plus que
d’autres difficultés s’annoncent.
Dans le même
temps, le groupe Dexia publie, comme chaque année, son étude sur les
finances des hôpitaux. Les résultats sont, eux aussi, bons et font état
d’une sérieuse amélioration de la situation financière des hôpitaux. Cela
rend encore plus incompréhensible la croissance des suppléments de plus en
plus souvent réclamés aux patients comme l’indique une étude que nous
avons réalisé sur l’ensemble des hôpitaux et dont les résultats sont
disponibles par hôpital individuellement sur notre site web www.mc.be.
Quels sont les chantiers
ouverts pour réduire les dépenses ?
Il y en a
plusieurs. Le principal est la limitation des prescriptions de médicaments
et d’actes de diagnostic.
Pour les actes
de diagnostic, je reste très impressionné par l’étude très robuste sur les
excès d’examen préopératoires. Il y avait des différences énormes entre
des hôpitaux pour traiter les mêmes pathologies pour les mêmes types de
malades. Rien n’a été fait jusqu’ici pour les corriger. Or, cela engendre
des dépenses inutiles et surcharge les prestataires de soins. Il existe
pourtant des moyens simples pour interpeller les hôpitaux qui exagèrent et
pour les amener à mieux évaluer leurs pratiques et les confronter aux
schémas de soins reconnus internationalement. Un pas va cependant être
franchi pour les médicaments en hôpital puisqu’une grande partie de
ceux-ci sera prochainement mise sous forfait. Cela devrait inciter à un
usage plus rationnel.
En matière de
médicaments, le secteur a une fois de plus largement dépassé son budget.
En cause, non pas tant les volumes que l’augmentation persistante des
prix. Bien sûr, il y a une sérieuse pression sur les prix avec le
développement des génériques et les baisses spectaculaires des prix des
spécialités dont le brevet a expiré. Le Ministre Demotte a mis en place
tout un dispositif qui a montré son efficacité. Et, à partir de ce premier
avril, vont en outre commencer les contrôles sur les médecins pour qui des
objectifs de prescription “bon marché” sont définis.
Ainsi, par
exemple, un généraliste doit avoir dans son total de prescription 27 % de
médicaments bon marché : génériques ou spécialités dont le prix a été
diminué, prescriptions sous la dénomination internationale. Les médecins
supportent mal ces contrôles et certains continuent même, contre toute
évidence scientifique, à faire le procès des médicaments génériques.
Ceux-ci sont cependant en croissance importante bien que nous restions
encore en Belgique très en deçà des volumes de prescription de génériques
constatés à l’étranger. Cela va cependant augmenter l’usage de médicaments
moins chers.
Mais
entre-temps, parallèlement aux baisses de prix parfois spectaculaires,
arrivent sur le marché des nouveaux produits à des prix exorbitants. Il
s’agit principalement de médicaments actifs contre le cancer.Il est triste
de voir des firmes très importantes et très connues mettre en vente des
produits à des prix tels (jusqu'à mille euros par semaine par malade) que
cela provoque de profonds désarrois chez les malades, dans la population,
et parmi les responsables politiques et sociaux. Ces prix n’ont aucune
justification sinon celle que les firmes pensent que des personnes
gravement malades et des responsables politiques mis sous pression
accepteront de payer. Ces firmes affichent au même moment des bénéfices
fabuleux et continuent à dépenser deux fois plus pour le marketing que
pour la recherche.
Ces nouveaux
médicaments, issus de la biotechnologie, sont sans doute prometteurs mais
conservent encore actuellement des résultats assez limités en oncologie.
Mais ils apparaissent pour beaucoup comme un ultime espoir. La pression
est terrible pour que l’assurance maladie les prennent en charge, ce qui a
été accepté dans des limites assez précises. Il faut savoir que ce sont
des dizaines de millions d’euros qui sont en jeu et que, hélas, cet argent
ne pourra pas être dépensé deux fois. Ce qui a été dépensé d’un côté devra
être économisé sur d’autres postes.
Tout ceci nous
renforce encore dans la conviction que seul un usage systématique à
qualité égale des médicaments les moins chers, génériques ou pas, pourra
permettre à l’assurance maladie de faire face aux dépenses pour les vraies
nouveautés qui doivent amortir des recherches souvent coûteuses pour leur
mise au point. Encore faudrait-il pour ces derniers en peser l’utilité
réelle, en circonscrire l’utilisation et en négocier les prix dans la
transparence.
Par rapport à
la situation d’il y a un an, nous avons certainement vécu un sérieux
redressement qui disqualifie les fausses solutions préconisées par
certains comme la privatisation ou la scission communautaire de
l’assurance maladie. Mais nous devons maintenir et poursuivre les efforts.
Et les charges qu’il faudra assumer à l’avenir nous font craindre des
difficultés si la norme de croissance de 4,5% l’an n’est pas maintenue.
Edouard Descampe
Secrétaire Général